Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/191

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exemple, réunir la grâce du flyle de Racine, ou le pinceau de Cortonne avec les fortes idées de Corneille , ou de Michel-Ange. Noiis croyons que cette alliance efl : inconciliable , bc que cette prétention étant oppofée à l’harmonie, n’a pu produire que des ouvrages médiocres & la dégradation des talens. Le genre nerveux & fublime perd de fon énergie par les toiirn’ires polies & par le pinceau recherché. -Le génie exalté peint à l’elprit lans trop s’occuper des expreflions , & il s’exprime en peinture fans trop s’occuper du pinceau. Il faut avouer que l’ouvrage »ù fe trouve le fublime, ne fait pas défirer les parties de détails. C’eft ainfl que la grandeur des formes de la chapelle Sextine , ou de l’Hercule Farnele, nepermetpasdepenfer au beau travail ducifeau ni au ragoût du pinceau ; mais au défaut de cette excellence de ftyle, le public veut -être dédommagé par une didion élégante & pompeulé , & par un pinceau brillant & flatteur ; & voila comme tant de gens peignent & écrivent poliment.

. ; Je fais cependant qu’il y a des genres qui admettent les grâces de l’exécution 5 mais en P T N

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peint les Nymphes & les Amours , femble exiger un choix d’expreflîons douces, & un piticeau flatteur & amoureux , amqrofo , comme celui du Corrcge, du Parmefsn , de l’Albane, &c. C’efl par un pinceau large , franc & nerveux , que Guercino , Lanfranc, Jouvenet , ont rendu leurs fujets ferieux , & leurs for-^ mes redenties. BalTan , Tintoret , Salvator-Rofa, Eenedetto Cafliglione ont un pinceau ëmpâié, vif j & : pour ainfi dire vagabond. Le Guide , yan Dick , le Sueur fe font diflingués par ce que le pinceau peut avoir de plus léger , de plus fin & de plus cxpreflif. Le pinceau de Carlo- Dolce, de Liberi, de Grimou , de Raoux eft flou ou vaporeux. Celui de Rembrandt tantôt moelleux, tantôt heurté & raboteux, eft toujours ragoûtant. Les tableaux de Joféph de Ribera , de Vélafquès , du Caravage, du Valentin , font d’un pinceau fi ferme, fi facile , & fi adroit à noyer les cou’ leurs en confervant les formes toutes naturelles , & la fraîcheur des teintes, qu’il pa ïôît difficile de porter ce mérite au-delà du degré auquel ces maîtres font parvenus. Et fi nous penflons qu’il y eiàt de l’a-’antage à chercher un autre pinceau que celui qui nous eft donné par notre manière de voir & de fentir , nous croirions pouvoir décider que le pinceau de ces derniers maîtres feroit un des meilleurs à acquérir.

Mais il nous paroît raifonnable de ne pas entreprendre de donner une lilte complecte de : toutes les façons de manier le pinceau ; elle feroit immenfe fc notre jugement pourroit n’être pas univerfcUement adopté, puifqu’il porte fur une partie de goût pour laquelle iS^ie peut y avoir de règle, & qui fournit prefqu’autant de juges qu’il y a d’hommes connoiffeurs ou qui fe piquent de l’être.

On a cru quelquefois donner comme une leçon fage celle de varier le pinceau à chaque objet d’un tableau, en ajourant que l’accord de pinceau n’exiflroit pas dans la nature parce que les fuperficies des corps font variées & que le pinceau doit exprimer le caractère propre de chaque fuperficie. Mais quelques réflexions feront ftntsr le vuide de ce lyftême. D’abord , la nature des fuperficies , à moins qi ;e les imprcffions n’en foient auffi fortes que celles des rochers ou des troncs d’arbres, ne s’apperçoiVent pas à une certaine difl-ance comme nous l’avons déjà dit. Qiie voit-on dons dans un enfe.mble ? On voit les formes des corps, leurs couleurs, les effets des lumières & des ombres ; en s’éloignant encore , on ne voit plus que les mouvemens & les formes générales. Ainfi bien loin que ce foient les minuties de l’enveloppe des corps qu’il faille rendre par le pinceau., il eft même inutile d’exprimer les détails des plus petites formes & encore moins les petits plis de la peau. Le rendu de ces fineflés légères contribueroit même à amollir l’effet des formes dans un ouvrage deftiné à une grande diftance.

Ce principe vrai n’a pas été ignoré des ciens qui , dans leurs coloffes , ne mettoicntque les grandes martes des formes avec cette folidité & cette juflreffe qui fiip. pofent tant de connoiffances & affurent l’effet de leurs chefs-d’œuvre. Nous devons préfumer qu’ils agiffoient fur le même principe pour les tableaux vus à de grandes diftances. Il faut avouer cependant que les détails des fuperficies font du redbrt des petits ouvrages • voyez le mot minutieux ; mais ces détails n’excluent pas un accord d’exécution telle que le tableau ne paroiffe pas fait par divers pinceaux , mais du même pinceau qui a fçu fe varier. C’eft ainfi que Téniers répand le même efprit dans fes tableaux fi variés en objets de tous genres , & avec cette diverfité de touche qui caraélérife tout, fans néanmoins qu’aucune partie de l’ouvrage paroiffe étran»gère aux autres.

Nous nous difpenferons d’enfrer dans l’énu» mération de tous les vices du pinceau^ & d’expliquer à nos lefteurs ce qui peut le rendre mou, lourd , fec , maigre, inégal, manière heurté fans efprit ni julleffe , & vif, pétillant fans fçaïioir. Ncms dirons feulement que Jg tous ces vices , le plus fatal au progrès eft Je dernier. Il fe trouve cependant de^ a-maieurg