Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/790

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PEI PEI 652


quer qu’il étoit Romain, & sa profession, par la raison que nous venons d’établir, qu’il étoit d’une naissance obscure. La célébrité que Pline lui accorde prouve qu’il avoit du talent ou qu’il passoit pour en avoir. Le même écrivain lui fait un dur reproche d’avoir représenté les déesses d’après les objets passagers de ses amours, & d’avoir fait autant de portraits de courtisanes que de tableaux : pourquoi n’avoit-il pas fait le même reproche aux plus grands artistes de la Grece ?

(64) Ludius, contemporain d’Auguste. C’étoit un peintre de vues, de marines, de paysages, qu’il accompagnoit de figures. Il imagina le premier de peindre sur les murailles, des maisons de campagne, des portiques, des bois sacrés, des forêts, des collines, des étangs, des cascades, des fleuves, des rivages. Il y représentoit des gens qui se promenoient, d’autres qui naviguoient, d’autres qui, sur des anes ou sur des voitures, se rendoient à des maisons de campagne. Il peignoit des pêcheurs, des oiseleurs, des chasseurs, des gens occupés de la vendange ; on voyoit dans ses tableaux des hommes porter des femmes sur leurs épaules dans des avenues marécageuses qui conduisoient à des maisons de campagne. Il peignoit aussi des ports de mer. En général ses inventions étoient fines & agréables.

(65) Quintus Pedius. Voilà un peintre romain, ou du moins un éleve de peinture, d’une naissance très-illustre. Il étoit petit-fils de C. Pédius, homme consulaire & décoré des honneurs du triomphe, que Jules-César avoit nommé son héritier conjointement avec Auguste. Comme il étoit muet de naissance, Messala l’orateur, de la même famille que l’aïeul du jeune homme, conseilla de lui enseigner la peinture, & cet avis fut approuvé par Auguste. Pédius faisoit déja de grands progrès lorsqu’il mourut. Cet exemple ne prouve pas que la peinture, considérée comme profession, fût alors estimée à Rome ; il s’agissoit moins de choisir un état au jeune homme muet & incapable des fonctions de la société, que de lui trouver une occupation don’t il pût s’amuser.

Cependant comme l’esprit national changea chez les Romains sous la domination des Empereurs, on peut croire que la profession des artistes acquit alors plus de considération. Les Romains du temps de la république n’étoient animés que de l’esprit de liberté & de celui de conquêtes : quand ces deux passions furent affoiblies, celle des arts put trouver piace dans leut ame. On n’osoit pas sans doute mépriser


les arts sous le regne de Néron, qui se faisoi gloire d’être artiste lui-même.

(66) Amulius : la gravité de ce peintre qui ne quittoit pas même la toge pour travailler, peut faire croire qu’il n’étoit pas d’une condition commune. La même décence qu’il observoit sur la personne, se remarquoit dans ses ouvrages : c’étoit un peintre à la fois sévere & brillant. Je ne sais pourquoi Pline l’appelle peintre de sujets communs, humilis rei pictor, lorsqu’entre ses ouvrages, il fait mention d’une Minerve qui regardoit le spectateur de quelque côté qu’on la regardât. Ce n’est point sans doute un sujet humble & commun, que la représentation de la plus sage, la plus imposante, & l’une des plus belles des Déesses. Amulius ne donnoit chaque jour que peu d’heures à la peinture. On voyoit peu de ses tableaux, parce qu’occupé constamment par Néron, la maison dorée de ce prince fut la prison du talent de l’artiste.

(67) Turpilius, chevalier Romain, natif de Vénétie. On voyoit de lui de beaux ouvrages à Vérone. Il peignoit de la main gauche.

(68) Antistus Labro. Il avoit été préteur & même proconsul de la province Narbonaise. Il se faisoit gloire des petits tableaux qu’il peignoit : mais ce talent don’t il tiroit vanité, & qui paroît n’avoir pas été considérable, ne lui attiroit que des risées & du mépris. Il mourut fort âgé sous Vespasien.

(69) Cornelius Pinus peignit dans le temple de l’honneur & de la vertu que Vespasieu fit rétablir.

(70) Accius Priscus exerça dans le même temple ses talens pour la peinture. Il ressembloit plus aux anciens que son émule.

En parlant de la peinture chez les Romains, nous ne devons pas omettre le tableau collossal de Néron. Cet empereur s’étoit fait peindre sur toile dans la proportion de cent vingt pieds. Co tableau gigantesque fut brulé par la foudre. Le comte de Caylus, & après lui le chevalier de Jaucourt ne pouvoient choisir plus mal que ce morceau, pour exalter l’art de peindre des anciens. C’étoit, disent-ils, une opération que Michel-Ange eût pu seul concevoir, que le Correge eût pu seul exécuter. Mais si le succès n’a pas répondu au projet de l’opération, qu’elle bâse reste-t-il à ces éloges ? Pline qui avoit vu l’ouvrage, dit que c’étoit une folie de son siécle ; nostrœ œtatis insaniam. Si ce n’étoit qu’une solie, sur quoi le comte de Caylus prétend-il qu’on ne peut presque pas douter que ce Collosse avoit de l’effet, & qu’on doit le regarder


Beaux-Arts. Tome I. O o o o