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en ont besoin pour faire l’action à laquelle ils sont appellés ([1]) .

Ainsi le muscle qui agit le plus, reçoit le plus d’esprits & parconséquent devient plus enflé que les autres qui en sont privés, & qui, par cette privation, paroissent plus lâches que les autres.

Quoique l’ame soit jointe à toutes les parties du corps, il y a néanmoins diverses opinions touchant le lieu où elle exerce plus particulièrement ses fonctions. Les uns tiennent que c’est une petite glande qui est au milieu du cerveau, parce que cette partie est unique & que toutes les autres sont doubles ([2]) : comme nous avons deux yeux & deux oreilles, & que tous les organes de nos sens extérieurs sont doubles, il faut qu’il y ait quelque lieu où les deux images viennent par les deux yeux, où les deux impressions qui viennent d’un seul objet par les deux organes des autres sens, se puissent assembler en une, avant qu’elle parvienne à l’ame, afin qu’elle ne lui représente pas deux objets au lieu d’un. D’autres disent que c’est au cœur, parce que c’est en cette partie qu’on ressent les passions ; & pour moi, c’est mon opinion que l’ame reçoit les impressions des passions dans le cerveau, & qu’elle en ressent les effets au cœur. Les mouvemens extérieurs que j’ai remarqués me confirment beaucoup dans cette opinion.

Les anciens philosophes ayant donné deux appétits à la partie, sensitive de l’ame, ont logé dans l’appétit concupiscible les passions simples, & dans l’appétit itascible, les plus farouches, & celles qui sont composées : car ils veulent que l’amour, la haine, le desir, la joie, la tristesse soient renfermés dans le premier, & que la crainte, la hardiesse, l’espérance, le désespoir, la colère & la peur


résident dans l’autre. D’autres ajoutent l’admiration qu’ils mettent la première, ensuite l’amour, la haine, le desir, la joie, la tristesse ; & de celles-ci sont dérivées ses autres qui sont composées, comme la crainte, la hardiesse, l’espérance. Il ne sera donc pas hors de propos de dire quelque chose de la nature de ces deux passions pour les mieux connoître avant que de parler de leurs mouvemens extérieurs. Nous commencerons par l’admiration.

L’admiration est une surprise qui fait que l’ame considère avec attention les objets qui lui semblent rares & extraordinaires ; cette surprise a tant de pouvoir, qu’elle pousse quelquefois les esprits vers le lieu où est l’impression de l’objet, & fait qu’elle est tellement occupée à considérer cette impression, qu’il ne reste plus d’esprits qui passent dans les muscles, ce qui fait que le corps devient immobile comme une statue, & cet excès d’admiration cause l’étonnement, & l’étonnement peut arriver avant que nous connoissions si l’objet est convenable ou s’il ne l’est pas. Il semble donc que l’administration soit jointe à l’estime ou au mépris suivant la grandeur de l’objet ou la petitesse. De l’estime vient la vénération, & du simple mépris le dédain. Mais lorsqu’une chose nous est représentée comme bonne à notre égard, elle nous fait avoir pour elle de l’amour ; & lorsqu’elle nous est représentée comme mauvaise ou nuisible, elle excite en nous la haine.

L’amour est donc une émotion de l’ame causée par des mouvemens qui l’invitent à se joindre de volonté aux objets qui lui paroissent convenables.

La haine est une émotion causée par le mépris qui incite l’ame à vouloir être séparée des objets qui se présentent à elle comme nuisibles.

Le désir est une agitation de l’ame causée par les esprits qui la disposent à vouloir des choses qu’elle se représente lui être convenables. Ainsi on ne desire pas seulement la présence du bien absent, mais aussi la conservation du bien présent.

La joie est une agréable émotion de l’ame en laquelle consiste, la jouissance qu’elle a du bien que les impressions du cerveau lui représentent comme sien.

La tristesse est une langueur désagréable en laquelle consiste l’incommodité que l’ame reçoit du mal, ou du défaut que les impressions du cerveau lui représentent.

PASSIONS COMPOSÉES . La crainte est l’appréhension d’un mal à venir ; elle devance les maux dont nous sommes menacés.

L’espérance est une forte opinion d’obtenir ce que l’on desire. Lorsque l’espérance, est

  1. (1) Cette théorie que le Brun rapporte avec confiance d’après Descartes, n’a pas été confirmée par l’observation. Si les nerfs ont un fluide, il est de la même nature que la moële spinale, qui n’est pas spiritueuse D’autres physiologistes ; ont comparé les nerfs aux cordes d’un instrument ; mais les cordes d’un instrument sont tendues, & l’on n’observe pas cette tension dans les nerfs. Il faut donc que les artistes consentent à ignorer des causes qui ont échappé jusque à la sagacité & aux recherches des naturalistes ; mais ils doivent connoître les effets, & quelle que sort leur cause, ils sont tels que le Brun les établit.
  2. (2) Il a été prouvé que cette glande, qu’on appelle pinéale, n’est pas le siége du sentiment & de la pensée. La manière dont l’ame agit sur le corps, est du nombre des connoissances qui nous sont refusées. Le temps des artistes est trop précieux, pour qu’ils doivent le perdre à étudier les systêmes métaphysiques, ou plutôt les romans que l’on a créés pour expliquer ce mystère, par cette passion naturelle aux hommes de s’obstiner à poursuivre ce qui leur échappera toujours.
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