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P E I blanc, le rouge, le jaune & le noir. Ils se servoient pour le rouge de la sinopis de Pont ; M. Falconet remarque que Polygnote joignoit le pourpre à ces quatre couleurs, mais ce n’étoit ajouter qu’un nouveau rouge : il se pourroit même que Polygnote n’eût employé que la Sinopis pour représenter la robe de pourpre d’Héléne.

J’ai peine à croire qu’ici le récit de Pline soit bien exact. En paroissant accorder quatre couleurs aux anciens peintres de la Grece, il ne leur en accorde en effet que deux ; car le noir n’est que la privation de la lumiére & par conséquent de toute couleur, & le blanc n’est que la représentation de la lumière. Ils suppose des Artistes dont il célébre l’habileté, beaucoup plus pauvres dans les moyens qu’ils employoient que les ouvriers qui peignoient en Egypte les bandelettes des momies. En effet, ceux-ci employoient au moins quatre couleurs véritables ; le bleu, le rouge, le jaune & le verd. Je serois donc porté à croire, malgré l’autorité de Pline, que Polygnote & ses contemporains faisoient usage de ces quatre couleurs, auxquelles ils joignoient le blanc & le noir. De ces matériaux simples, pouvoit naître un très-grand nombre de combinaisons qui permettoient aux peintres, non de colorer comme le Titien, mais de produire au moins des effets imposans de couleur.

Pline met Appelles & ses contemporains au nombre des peintres qui n’ont employé que quatre couleurs. Son assertion est combattue, ou du moins balancée par un passage de Cicéron. « c’est la beauté des formes, dit l’Orateur, & la pureté du trait que nous louons dans les ouvrages de Zeuxis, de Polygnote, de Timanthe & de ceux qui n’ont employé que quatre couleurs : mais dans Aëtion, Nicomaque, Protogènes, Appelles, tout est déja parfait. » Similis in pictura ratio est, in quà Zeuxim, & Polignotum, & Timanthem, & eorum qui non sunt usi plusquam quatuor coloribus, formas & lineamenta laudamus : at in Aëtione, Nicomacho, Ptotogene, Appelle, jam perfecta sunt omnia. (De clar. orat.)

Cicéron aimoit les arts, il avoit vu en Grece les ouvrages des grands Artistes, il achetoit de ces ouvrages ; je ne dirai pas qu’il eût une connoissance profonde des arts ; mais il étoit ce qu’on appelle communément un connoisseur ; c’en est assez pour la question dont il s’agit. Or il oppose Apelles & ses contemporains, aux anciens peintres qui n’employoient que quatre couleurs, & qui étoient moins des peintres que des dessinateurs qui relevoient de quelques couleurs leurs compositions. J’aurai plus de confiance en son


jugement qu’en celui de Pline qui peut-être aimoit peu les arts, qui ne fut engagé à en parler que parce qu’il traitoit des substances employées par les Artistes, & qui peut-être encore ne commença à s’occuper un peu des arts, que lorsqu’il fut parvenu à la partie de son livre où il crut devoir en parler.

On peut donc croire que peu de temps après Parrasius & Zeuxis, les peintres cesserent de se contenter de quatre couleurs.

(27) PHILOXENE, éleve de Nicomaque, se distingua par de grandes compositions. On remarquoit sur-tout son combat d’Alexandre contre Darius, tableau qui, au jugement de Pline ou de ceux qu’il consultoit, pouvoit se soutenir à côté des meilleurs ouvrages de l’art. Il imita, dit le même Auteur, la promptitude de son maître, il inventa même des moyens dexpédier encore d’avantage, & dans la suite on se piqua d’être encore plus expèdiif. Telle a été aussi la marche des arts depuis leur renaissance. Après avoir vaincu la maladresse gothique, on se piqua d’être exact & pur : ensuit on se fit gloire d’avoir une manœuvre facile, & quand on y fut parvenu, on ne crut pas qu’il suffit de peindre facilement, on voulut encore opérer avec la plus grande promptitude ; ainsi les qualités de l’art furent sacrifiées à celles de la main. Cette folle prétention à la grande facilité de produire auroit perdu la peinture, si des Artistes sages n’avoient pas lutté contre elle.

(28) PERSÉE éleve d’Apelles, & trop éloigné du talent de son maître, seroit tombé dans l’oubli, si ce grand peintre ne lui avoit pas adressé les écrits qu’il avoit faits sur son art. On ne sauroit trop regretter que le temps ait détruit tous les livres écrits par des artistes Grecs. Il ne se trouva personne qui daignât les transcrire, quand les arts furent tombés dans le mépris chez les Grecs devenus barbares. Nous pouvons lire encore les principes des sculpteurs antiques dans les statues qui nous restent ; mais les peintures qui ont été conservées, ouvrages d’artistes inférieurs, ne peuvent nous faire connoître les principes des grands peintres.

(29) CTESILOQUE, autre éleve d’Apelles, n’est connu que par la singularité du sujet de l’un de ses tableaux. Il s’avisa de représenter Jupiter accouchant de Bacchus. Le dieu sembloit gémir comme une femme qui est dans les douleurs. de l’enfantement, & les déesses lui rendoient les services de sages-femmes.

(30) ARISTOLAUS, fils & éleve de Pausias, fut au nombre des peintres les plus sévères ; ce qui suppose qu’il joignoit à la pureté des formes une grande simplicité de composition : aussi