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encore le caractère de l’art, c’est qu’on ne connoissoit pas cette ligne ondoyante qui semble toujours tendre à la droite & à la circulaire & qui n’est jamais ni l’une ni l’autre.

Ses ouvrages étoient très-finis ; mais il ne put s’exempter de la sécheresse qui étoit encore augmentée par la pratique qu’il avoit de trop marquer les contours qui doivent en quelque sorte se perdre. Cependant on ne peut lui faire ce reproche de sécheresse que par comparaison aux bons peintres qui l’ont suivi ; car il est coulant & moëleux, si on le compare aux artistes de son tems. Ses ouvrages avoient une qualité qui est fort estimable & qu’on desire souvent dans de bons tableaux ; c’est que les figures se distinguent nettement de loin.

On raconte que dans un voyage de Florence à Rome où il accompagnoit le Duc Julien de Médi cis, il fit pour l’amuser de petites figures qui voloient en l’air & redescendoient ensuite terre. Ce jeu de Léonard n’auroit-il pas quelque rapport avec l’invention des ballons aërostatiques ?

Il as avoit trop de mérite pour ne pas éprouver les traits de l’envie. Il fut dégoûté du séjour de Florence & de Rome par les persécutions de Michel-Ange qui affectoit de le mépriser, & qui le livroit aux railleries de ses élèves. Sans doute Michel-Ange etoit bien supérieur à Leonard par la grandeur & la fierté de la conception & par la science profonde du dessin, mais Léonard à son tour lui étoit supérieur dans toutes les parties aimables de l’art.

Pour se soustraire aux dégoûts qu’il éprouvoit dans sa patrie, cet artiste presque septuagénaire, se rendit à l’invitation de François premier, & vint en France, où il vêcut peu de temps. Il mourut à l’âge de soixante & quinze ans, en 1520, entre les bras du Monarque.

Nous croyons devoir rapporter ici le jugement que Rubens a porté de Léonard. Les jugemens des grands artistes sont en effet des leçons, puisque ce qu’ils approuvent est ce qu’il est avantageux de pratiquer. Nous transcrirons la traduction de de Piles ; il avoit entre les mains le manuscrit latin de Rubens que nous ne connoissons pas, & qui peut-être n’existe plus.

« Léonard de Vinci, dit le grand maître de 1’école de Flandre, commençoit par examiner toutes choses selon les regles d’une exacte théorie, & en faisoit ensuite l’application sur le naturel dont il vouloit se servir. Il observoit les bienséances & fuyoit toute affectation. Il savoit donner à chaque objet le caractère le plus vif, le plus spécificatif, & le plus convenable qu’il est possible, & poussoit celui de la majesté jusqu’a la rendre divine. L’ordre & la mesure qu’il gardoit dans les expressions étoit de remuer l’imagination & de l’élever par des parties essentielles, plutôt que de la remplir par des minuties, & il tâchoit de n’être en cela ni prodigue ni avare. Il avoit un si grand soin d’éviter la confusion des objets, qu’il aimoit mieux laisser quelque chose à souhaiter dans son ouvrage, que de rassasier les yeux par une scrupuleuse exactitude : mais en quoi il excelloit le plus, c’étoit, comme nous l’avons dit, à donner aux choses un caractère qui leur fût propre, & qui les distinguât l’une de l’autre » « Il commença par consulter plusieurs sortes de livres ; il en avoit tiré une infinité de lieux communs dont il avoit fait un recueil. Il ne laissoit rien échapper de ce qui pouvoit convenir à l’expression de son sujet ; &, par le feu de son imagination, aussi bien que par la solidité de son jugement, il élevoit les choses divines par les humaines, & savoit donner aux hommes les degrés différens qui les portoient jusqu’au caractère de héros. » « Le premier des exemples qu’ils nous a laissés, est le tableau qu’il a peint à Milan de la scène de notre Seigneur, dans laquelle il a représenté les apôtres dans les places qui leur conviennent, & notre Seigneur dans la plus honorable, au milieu de tous, n’ayant personne qui le presse ni qui soit trop prés de ses côtés. Son attitude est grave, & ses bras sont dans une situation libre & dégagée pour marquer plus de grandeur, pendant que les Apôtres paroissent agités de côté & d’autre par la véhémence de leur inquiétude, dans laquelle néanmoins il ne paroît aucune bassesse ni aucune action contre la bienséance, Enfin, par un effet de ses profondes spéculations, il est arrivé à un tel dégré de perfection, qu’il me paroît comme impossible d’en parler assez dignement, & encore plus de l’imiter. »

On connoît de Léonard un traité de peinture, imprimé en italien, avec des figures dessinées par le Poussin, & traduit en françois. Il a laissé un grand nombre d’autres écrits que l’on croyoit perdus, mais que M. de Villoison, de l’académie des Inscriptions & Belles-Lettres, m’a dit avoir vus à la bibliothèque Ambrosienne.

Michel-Ange Buanarroti, la gloire de l’école Florentine, naquit en 1474, dans un château voisin d’Arezzo, d’une famille noble, mais peu fortunée. Son père, Louis Buonarroti Simoni, étoit de l’ancienne & illustre maison des Comtes de Canosse. Les parens de Michel-Ange auroient cru, en le destinant aux beaux arts, dégrader leur haute noblesse, & c’étoit par l’exercice de ces arts qu’il devoit procurer un jour à leur nom l’illustration la plus brillante qu’il pût recevoir.

Son penchant, plus fort que les préjugés &