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même choquante, si l’on regarde l’ouvrage de fort près : mais quand on le voit de loin, l’air s’interpose entre le tableau & l’œil du spectateur, fond & noie ces teintes, & change l’ébauche grossière en une peinture terminée. On disoit des fresques de Lanfranc, que l’air les finissoit.

Ce n’est donc pas un défaut de heurter les figures collossales d’une coupole élevée ; c’en seroit un, d’en fondre les teintes, comme dans un tableau de Chevalet. Même dans un tableau qui n’est pas destiné à être vu de fort loin, certaines parties doivent être heurtées, pour faire valoir la délicatesse de celles qui demandent un fini plus précieux. Ainsi le feuillé d’un arbre touffu, son vieux tronc rongé par le temps, une terrasse, des brossailles doivent être heurtées, & n’offriroient qu’une froide sécheresse, si elles étoient fondues comme les chairs de la jeune Nymphe qui se promène dans ce paysage. Tous les objets bruts doivent être plus ou moins heurtés ; tous les objets qui ont de la délicatesse, doivent être plus ou moins soignés. Quelques Peintres, tels que le Tintoret, ont eu la pratique de heurter généralement leurs tableaux : c’est au spectateur à se placer à la distance convenable pour les finir. Mais on n’en peut dire autant de la manière capricieuse de Rembrandt, qui, dans un même tableau, fondoit certaines parties, & ne faisoit que heurter d’autres parties du même genre ; qui terminoit une tête, & ne faisoit qu’ébaucher une main. Comme on ne peut se tenir en même tems près du tableau pour examiner la tête, & loin du tableau pour considérer la main ; on est justement choqué de ce défaut d’accord dans le faire d’un même ouvrage.

Les premières pensées des peintres ne sont que des esquisses très-heurtées : ils ne les font que pour eux, & elles deviennent quelquefois dans la suite très-précieuses aux vrais connoisseurs. Ceux qui ne le sont pas, les recherchent aussi pour le paroître, & quoiqu’ils n’y voient rien eux-mêmes, ils veulent y faire voir mille choses aux ignorans, dont ils sont leurs admirateurs : (article de M. Levesque.)

HI

HIÉROGLYPHE (subst. mas.) Ce mot vient du grec. ιερος sacré & de γλνφω sculpter, graver. Il signifie une sorte d’écriture, dans laquelle, au défaut des caractères alphabétiques ou syllabiques, on employe les images des choses mêmes dont on veut entretenir le lecteur. Cette écriture se nomme sacrée ou sacerdotale, parce que les prêtres de l’Egypte se la réservèrent lorsque les caractères syllabiques eurent été inventés. Mais elle naquit d’abord de la nécessité, & non pas du desir de s’exprimer mystérieusement. On peignit, on sculpta les idées, parce qu’on ne possédoit pas encore l’art de les écrire. Les prêtres conservèrent dans la suite cette écriture énigmatique, pour se réserver à eux seuls le secret de la science qui étoit la base de leur autorité.

Toutes les nations, pour pouvoir se communiquer entre elles, ont employé l’écriture hiéroglyphique, lorsqu’elles ne connoissoient pas encore d’autres manières d’écrire. Les Chinois, les Indiens, les Egyptiens, les Etruriens, les Scythes, les Méxicains ont eu leurs hiéroglyphes.

On peut donc croire que c’est pour suppléer à l’écriture, & pour représenter les objets de leur culte, que les peuples ont inventé la peinture & la sculpture. Le besoin créa des arts bruts & sauvages ; mais chez quelques nations, la religion les embellit. Des arts grossiers suffisoient à tracer les caractères destinés à fixer la pensée fugitive : mais les arts, parvenus au plus haut degré, n’eurent jamais assez de perfection pour remplir l’idée que les hommes se firent de leurs Dieux. Les artistes luttèrent du moins avec courage contre cette difficulté invincible ; ils cherchèrent à exprimer la plus grande beauté, dont l’imagination puisse se faire une idée ; & s’ils ne parvinrent pas entièrement à celle qu’ils se formoient de la beauté divine, ils trouvèrent du moins une beauté plus qu’humaine, qu’ils nommèrent beauté idéale. (article de M. Levesque.)

HISTOIRE. (subst. fém.) Ce terme, dans le langage de la peinture, désigne ce qu’on regarde généralement comme le premier & le principal genre des imitations dont s’occupe cet Art.

On dit un peintre d’histoire, un tableau d’histoire. Il sembleroit, si l’on en jugeoit par cette dénomination, qu’un tableau d’histoire ne devroit représenter que des faits historiques. Cependant on comprend sous cette même dénomination, tout ce que nous connoissons de la mythologie & des fables anciennes, sans distinguer ce qu’elles peuvent contenir d’historique, d’emblematique, ou d’absolument fabuleux ; nous y comprenons même les sujets que nous offrent les Poëtes tragiques, épiques & les romanciers distingués, tant anciens que modernes. On voit que ces objets, joints à ceux que nous ont transmis les historiens, forment au genre dont il est question, un domaine si considérable, qu’il a droit à la prééminence dont il a joui jusqu’à présent. Aussi, les peintres d’histoire en jouissent-ils encore parmi ceux qui ont les connoissances réelles de l’art, & qui pas ses ouvrages arbitrairement d’après des idées super-