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matière dans un mémoire qu’il lut en 1752 à l’académie des belles-lettres dont il est membre ; il lut aussi, en 1753, à l’académie royale de peinture un autre mémoire sur le même sujet, dans lequel il proposoit un moyen d’exécuter des tableaux avec de la cire pure, des couleurs & le feu ; mais les membres de cette académie doutèrent de la possibilité de peindre avec de la cire.

N’étoit-il pas naturel, en comparant cette nouveauté avec toutes les manières de peindre connues, de la regarder comme difficile ou même comme impossible ? Cet art n’existant encore qu’en spéculation, il étoit prudent de ne s’en rapporter qu’à l’experience.

Cependant M. le Comte de Caylus, pour satisfaire les artistes & son goût, desiroit de mettre en pratique ce qu’il avoit à peine projette. Pour remplir ses vues, comme il le dit lui-même dans son mémoire, page 8, il crut devoir associer à ses travaux M. Majault, docteur en médecine de la Faculté de Paris ; l’amitié guida moins son choix que les connoissances qu’il avoit des lumières de ce savant médecin. Ils travaillèrent de concert à découvrir les moyens de peindre à l’encaustique. Leurs travaux eurent tour le succès qu’ils pouvoient desirer, & les conduisirent même au-delà de ce qu’ils avoient espéré, puisqu’ils firent & perfectionnèrent la découverte de la peinture à la cire. L’on vit enfin à l’académie des belles-lettres, le 12 novembre 1754, jour d’une assemblée publique, un tableau représentant une Minerve, exécuté par M. Vien, très-célèbre artiste : la plus grande partie de cette peinture prouvoit qu’il étoit possible de faire des tableaux à l’encaustique. Je dis la plus grande partie, parce que cette première production participoit pour un quart de la peinture à la cire. Tout Paris voulut voir cette nouveauté, & les peintres enfin convaincus en furent les premiers admirateurs. ([1])

MM. de Caylus & Majault travaillèrent à perfectionner la peinture à l’encaustique & la peinture à la cire, & à mettre le manuel de ces nouveaux arts en état d’être publié. Toutes leurs expériences furent achevées au mois de juin 1755. Elles firent en partie la matière d’un mémoire que M. le Comte de Caylus lut à l’academie des belles-lettres le 29 juillet de la même année, c’est-à-dire huit mois dix-huit jours après l’exposition du tableau de la Minerve. L’académie des belles-lettres, persuadée que cet ouvrage pouvoit être utile aux artistes, permit


qu’on le tirât de les registres & qu’on l’imprimât. On y joignit le mémoire sur la peinture à la cire qui n’y avoit pas été lu, parce que ce dernier ouvrage n’étoit pas de son ressort. Les deux mémoires imprimés furent distribués au public dans un seul volume le 25 août de la même année, sous le titre de Mémoire sur la peinture à l’encaustique & sur la peinture à la cire, ouvrage méthodique & bien tissu, qui fera éternellement un honneur infini à ses auteurs. Il est bon de remarquer que, lors de la lecture du mémoire dont nous venons de parler, M. le Comte de Caylus porta à l’académie des inscriptions deux petits tableaux peints, l’un selon la troisième, l’autre selon la quatrième manière de peindre à l’encaustique, dont il n’avoit point encore fourni de preuves par expérience. Mais revenons à l’époque de l’exposition du tableau de la Minerve.

Dès que ce premier essai eut paru à l’académie des belles-lettres, ce nouveau genre de peinture excita l’émulation & la curiosité. Par quel moyen, se disoient entr’eux les membres les plus éclairés de l’académie royale de peinture, a-t-on pu parvenir à peindre avec la cire ? Ni M. de Caylus, ni M. Majault, ne dirent alors quels en étoient les procédés:c’étoit un tribut que M. de Caylus devoit à l’académie des inscriptions avant que de les rendre publics, puisque leurs recherches n’avoient pour objet que le renouvellement d’un art connu chez les anciens.

Cependant les peintres qui avoient beaucoup touché, senti & examiné le premier échantillon de cette peinture, y ayant trouvé un peu d’odeur d’essence de térébenthine, crurent que tout ce tableau avoit été peint avec de la cire dissoute dans cette essence ; car on ne s’imaginoit point alors qu’il fût possible de faire des tableaux avec de la cire & des couleurs sans que la cire fût dissoute, & on ne connoissoit même pas la dissolution de la cire dans l’essence de térébenthine, quoiqu’en ait dit un petit ouvrage anonyme dont nous parlerons dans la suite, & que M. Monnoye a sérieusement rapporté dans le mémoire sur l’encaustique qu’il a fourni au dictionnaire encyclopédique.

Les peintres qui avoient examiné la première production de cette peinture, s’entretenoient avec ceux qui ne l’avoient pas vue des remarques qu’ils avoient pu faire, & quelques-uns projettèrent d’en faire des essais.

MM. Hallé, Bachelier & le Lorrain furent ceux qui firent les premières tentatives; ils broyèrent leurs couleurs avec de la cire dissoute dans l’essence de térébenthine, peignirent & se hâtèrent de faire voir leurs premières productions. Elles parurent dans les mois de Janvier, Février, Mars de 1755. MM. Hallé & le Lorrain s’en tinrent à quelques petits tableaux.

  1. (1) M. Carle Vanloo, cet Artiste si connu par ses rares talens, voyant pour la premiére fois le tableau de la Minerve, dit que l’encaustique n’étoit pas une si mauvaise chose, & qu’il vouloit aussi peindre de cette manière. On sent de quel poids peut être l’approbation de M. Vanloo.


Beaux-Ans. Tome I, I i