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G R A en vue la grace dans les figures & dans les objets qui comportent cette perfection ; vous vous dirigerez à un but qui n’est pas arbitraire ; mais foyez bien persuadés que plus vous faites d’efforts pour donner, par exemple, un air gracieux aux têtes que vous peignez, plus vous vous éloignez de la véritable grace.

Dans le portrait, l’air qu’on appelle gracieux est presque toujours une grimace. Tel est dans la société, si on l’examine bien, le maintien habituel de quelques femmes qui se commandent le sourire, qu’elles ont composé devant leur glace, qui s’exercent à un doux langage, comme elles apprennent des chansons, & qui sans que leur ame s’intéresse, se sont une sensibilité de circonstance & de moment.

Le mauvais peintre de portrait croit rendre ses têtes gracieuses en relevant les coins de la bouche. Il pense leur donner du sentiment, en allongeant & rapprochant un peu les paupières, & en soulevant la prunelle. Ces moyens ridicules expliquent la manière dont il conçoit le sens du motgracieux.

Que les artistes plus habiles se rappellent souvent ces ridicules. Ce préservatif est d’autant plus nécessaire qu’ils rencontrent trop souvent dans la société de ces physionomies de commande.

On prescrit l’air gracieux, la mine gracieuse aux enfans. On appelle tristes & peu sociables ceux qui abandonnent leurs traits à la disposition de leur ame. C’est un mal peut-être nécessaire dans la société. Il n’est pas aussi nécessaire dans la peinture, & les peintres devroient bien au moins conserver dans le monde qu’ils créent, les types de la franchise, du sentiment & des vérités de la nature. (Article de M. Watelet.)

GRADATION (subst. fém.) Si la gradation en rhétorique est une différence graduée des expressions par lesquelles on parvient à la plus forte expression ; la gradation dans l’art exprime les différens dégrés qu’il est nécessaire de parcourir afin d’atteindre au plus haut dégré dans chacun des parties qui le composent.

Ainsi, par rapport à la peinture, il faut de la gradation dans la disposition, dans les formes, dans les caractères, dans les expressions, dans les mouvemens, dans les plis des draperies, dans les teintes, dans les tons, &c.

Si nous nous étions occupés d’un ouvrage complet sur cet art, nous aurions voulu, par le systême de notre plan, traiter de la gradation en parlant des diverses parties que nous venons de nommer ; mais n’ayant pas été à portée de suivre cet ordre, nous parlerons dans cet article de lagradation, dans toutes les parties dont les mots ont déjà été publiés, & nous renverrons nos opinions sur la gradation dans


les plis des draperies, dans les teintes, dans les tons, dans les mouvemens aux articles de ces divers mots.

Tout homme un peu réfléchi sont qu’il doit y avoir de la gradation dans les ouvrages de l’art, puisque la nature en montre par-tout.

La disposition des grouppes & des figures est le premier point dans lequel la gradation doit être observée : tellement que d’elle dépend la clarté du sujet. Veut-on conduire l’œil du spectateur sur le principal personnage de la scène ? il faut que tous les grouppes, toutes les figures mènent à lui par les dégrés de leurs plans, de leurs formes générales, & de leurs actions. Porus défait & blessé est amené aux pieds d’Alexandre. Dans ce moment la chaleur de l’action est appaisée ; cela se voit au calme du héros de Macédoine ; cette tranquillité de situation passe à ses favoris, & diminue à proportion que les figures s’éloignent du personnage capital. La gradation d’action relative à la disposition entraîne aussi celle des formes des grouppes.

Le roi des Indes & ceux qui le portent produisent un ensemble dont la forme est transversale par sa disposition ; Alexandre à cheval devenant plus élevé est dispose en pyramide, & les divers grouppes de soldats qui combattent & amènent des esclaves, offrent des angles de diverses ouvertures. Les plans se succédant avec clarté & sans interruption jusqu’au roi, l’œil les a parcourus, & s’arrête où ils sont interrompus, je veux dire à la figure du vainqueur de l’Inde. C’est ainsi que l’attention est fixée par la graduelle disposition des grouppes vers le but où réside la motale & l’héroïsme de cette scène pompeuse. Telle est la leçon que le tableau de le Brun nous donne sur la gradation dans la disposition. Le Poussin dans un sujet moins héroïque l’avoit donnée par son tableau de la manne ; mais Testelin dans ses tables sur la peinture n’eût-il pas préférablement cité celle de le Brun, si celui-ci n’avoit été son contemporain ?

Il est une gradation dans les formes de la composition pittoresque & dan celles de chaque figure. Pour la premiere espèce, citons Rubens : soit qu’il présente Henri IV & Marie de Médicis dans l’Olympe sous l’emblême poëtique de Jupiter & de Junon, soit qu’il veuille nous fixer sur Paul terrassé par la voix qui lui reproche sa persécution impie : les formes de détails conduisent par dégrés aux formes générales de ces compositions, & y répandent une grace qui s’obtient par leur gradation.

Les formes du corps humain présentent une sensible gradation. C’est dans les ouvrages des Carraches, plus encore dans ceux de Raphaël & de Michel-Ange, mais souverainement dans les sculptures antiques qu’il en faut voir les combinaisons exquises. Elles les portent au sublime. Le