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l’attitude est simple, la tête & les mains sont d’une exécution si suave & si fondue, qu’on n’apperçoit pas le trait des contours. Ce tableau a été payé par François I quatre mille écus, qui n’en vaudroient pas aujourd’hui moins de douze mille. Cette Joconde étoit la femme de Francesco del Giocondo, Gentilhomme Florentin.

Elle a été gravée par J. B. Michel. La cêne de Milan a été gravée d’après un dessin de Rubens par Soutman. G. Edelinck a gravé un combat de quatre cavaliers, faisant partie des cartons de Florence : mais il n’avoit pour modèle qu’un dessin peu exact.


(3) André Mantegna. On le comprend dans l’école romaine, parce qu’il a travaillé longtemps à Rome ; mais sa naissance & son éducation doivent le faire rapporter à l’école vénitienne. Il naquit en 1451, dans un village voisin de Padoue(*[1]). Son premier état fut de garder les moutons, & sa passion pour le dessin les lui fit négliger Ses parens parvinrent à le placer chez un peintre nomméSquarcione qui l’adopta & n’est connu que par son disciple. Le jeune André fit des progrès si rapides, qu’à l’âge de dix-sept ans, il fut choisi pour faire le tableau d’autel de Sainte Sophie de Padoue & les quatres évangélistes dont il est accompagné. Jacques Bellin, peintre alors très-célèbre, fut si frappé du talent & de la réputation naissante du jeune André, qu’il lui donna sa fille en mariage. Dès lors le Squar cione, ennemi de Bellin, devint le détracteur de Mantegne, dont il avoit été le prôneur. Il lui reprochoit de tomber dans la sécheresse en négligeant la nature pour se livrer uniquement à l’étude des statues antiques. Mantegne reconnut qu’il avoit mérité ce reproche, & sans abandonner l’antique, il consulta le modèle vivant. De Piles lui reproche cependant de n’avoir fait que joindre des têtes étudiées d’après nature à des figures peintes d’après le marbre. Le plus célèbre ouvrage de Mantegne est le triomphe de Jules-César, qu’il peignit à Mantoue, dans une salle du palais du Marquis de Gonzague. Ce tableau a été transporté en Angleterre dans le palais d’Hamptoncourt. La perspective y est exactement observée. André mandé à Rome par le Pape Innocent VIII, fut décoré, avant son départ, de l’ordre Chevaleresque, que lui donna le Marquis de Mantoue. Il peignit à Rome une petite chapelle du Belvedere avec un soin qui approche cet ouvrage de la miniature. Il a gravé plusieurs planches


d’après ses dessins, & les Italiens l’ont regardé injustement comme l’inventeur de la gravure. Voyez l’article Gravure. Il est mort à Mantoue en 1517, âgé de 66 ans.

On doit le placer au nombre des premiers artistes qui ont bien disposé leurs figures, & qui les ont dessinées correctement. Ses tableaux sont très-rares. Le Roi de France en possède un seul qui représente la Vierge & l’Enfant-Jésus. Les deux têtes sont d’un caractère noble : les attitudes ont de l’élégance & de la simplicité, les plis des draperies tiennent de la roideur gothique, les couleurs ne sont point assez rompues, & le nud a de la sécheresse. L’exécution est du plus grand fini.

Son triomphe de Jules-César a été gravé par lui-même. Le Mautouan a gravé, d’après ce peintre, un Apollon tenant une lyre.


(4) Barthélémi de Saint-Marc, ou Fra Bartholomeo, de l’école Florentine, nâquit dans le territoire de Savignano, à dix mille de Florence, en 1469. Il apprit de Cosimo Roselli les principes de son art ; mais il se forma surtout par la vue des ouvrages de Vinci, dont il fit une étude particulière. Des Madonnes qu’il peignit avec beaucoup de grace, commencèrent sa réputation, qu’il consomma par une fresque représentant le jugement dernier.

Son ame douce & tendre le portoit à la piété ; son intime liaison avec le fameux Dominicain Savonarole, le rendit scrupuleux. Frappé des déclamations de ce prédicateur rigoriste, il profita d’un jour de carnaval où la jeunesse de Florence dansoit autour des feux de joie qu’elle avoit allumés dans la place publique, pour y apporter tous les tableaux, tous les dessins qu’il possédoit & qui offroient quelques nudités, & les faire dévorer par les flammes. Son exemple fut imité par les ardens sectateurs de Savonarole, & ce jour vit sacrifier à des scrupules religieux un grand nombre de chefs-d’œuvre.

Mais Savonarole, chef du parti populaire de Florence, fut accusé de rébellion par les Grands ; & comme il tonnoit contre les vices des prêtres & les excès d’Alexandre VI, il fut accusé d’hérésie par le Clergé. Barthélémi étoit au couvent des Dominicains, lorsqu’on vint arrêter son ami ; il vit ou entendit le combat que les moines soutinrent contre les archers, & saisi de frayeur, il fit vœu d’entrer dans l’ordre de Saint-Dominique, s’il échappoit à ce danger. Il prit l’habit en 1500, à l’âge de trente-un ans, & passa quatre années sans s’occuper de son art, que pour faire les portraits de quelques Jacobins. Un voyage que Raphaël fit à Florence le rendit enfin à la peinture. L’artiste romain lui enseigna les ré-

  1. Quelques auteurs l’ont fait naître à Mantoue ; nous croyons qu’ils se sont tromppés ; mais nous avons suivi leur erreur dans l’article Gravure.

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