Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/772

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P E I seroit capable d’inspirer de la confiance pour son jugement, C’est qu’ou peut croire qu’il ne l’a porte qu’après avoir consulté Mengs, son ami, qui possédoit lui-même un beau vase campanien : c’est celui qui représente d’une manière burlesque les amours de Jupiter & d’Alcmene. Il est vraisemblable que c’est la représentation d’une scène de quelque comédie grecque qui est perdue, & par conséquent, il est vraisemblable aussi que ce morceau appartient à l’art des Grecs. Le Comte de Caylus avoit déjà fait connoître ce sujet. C’est un ouvrage qu’on doit rapporter au genre de Callot, & s’il mérite les éloges qu’on en a faits, c’est en le comprenant dans cette classe. Winckelmann auroit dû faire cette observation, & il l’éloigne au contraire par sa comparaison avec les esquisses de Raphaël.

Peinture chez les Grecs. Quoique l’histoire de la peinture chez les Grecs soit bien mieux connue que celle du même art chez les nations barbares, elle offre cependant, à differentes époques, & surtout pour les temps anciens, de très-grandes obscurité. Pline est presque le seul écrivain qui nous en ait conservé les matériaux ; il ne pouvoit les trouver que chez les Grecs, & il se plaint qu’en cette occasion ils étoient loin de montrer leur exactitude ordinaire. Ils ne plaçoient, dit-il, le premier peintre dont ils parloient que dans la 90e. olympiade, 420 ans avant notre ère, & elle remonte à des temps bien plus reculés.

Il est certain que, considérée du moins dans l’état de peinture en couleurs sèches, elle existoit dès le temps du siège de Troie, & l’on peut présumer que, dès lors, la peinture au pinceau n’étoit pas entiérement inconnue.

Quand Homère nous laisseroit ignorer qu’il y avoir des figures sculptées à Troie, & chez Antinoüs, le palladium des Troiens est célèbre dans l’antiquité.

Le bouclier d’Achille, les ornemens de plusieurs armes prouvent que l’on connoissoit les bas-reliefs, genre de sculpture qui se rapproche de la peinture.

Hélène travailloit à une tapisserie sur laquelle elle représentoit les nombreux combats dont elle avoit été cause. Voilà donc dès le temps du siége de Troye, ou au moins dès le temps d’Homère, de la peinture d’histoire. On a lieu de penser que les couleurs en étoient variées ; mais quand ces tapisseries eussent été en camayeu, c’étoit toujours de la peinture.

Elle n’étoit, il est vrai, qu’en couleurs sèche ; mais Hélène ne faisoit ras de la tapisserie, sans que le dessin n’en fût tracé sur le canevas ; voilà donc la peinture telle qu’elle


fut au moins dans son origine ; c’est-à-dire simplement linéaire. Mais à sa tapisserie devoit être variée de couleur, elle avoit apparemment sous les yeux un dessin colorié qui lui servoit de modèle, soit qu’elle l’eût fait elle-même, soit qu’il lui eût été fourni par quelqu’artiste ; voilà donc la peinture ayant déjà fait quelques progrès ; la voilà employant différentes couleurs au pinceau, & telle à peu-près qu’elle est encore aujourd’hui dans l’Orient.

Dans l’Iliade, lorsqu’Andromaque apprend la mort de son époux, elle est occupée à représenter en tapisserie des fleurs de diverses couleurs. Il devient donc certain que du temps d’Homère, la peinture n’étoit plus réduite au simple trait, ni même au camayeu, mais qu’elle employoit des couleurs différentes ; & il nous est permis de croire que l’ouvrage d’Hélène étoit un tableau d’histoire en tapisserie, dont les couleurs croient variées.

L’existance de la peinture coloriée dès le temps d’Homère peut donc être posée comme un sait historique. C’est donc long-temps avant Homère qu’il faut placer les inventeurs de la peinture linéaire, Cléantes & Ardicès de Corinthe, & Téléphane de Sicyone : c’est même encore avant ce poëte qu’il faut placer Cleophante de Corinthe, qui imagina de broyer des tessons de terre, pour colorier ses figures. Ou bleu il faudra supposer que l’Art de peindre, connu du tems d’Homère dans plusieurs endroits, étoit encore ignoré à Corinthe où il fut inventé par Cléantes, & à Sicyone où il fut trouvé par Téléphane. Il est dificile de soutenir cette supposition : car nous avouons que la peinture étoit connue à Troie, & il assista au siege de Troie des guerriers venus de Sicyone & de Corinthe qui alors s’appelloit Ephyre : ils durent rapporter l’idée de cet art dans leur patrie. D’ailleurs les Corinthiens étoient voisins d’Argos, où revint Hélène après le siege de Troie.

Mais on éclaircit mal des faits historiques par des récits peut-être fabuleux. Hérodote raconte qu’Hélene n’a jamais été à Troie & que Ménélas la trouva en Egypte après la prise de cette ville. Elle peut aussi n’avoir jamais su faire de tapisserie : peut-être la peinture étoit-elle absolument inconnue de son temps dans Argos & dans tout le Pénoponèse ; peut-être l’étoit-elle de même dans Troie : Homère aura prêté aux femmes Troyennes l’industrie des femmes Ioniennes. Quoiqu’il en soit, on ne peut douter que la peinture ne fût connue, au moins dans quelques endroits de la Grece, du temps de ce poëte qui vivoit, suivant la chronique de Paros, 907 ans avant notre ere, & l’on peut même croire, avec beaucoup de vraisemblance, qu’elle étoit déja parvenue à un commencement de perfection dès le temps