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MAI & placée à la proue. Elle étoit plutôt destinée, dit Isidore, à diriger qu’à hâter la course des vaisseaux. Cela semble avoir quelque rapport à la voile du beaupré.

On trouve dans le dialogue de Lucien intitulé le navire, un passage qui peut aider à établir les proportions que les anciens donnoient à leurs vaisseaux. Celui dont il parle, & qui apportoit du bled des ports de l’Egypte à celui du Pirée, étoit d’une grandeur extraordinaire ; sa longueur étoit de cent vingt coudées, sa largeur du quart de sa longueur, & il avoit vingt-neuf coudées de haut. Ce bâtiment étoit d’un seul mât. Un petit vieillard chauve, dit Lucien, à l’aide d’une foible barre, guide le gouvernail de cette énorme machine. Ces mots, quand on n’en auroit pats d’autres preuves, nous apprendroient ce que ses bas-reliefs de la colonne trajanne nous laissent ignorer, c’est-à-dire, que les anciens avoient des gouvernails à-peu-près semblables aux nôtres, fixés de même à l’arrière du bâtiment, & dans lesquels il entroit une barre ou timon qui servoit à les manier ; on nommoit ce timon clavus ; & l’extrémité que tenoit la main du pilote, se nommoit l’anse, ansa.

Lucien, dans le même dialogue, parle de vaisseaux qu’il appelle triarmena à trois voiles, & l’on doit entendre par cette expression, des vaisseaux à trois mâts, puisqu’on a vu que même un vaisseau à un seul mât avoit jusqu’à douze voiles.

Dans les premiers temps on ne connoissoit pas les ancres telles que les nôtres. Nous avons vu que, quand on abordoit, on tiroit le bâtiment sur le rivage. Quand il falloit l’arrêter quelque temps en mer, on se servoit de pierres retenues au vaisseau par un cordage. Les Grecs nommoient ces pierres eunê, qui signifie lit, parce qu’elles forçoient le vaisseau à demeurer tranquille comme dans un lit. Ce nom resta aux véritables ancres, quand elles furent inventées ; mais on les nomma plus communément ancura de leur forme courbe & crochue. Ce mot ne se trouve pas dans Homère, apparemment par ce que la chose elle-même n’existoit pas encore. Il se trouve dans le poëme des Argonautes du faux Orphée ; mais il faut croire que c’est un anachronisme échappé à l’auteur, & qui peut servir à dévoiler son imposture. Én effet, s’il eût été le compagnon des Argonautes, il n’auroit pu nommer & ce qui n’existoit pas de leur temps, & ce qui même probablement n’existoit pas encore du temps d’Homère.

Les arts contribuoient à l’embellissement des vaisseaux ; on les ornoit de peintures, de bas-reliefs, de statues. De célèbres peintres de la Grèce avoient commencé par être peintres de vaisseaux, comme chez nous le Puget a commencé par orner de sculptures les vaisseaux de Marseille.

Comme les navires des anciens étoient peu considérables, ils étoient aisément construits, & l’on en avoit un grand nombre. Les Grecs alliés conduisirent douze cents voiles contre la puissance de Priam. La flotte de Xerxès, à la bataille de Salamine, étoit de 1207 trirêmes, sans compter les bâtimens inférieurs ; & celle des Grecs, qui fut victorieuse, étoit de 378 vaisseaux sans compter aussi les petits bâtimens. Des états médiocres avoient en guerre plus de vaisseaux que n’en armeroit aujourd’hui la France & même l’Angleterre.

La construction étant imparfaite, les naufrages étoient fréquens. Un passage de Ménandre, conservé par Athénée, fait présumer que la perte approchoit beaucoup du tiers des bâtimens. « Sur trente vaisseaux, dit ce pœte comique & par conséquent satyrique, il n’y en a pas le tiers qui fasse naufrage ; sur autant d’hommes qui se marient, il n’y en a pas un qui se sauve. » Cependant on avoit toujours, comme du temps d’Hésiode, la précaution de ne mettre en mer que dans la belle saison. Il n’est pas vraisemblable que le roman grec qui porte le nom de Chariton, ait été écrit avant le cinquième siècle de notre ère, & l’auteur nous représente Chéréas, qui, transporté par l’Amour, a l’audace de s’embarquer avant le retour du printemps.

Dans les batailles, on élevoit des remparts autour des vaisseaux afin que les soldats pussent combattre comme des troupes assiégées que protègent les murs de leurs Villes ; & pour que les navires ressemblassent encore mieux à des forteresses, on y élèvoit aussi des tours à la pouppe, à la proue & même sur les côtés. Elles étoient connues dès le temps de Thucydide, plus de quatre cents ans avant notre ère : si elles eussent été solidement établies sur les bâtimens, elles auroient mis obstacle à la navigation : mais on embarquoit les pièces toutes préparées & parfaitement assorties ; il ne s agissoit plus que de les monter dans le besoin. Quelquefois on dressoit de ces forts au centre même du vaisseaux, comme on le voit sur le bas-relief du Duc d’Alcala ; il falloit alors baisser le mât ; mais cette manœuvre paroît été avoir ordinaire dans les batailles. De tous les vaisseaux que représente ce bas-relief, aucun n’est mâté, quoique tous ne soient pas chargés de tours. Apollonius nous apprend aussi que l’on baissoit le mât toutes les fois que l’on cessoit d’aller à voiles.

On combattoit sur mer avec des traits, des pierres, des faulx. On se servoit de grappins pour accrocher le vaisseau ennemi, on baissoit un pont qui unissoit les deux bâtimens, & l’on se battoit alors comme sur terre. On faisoit tomber sur le navire qu’on attaquoit des masses de

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