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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/173

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P E R

àppercevoîr des lointains à perte de vue, ou de les faire foupçonner par des {"entiers tortueux quapd on ne les montre pas. Le contraire d’un payfage bien pp’çé eft un payfage bouché. On dilbit, par un mauvais jeu de mots, que les payCages de Boucher étoient bouchés. Il faut convenir cependant que des payiages peuvent «voir beaucoup de mérite lans être percés ; mais quand ils le font, ils ont encore plus de charmes.

Le mot percé fe prend aùfli fubltantivement. On dit qu’il y a dans un payfage de beaux percés^ quand à travers des roches , des arbres &c. , la vue fe perd dans les lointains. Les payfages qui ont de beaux percés font plus piquans que ceux qui £ont ouverts ; c’eft à dire, «jue ceux qui n’offrant qu’un petit nombre d’objets fur les premiers plans , laiflent voir une vafte partie de l’horizon. Uue fombre allée qui ne découvre le lointain que par un percé étroit eft plus agréable qu’un payfage qui îii’ayant que quelques bouquets d’arbres ou quelques fabriques fur les côtés des premiers plans, laifTe à la vue la liberté de fe porter lans obftacle à une grande diftance, (L.) PERSONNAGE. ( Subji. mafc. ) Ce mot ^’appartient pas à la langue des arts ; on y employé le mot figure ; & avec raifon, puifque les perfoiinages que les arts prennent pour objets de leurs imitations , ne font que figurés.

Cependant par un ufage trivial , mais étranger aux artiftes, le mot perfonnage eft employé en parlant des ouvrages de peinture exécutés en tapifferie. On dit : une tapijfeiie à perfçnnages.

Mais avant que l’ouvrage de l’art exifte, âl faut que les perfonnages dont il fera l’imitation fbjent dans la tête de l’artifte, qu’il les voye & qu’ils foient fes premiers modèles. Jl faut que, parla vue de l’ame , il embralTe d’un coup d^œil l’aSion qu’il veut leur faire yepréfenter. Dans cette opération de l’efprit , à moins qu’il n’ait l’imagination gâtée par les régies conventionnelles l’art , il ne verra pas cette aftion comme un tableau conçu fuivant ces régies, mais telle qu’elle a dû fe pafler dans la nature. Aucun perfonnage inutile , aucun acceffoire ambitieux ne viendra fe peindre dans fa penfée : il n’y trouvera que l’image àes perfonnages néceS2^.re ^1 des acceffoires convenables. Voilà l’efquiffe qu’il doit refpefter & fuivre. Voilà l’efquiffe qu’il ne manquera pas de gâter, fi fidèle aux principes modernes des écoles, il cherche enfuite à imaginer des figures , des acceffoires pour former des grouppes , pourles lier , pour boucher des trous , pour meubler des coins ; toutes opérations m,efquines fc fubahernes , par lefquelles on détrui.t la P E K

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première conception du génie, quî cjnfifte 

’ à voir le fujet dans fes grandes parties. En effet, comme la nature , dans les formes, offie de petites parties, de petits détails que l’art doit négliger fous peine de tomber dans la pauvreté & la mefquinerie de dellin , de même dansles aflions, elle offre des parties inférieures, des détails inutiles que l’art doit négliger feus peine de tomber dans la pauvreté & : la mefquinerie de compofition. Comment fi , dans une action que l’artifte auroit vue lui-même , il doit négliger ces détails vrais, mais dont il a dû être peu frappé , qu’il n’a même pu appercevoir que par un fécond mouvemeat de fon attention, com.Tient, dis-je,fe dônne-t-il une peine nuifible pour embarraffer de ces détails une adion qu’il n’a pu voir, & dans la quelle, peut-être, aucun des détails qu’il invente ne s’eft remontré f Pourquoi me montrer , dans un fujet noble & frappant , ces figures d’efclaves ou d’enfans qui n’y font pas néceffaires, ces meubles , «ces ufiionfiles qui n’y font introduits que pour enrichir^ le tableau, fuivant le langage des écoles, ^& pour l’appauvrir en effet fuivant le langage de la raifon ?

Il n’y a point d’autres règles pour la 

compofition pittorefque que pour la compofition poétique. C’eft aux peintres aufli bie !%’ qu’aux poètes que Boileau a dit : Puyez de ces auteurs l’abondance ftérilej Et ne vous chargez point d’un déûail inutile. Tout ce qu’on dit de trop eft fade 5c rebutant } L’erprit raffafié le rejette à l’inftaBt. Si l’efprit des amateurs de l’art ne fe raffa-i fie pas aifément d’inutilités , fi même il s’en montre toujours plus avide , c’eft qu’en général les amateurs & même les artiftes ne connoiffent point l’art ; ils ne connoiffent que Is métier , ils ont fait de ce métier des règles barbares, & dans leur orgueilleux aveuglement, ils traitent de barbares ceux qui refufent de corrompre l’art en les obfervanc. Couvrir une toile de grouppes liés, cadencés, contraftés , eft un métier qui peut s’apprendre, que Piètre de Cortone a pu montrer à Romanelli, que Romanelli a pu montrer à d’autres , qui fe perpétuera facilement des maîtres aux élèves : c’eft un métier qui peut s’exercer aifément, & dans lequel Lac Giordano multiplioit fans peine les ouvrages. Mais compofer un fcjet des feules grandes parties qui font nécefiaires , & les bien rendre, c’eft i’elFort du génie & de l’art-, c’eft ce qui élevé le très-petit nombre des grands maîtres , au deffus de la foule des habiles ouvriers ; c’eft même ce dont les plus grands de nos maîtres n’ont laiffé qu’un trop petit nombre d’exemples qu’ils femblent avoir plutôt produits par un heureux inftinct que par un principe arrêté j c’eft