Aller au contenu

Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/542

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

GRO

Magiftrars ; & ils ornent les bibliothèques 8c les lieux où les Princes tiennent leurs confeils. Il devro’ent en être exclus ; ils pourraient feulement être employés pour les bains , les cabinets de plaifirs , & tous les petits cafins qui entourent nos grandes villes.

L’emploi des grottefques en peinture eft encore plus b-zarre qu’en fculpture ; de cette dernière manière , ils tiennent des ornemens propres à l’architecture : mais il faut bien distinguer ce qu’on appelle ornemens d’avec les grottefques ou arabefques.

Les ornemens ont été inventés parles auteurs des règles , par les difpenfateurs du grand goût, par les Grecs enfin, qui les ont liés à toutes les parties de l’architecture. Ils font d’un tel choix déformes, fi mâles & fi nobles, & employés avec une fi fage distribution , qu’ils font devenus d’une néceffité indifpenfable dans la décoration ; au lieu qu’on ne voit nuls vefciges des grottefques dans ce qui nous refte de ces maître de l’art. Les feuls Romains , lorfque leur goût commença à le dégrader , lorfque leur richeffe excefïïve , leur luxe , 8c l’ufage immodéré des arts leur eurent rendu néceflaire le nouveau 8c V ’extraordinaire, les Romains, dis-je, inventèrent alors les grottefques. Les forties de Vitruve contre cette innovation indiquent leur époque.

Si l’on objecte que les formes des plus beaux ornemens , adoptés par l’architecture , contredifent fouvent ce. que nous ’montre la nature , 8c qu’elles doiventaufii paroître bizarres, comparées à fes fages productions , nous répondrons qu’indépendamment de l’exagération ridicule des formes des grottefques , de i’incohérence des objets qu’ils raffemblenc , la couleur accroît encore l’excès de leur invraisemblance. Au lieu que les ornemens adaptés à l’architecture , étant comme elle de pierre , de marbre ou de métal , en deviennent une partie inféparab ]e , & ferment avec elle une liaifon douce, un acceffoire précieux qui accompagne, & enrichit fans abforber , & plaît à i’œil fans trop l’occuper ni le diftraire des maffes ; délicieux 8c face attribut auquel le clinquant des grottefques ne peut être comparé, fur-tout quand ils font colorés.

Sans ce fiècle où l’on prodigue les grottefques fans choix & fans difcrétbn , on pourra trouver extraordinaire ce que je viens de dire fur leur emploi , dans lefeul article de cet ouvrage où je pouvois encore en parler : mais on n’a qu’à lire le pafîage de Vitruve que je rapporte ici en entier ; on verra que mon opinion fur fes grottefques ou arabefques n’eft ni unique ni nouvelle, 8c que c’étoit celle d’un Romain , qui écrivoit dans le beau fiècle d’Augufte , 8c à qui jamais on n’a conreflé le bon goût.

Beaux- Ans. Tome I.

GRO 401

« Cependant par je ne fais quel caprice , » dit-il, on ne fuit plus cette règle que les » anciens s’étoient preferite de prendre toujours pour modèles de leurs peintures les » chofes comme elles font dans la vérité ; car 53 on ne peint à prêtent Sur les murailles que » des monftres extravagans , au lieu de chefes » véritables & régulières. On met pour colonnes des rofeaux qui Soutiennent un entortillement de tiges, de plantes cannellées » avec leurs feuillages refendus & tournés en » manière de volutes. On fait des chandeliers (i) qui portent de petits châteaux , defquels , comme fi c’étoient des racines , il » s’élève quantité de branches délicates Sur » lesquelles des figures Sont afliSes : en d’autres » endroits, ces branches aboutilTent à des » fleurs , dont on fait fortir des demi-figures , » les unes avec des vifages d’homme , les » autres avec des têtes d’animaux. Ce Sont » des choSes qui ne Sont point, & qui ne peuvent être , comme elles n’ont jamais été ; » tellement que les nouvelles fantaifies prévalent, de Sorte qu’il ne Se trouve prefque » perSonne qui foit capable de découvrir ce » qu’il y a de bon dans les arts & qui en » puiffe juger. Car, quelle apparence y a-t-il » que des rofeaux foutiennent un toît , qu’un » chandelier porte des châteaux , & que les » foibles branches qui forcent du faîte de ces » châteaux portent des figures qui y font » comme à cheval -, enfin que de leurs racines, » de leurs tiges & de leurs fleurs, il puiffe » naître das moitiés de figures ? Cependant pérît ) fonne ne reprend ces impertinences ; mais » on s’y plaît, fans prendre garde fi ce font » des choSes qui Soient poffibles ou non : tant » les eSprits font peu capables de cannoître ce » qui mérite l’approbation dans les ouvrages. » Pour moi , je crois que l’on ns doit point » eftimer la peinture fi elle ne repréfente la » vérité , & que ce n’eft pas nffez que les » chofes foienc bien peintes , mais qu’il faut » ar.fli que le deffin ( 2 ) foit raifonnable , & » qu’il n’y ait rien qui choque le bon fens ». ( Vitruve . tra-.l. de Perrault , liv. Vll,chap. 5.) Si l’idée que d^nne Vitruve des grottefques digrade ce genre dans l’opinion de quelques gens de goût , ils Seront Sans doure d’avis qu’un artifte qui Se deftine à peindre l’hiftoire doit très-peu s’en occuper. Tous les objets de la nature doivent bien être celui de Ses continuelles recherches & ds Ses plus délicieuSes (1) Le mot candélabre, en ufage depuis Perrault, rend mieux le candelabrum. des Latins que notre chandelier.

(2) C’efl !e mot argumentatlo que Perrault a rendu ici par deffin. Il auroit été plus clairement interprété parlemoe cempojition ou fujet.

E e e