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il s’ensuit que pour les copier avec fidélité, on est forcé de dégrader avec une exacte proportion les tons qui suivent e premier blanc ; Alors il est nécessaire que les ombres du tableau soient plus foncées que celles du modèle ; sur-tout, si, depuis les plus grands clairs jusqu’aux bruns, on a proportionnellement suivi la distance qui s’est trouvée entre les pouvoirs de la palette & les tons de l’objet copié.

Or, si le blanc de la fresque est infiniment plus clair que celui de l’huile, on obtiendra le même effet dans un ton moins brun. D’un autre côté, s’il est constant que les tons bruns que peut donner la fresque sont beaucoup plus vigoureux que ceux de la détrempe, s’ils égalent même les bruns de la peinture à l’huile, il est certain que ses moyens d’éclat & de vigueur sont plus étendus que ceux de tous les genres de peinture. Ainsi dans les mains d’un artiste coloriste, qui connoît bien les couleurs de la peinture à fresque, elle est la plus susceptible d’effet genéral, & plus capable qu’aucune autre manière de donner aux oorps la saillie la plus approchante de la réalité.

Si la peinture à fresque réunit en elle, à l’avantage qu’elle tire d’être vue de loin, les plus grands moyens de puissance dans les effets, & les plus belles parties de l’art, qui ne conviendra pas qu’elle seule doit servir à la décoration des endroits spacieux, soit extérieurs, soit intérieurs, qu’on voudra embellir des charmes de l’art de peindre ?

On n’use pas de nos jours de la peinture à fresque : osons en dire les raisons. D’abord elle exige les plus grands talens ; écoutons Vasari dans le traité de la peinture, qui précède ses vies : « Beaucoup de nos peintres, dit-il, se distinguent dans les ouvrages à l’huile & à détrempe qui venant ensuite à peindre à fresque ne réussissent plus, parceque, de toutes les manières, c’est celle qui exige le plus de force, d’assurance, & de résolution... » Si des hommes d’un siècle fécond en grands maîtres, avoient peine à exceller dans ce genre, que seroit-ce du nôtre ? Mais nous n’exigerions pas les grands caractères de sublimité & de style, auxquels on étoit accoutumé du tems de Vasari. Nous ferions des fresques comme nous faisons des tableaux à l’huile. Mais l’Italie à côté de Michel-Ange & des Zuccharo, n’a-t-elle pas eu aussi des fresques des Cortonne, des Giordano, & des Franceschini ? Chez nous Lafosse Bon Boulogne, Perier en ont fait de très-estimables dont les artistes de nos jours pourroient bien approcher ; ainsi passons à des causes plus réelles de l’abandon de ce genre. Elles naissent du peu de savoir des personnes qui occupent les artistes & des mœurs du siècle. Une idée plaisante ou même licencieuse : voilà les sujets qui piquent l’esprit ; des couleurs crues, des effets de noir & d’ombre bien tranchans : voilà ce qui attaque l’œil ; une peinture bien lisse, ou reveillée par des touches légères : c’est à quoi se bornent la connoissance de nos acheteurs & ce qui les satisfait pleinement. Ils ne cherchent pas les parties savantes de l’art qu’il faudroit étudier pour les bien connoître. Ils ne les apperçoivent pas même où ils les rencontrent ; & la fresque ne peut donner que ces grandes recherches ; ses couleurs sont peu brillantes, & elle n’offre pas les charmes du pinceau ; comment prétendroit-on au plaisir d’en posséder ?

A cette cause du peu de charmes que la fresque présente aux esprits superficiels, se joint un préjugé des architectes contre les peintures dans l’architecture. Blondel l’a sémé par des raisonnemens ridicules : divers intérêts l’ont fait adopter, & de là la répugnance des constructeurs pour emploier la fresque dans les monumens dont ils sont chargés. Il y a de fortes réponses à faire aux sophismes dont les architectes fortifient leur systême contre la peinture : nous les rassemblerons dans l’article Plafond. (Article de M. ROBIN.)

FROID (adj.) Un ouvrage de l’art peut être froid de dessin, de couleur, de touche, de composition, d’expression. Le dessin est froid, quand les lignes n’en sont pas variées ? la couleur est froide quand elle est foible & peu appellante ; la touche est froide, quand elle est timide & peu prononcée ; la composition est froide, quand elle manque de mouvement ; l’expression est froide, quand les figures ne semblent animées par aucune affection intérieure. Quelquefois la froideur est relative au sujet. Quand le sujet exige un mouvement impétueux, la composition est froide, si elle n’a que le même dégré de mouvement, qui conviendroit à un sujet tranquille & qui lui donneroit toute la chaleur dont il est susceptible. L’expression est froide, si elle ne présente qu’une passion modérée, quand le sujet exige une passion violente.

L’artiste sage qui ne donne à ses compositions, que le mouvement qu’elles doivent avoir, & à ses personnages que le degré de passion qu’ils doivent éprouver, risque d’être traité d’artiste froid par ses contemporains, & surtout par ceux de ses rivaux qui croyent avoir beaucoup de chaleur quand ils ne consultent jamais la saine raison.

On a vu des artistes qui trouvoient l’antique froid, & qui auroient craint de se refroidir s’il avoient considéré un tableau de Raphaël.

La véritable chaleur est une qualité de l’ame. L’artiste ne sera jamais froid, s’il voit, s’il sent tout ce qu’il doit représenter. Mais souvent toute la chaleur d’un artiste ne consiste que

Beaux-Arts. Tome I.

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