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objets qui en approchent, & s’éloignent des premiers plans.

C’est souvent par les figures du lointain, qu’on juge de la touche & de l’esprit du peintre, parce que, dans ces figures moins soignées, il a mis moins d’étude & plus de liberté d’exécution.

On ne peut raisonnablement donner de méthodes bien précises de traiter les lointains. Ils sont soumis, comme les autres parties du tableau, aux diverses circonstances des climats, des saisons, des heures, de l’état du ciel, &c. Il est ordinaire que les objets les plus voisins de l’œil paroissent plus solides de masses, plus vifs en couleurs, & plus nets dans l’expression de leurs formes que ceux qui sont plus éloignés. Cependant, si ceux-ci reçoivent la plats grande lumière, & que les autres en soient privés, alors les objets du lointain doivent être rendus d’une manière plus décidée, quoiqu’avec moins de détails.

Dans le discours où M. Oudry a développé les excellens principes de M. de Largilière, son maître, sur le coloris, il blâme la manie de certains artistes bornés qui, pour faire fuir les objets, emploient dans les lointains des teintes grises, dans le dessein de réserver, disent-ils, les brillantes couleurs sur les devans de leurs tableaux. M. Oudry pouvoit appuyer son assertion sur l’exemple des peintres coloristes qui n’hésitent pas de placer les teintes les plus riches dans les lointains, lorsque le vrai l’exige, sans, pour cela qu’ils s’enfoncent moins dans la toile. C’est ainsi qu’un soleil à l’horison montre dans la nature les teintes les plus brillantes. La justesse des tons, & non la rupture des teintes ; j’ai pensé dire la corruption, fait seule fuir les objets.

Quant à l’exécution, le comble de la perfection est de conserver la franchise des couleurs du lointain, en les noyant les unes dans les autres, & en leur donnant cette indécision de formes que la nature nous montre le plus ordinairement dans les objets très-éloignés. Le paysagiste appelléHermann d’Italie, nous a paru, entr’autres hommes habiles, traiter les lointains avec une pâte & une liberté de pinceau enchanteresse. (Article de M. Robin.)

LU

LUISANT, (participe pris substantivement). Le luisant est un effet de la lumière réfléchie sur les tableaux à l’huile, qui, vus d’un certain point, ne permet pas de les considérer. Cet inconvénient a toujours lieu, lorsque les rayons lumineux forment un angle droit avec la superficie peinte, & qu’en même tems les rayons visuels tombent dessus dans le même dégré. Ainsi le luisant disparoît, dès que l’ouvrage


est exposé à la lumière, de façon qu’il la reçoit obliquement, tandis que l’œil du regardant est dans une situation parallèlle au tableau. Le luisant est aussi moins nuisible à la jouissance du spectateur, lorsqu’il se place de manière que les rayons visuels sont un angle obtus avec l’ouvrage peint, tandis que ceux de la lumière éclairent le tableau en face. Mais il faut convenir que dans ce dernier cas, il est difficile que l’ouvrage soit bien jugé : d’où il suit qu’une peinture à l’huile, placée verticalement, doit recevoir une lumière, constamment oblique ou glissante, soit qu’elle vienne d’enhaut ou latéralement : alors seulement le luisant n’empêchera pas qu’il ne soit vu & jugé commodément. Dans les places ouvertes, la peinture à l’huile aura toujours des momens de la journée dans lesquels elle paroîtra luisante à ceux qui la regarderont en face, jusqu’à ce que l’air ait détruit ce vernis que produit la sortie des huiles. Mais bientôt après cette destruction suit totalement celle des couleurs elles-mêmes.

Les peintures en détrempe, aux pastels, à la fresque, à l’encaustique n’ont pas l’inconvénient de luire ; parce que leur surface étant tendre ou poreuse, absorbe les rayons de la lumière : au lieu que celle à l’huile, devenant très-dure, lorsqu’elle est sèche, prend un poli presqu’autant susceptible de luisant, que les diverses sortes de vernis qui se couchent sur les tableaux de ce genre. Ces corps durs réfléchissent les rayons de la lumière, qui tombent en face du tableau, & produisent le même luisant qui s’observe sur les glaces, les minéraux, & enfin sur tous les corps polis.

Quand le brillant du vernis reçoit le jour obliquement, avouons qu’il ajoute à la vérité des tableaux relativement aux objets de la nature des corps durs & polis ; mais aussi les corps brutes & poreux, prennent par-là un éclat qui leur ôte de leur vrai caractère, en donnant, par exemple, aux vases de terre, l’éclat de la faïance, aux draps celui du satin, ou au moins d’une étoffe de soye, & aux chairs la dureté de l’ivoire. Voyez le mot ivoire. Et cet inconvénient n’est pas balancé par l’avantage qui en résulte pour les corps polis de leur nature. Car le peintre doit savoir sans le secours des vernis, même avec le seul crayon, par les tons de clair & d’obscur, rendre l’effet du brillant ou luisant, tel qu’on le voit, sur les objets naturels.

Nous ne devons pas taire un moyen assez simple d’empêcher que la peinture à l’huile ne soit luisante, quoiqu’il porte avec soi une cause de destruction. Ce moyen s’emploie dans la peinture de décoration destinée à recevoir diverses lumières : c’est de mêler beaucoup d’essence de térébentine aux couleurs broyées à l’huile. Cette liqueur divise le corps gras & empêche cette coagulation d’où naît le luisant. On sent assez


que