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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/617

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cité de la lumière, soit la partie la plus essentielle de l’art, & que toutes les autres doivent lui être sacrifiées.

Par le même moyen que je viens d’indiquer, on reconnoîtra les différentes formes & les diverses dispositions des lumières ; on pourra l’employer aussi pour marquer les objets sur lesquels elles sont répandues, ou sur une figure, ou sur un ciel, ou sur une nape blanche, ou sur des bestiaux, ou enfin sur des ustensiles qui n’auront été introduits dans le tableau que pour la recevoir. On pourra observer aussi quelle partie est d’un grand relief, & à quel degré elle tranche avec le fond. Car il est nécessaire qu’il y ait une partie, fût-elle petite, qui tranche avec lui, soit qu’on choisisse pour cela une partie claire sur un fond brun, ou une partie sombre sur un fond clair. Ce procédé rendra l’ouvrage ferme & distinct ; au lieu que si l’on ne songe qu’à donner de tous côtés de la rondeur, les figures auront l’air d’être incrustées dans le fond.

En tenant, à quelque distance de l’œil, un papier ainsi crayonné par masses, ou, si l’on veut, grossièrement tacheté, on sera étonné de la manière dont il frappera le spectateur ; il éprouvera le plaisir que cause une excellente distribution de clair-obscur, quoiqu’il ne puisse distinguer si ce qu’on lui montre est un sujet d’histoire, un portrait, un paysage, de la nature morte, &c. ; car les mêmes principes s’étendent sur toutes les branches de l’art.

Peu importe que j’aie donné une idée exacte, & que j’aie fait une juste division de la quantité de lumière qui se trouve dans les ouvrages


des peintres vénitiens. Chacun peut faire lui-même l’examen que j’indique, & en porter un jugement par lui-même. Il suffit que j’aie indique la méthode de considérer les tableaux sous ce point de vue important, & le moyen de se pénétrer des principes d’après lesquels ils ont été exécutés.

C’est en vain qu’on finit un ouvrage avec le plus grand amour, si l’on n’y conserve pas en même-temps un clair-obscur large. C’est donc là une partie qu’on doit recommander constamment aux élèves, & sur laquelle il faut insister plus que sur toute autre. C’est en effet celle qu’on néglige généralement le plus, parce que l’imagination de l’artiste est presque toujours entièrement absorbée par ses détails.

Pour mieux faire comprendre ce qui vient d’être dit, nous pouvons nous servir de la grappe de raisin du Titien, en la supposant placée de manière à recevoir de larges masses de jours & d’ombre. Chaque grain particulier a, sans doute, du côté du jour, sa lumière, & au côté opposé son ombre & ion reslet ; mais tous les grains ensemble ne forment cependant qu’une seule & large masse d’ombre & de lumière. Voilà pourquoi la plus légère, la plus informe esquisse, où ce large clair-obscur est observé, produira plus d’effet, & offrira plus l’apparence d’avoir été faite de main de maître, ou, en d’autres termes, présentera mieux le caractère général de la nature, que l’ouvrage le mieux fini, dans lequel ces grandes masses auront été négligées. (Article extrait des ouvrages de DANDRÉ-BARDON, FÉLIBIEN, LAIRESSE, & de M. REYNOLDS.)