Aller au contenu

Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/500

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
GRA GRA 359


que l’eau-forte n’ait pas été conduite par l’intelligence des artistes, & qu’elle ait produit des hasards malheureux ; on voit au contraire que cette intelligence a réglé même les travaux qu’ils semblent avoir abandonnés au hasard.

Nous ne craindrons donc pas d’avancer que le mêlange de l’eau-forte & du burin convient en général à la gravure de la grande histoire. Nous avons déjà vu comment devoit se disposer le travail de l’eau-forte : voyons maintenant comment le burin doit le terminer.

Comme le burin se pousse avec la paume de la main, au lieu de se conduire avec les doits, on sent que sa marche la plus naturelle est la ligne droite. La première difficulté qui se rencontre dans le maniement de cet outil, est donc de vaincre sa roideur. Quand on a surmonté cette difficulté & qu’on est parvenu à lui donner de la soupsse, le plus grand danger est de se livrer au desir de montrer son adresse en lui faisant tracer des lignes circulaires.

C’est une suite de l’amour-propre de vouloir, dans quelque genre que ce soit, montrer qu’on est capable de faire ce que les autres trouvent le plus difficile. Au mérite de suivre la raison, on préfère le plaisir d’étonner, & l’on abandonne le vrai beau pour se livrer au difficile. Dans les écrits, on recherche les expressions les moins naturelles, les tours les moins familiers, les idées les moins simples ; dans la musique on remplace par des traits le chant & l’expression ; dans la peinture, on affecte des poses outrées, tandis que l’homme prend naturellement la position la plus commode ; dans la gravure au burin, on se plaît à montrer qu’on peut faire suivre à cet instrument les chemins les plus bizarres, tandis qu’il faudroit régler sa marche sur celle qu’indiquent les plans des différens objets.

L’artiste sage évitera ces affectations. Quoiqu’il n’ait pas négligé de se rendre le burin assez familier pour lui faire tracer les tailles les plus difficiles, il n’abusera pas de cette aisance, & quittera sa taille commencée dès qu’elle cessera de convenir au plan qu’il doit suivre. Au lieu de s’obstiner à prolonger la même traille, il changera de tailles suivant le sens des muscles, la marche des plis, &c. Il évitera cependant qu’une suite de travaux brusquement abandonnés & voisins d’une autre suite de travaux qui les contrarient, offre l’apparence d’une piece. Souvent il trouvera moyen de lier un plan à un autre plan, en reprenant & continuant la première taille de l’un, pour la faire servir de seconde à l’autre ; quelquefois il se contentera de lui ménager l’office de troisième.

Soit donc que l’on prépare une première taille à l’eau-forte, ou qu’on l’établisse au burin, c’est à la forme qu’elle doit exprimer à lui pres-


crire le sens qu’elle doit suivre, & la longueur qu’elle doit avoir en qualité de première. On trouvera presque toujours moyen de la lier, de quelque façon que ce soit, aux suites voisines de tailles. Dans les draperies, il est quelquefois de l’art de faire contrarier les travaux entr’eux, quand les plis se contrarient eux-mêmes au lieu de se suivre. La principale règle, en tout cela, est d’obéir à l’indication de la nature ou du tableau.

Les tailles courtes plaisent dans les eaux-fortes, lorsqu’elles sont établies par des artistes habiles, parce qu’elles dessinent bien les plans. Cet avantage doit se retrouver dans la gravure au burin, & il a, dans l’art, trop d’importance pour qu’on doive en faire le sacrifice à la vanité du métier. Le graveur, qui manie bien le burin ne manquera jamais d’occasions de montrer ce talent, & trouvera toujours moyen de placer raisonnablement dans son ouvrage des suites de belles tailles.

Nous avons averti que le lozange outré se doit éviter dans l’eau-forte, parce que les sections des tailles mordroient trop. On doit aussi l’éviter au burin, parce que ces mêmes sections forment toujours des taches noires, & que cette sorte de combinaison de tailles laisse des blanc prolongés dans la forme d’un fer de lance ; on ne peut effacer ces taches & éteindre ces blancs qu’en multipliant les travaux. Les travaux trop multipliés marquent l’embarras de l’artiste ; il y a de l’art à bien faire avec le moins grand nombre de travaux qu’il est possible.

Les chairs ébauchées à l’eau-forte, rentrées au burin, & accompagnées, suivant le besoin, de secondes & de troisièmes, ont besoin d’être empâtées & conduites par cet instrument jusqu’à la lumière. Les demi-teintes les plus voisines des lumières & les jours secondaires se traitent ordinairement, dans la manière moderne, avec des point longs, & s’empâtent & mis en entre-tailles. On rentre ces points du côté opposé à celui par lequel on les a établis, pour les empêcher d’être aigus. Souvent il faut achever de peindre avec des points faits à la pointe sèche ou à la pointe du burin. Il n’est pas toujours nécessaire de mettre un grand ordre dans ces derniers travaux d’empâtement, mais ils doivent toujours avoir de la propreté.

On introduit quelquefois aussi des points à la pointe sèche & au burin & de formes différentes, pour éteindre les blancs qui se trouvent dans les ombres & dans les plus fortes demi-teintes. Ce travail est accompagné d’une certaine mollesse qui ne convient pas mal à la chair, & qui ne manque pas de ragoût. Mais il doit être inspiré par le tableau. On fera souvent mieux de donner à l’ombre plus de fermeté