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Maïs revenons aux différentes fortes de plis adoptés par les artiftes du grand genre. Pénétrons, analyfons les raifons de leur choix, & par-là , nous découvrirons à ceux qui étudient l’art pour le cultiver ou le connoîcre , la fource des beautés innombrables que cas laaîires ont produits.

Malgré tout ce qui fe pourroit dire contre

!a manière de draper qui le remarque dans les 

ouvrages des artiltes grecs, ils nous femble que ces maîtres de l’art ont aufli atteint le fublime dans cette partie , furtout fi on s’accorde avec nous far les motifs de choix dans les plis, & fi on veut les juger fans partialité fur l’effet toujours viélorieux de leurs admirables produâions.

Sans parler de cette fineffe d’efprit, & de ce goût rare 8c exquis qui influoit fur tout ce qui fortoit de la main des Grecs ; le choix des étoffes légères, telles que feroit la ferge la plus fine qui fe puifTe imaginer , a dà les conduire à atteindre cette éternelle fupériorité. D’abord, il eft réfulté de ce choix, la néceffité de laiffer appercevoir le nud ; en fécond lieu , les petits plis de ces draperies font partout en oppofition avec la largeur & la folidité des parties du corps ; d’oiï vient cette grandeur imprimé fur leurs figures drapées , comme fur tous leurs ouvrages. Mais allons plus loin , & difons que ces étoffes flexibles étant difpofées naturellement à tomber, & leurs plis remplilTant les intervalles que les membres laifient entre eux, il s’enfuit une grands largeur de. malTes, tant parce que ces plis rempliffent les efpaces vuides, que parce que les grandes parties du corps n’en étant pas couvertes, reçoivent fans obflacle tous les efîets de la lumière & des ombres. De ces plis difpofés à tendre vers le bas, il naît un contrafte frappant avec les membres qui , par leurs mouvemens, forcent de la perpendiculaire. Les artifles de l’antiquité fentoient toute la valeur dû »orps de l’homme, & fon imprefïïon fublime dans les ouvrages de l’art. Ils lui facrifioient tout : payfage , architecture , acceflbires de tous genres ; fouvent même les animaux. Faudroit-il donc s’étonner fi pour lui donner toute fa grandeur , fi pour rendre fes mouvemens forts & fenfibles, ils ont adopté exclufivement les plis les plus déliés. Tout ce qu’ils ont produit concourt à établir la vérité des principes que je préfente de leur doSrine. Il eîl vrai cependant que les ouvrages médiocres de , l’antiquité laiffent voir des plis longitudinaux, roides, durs & fortement ac- , cDlles ;mais c’eftfur la Cléopâtre (i), la Flore r -

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[i] On ne czpit plus que ,ceae scatue repréfentant une femme couchée, foit une Cléopâtte ; on a reconnu que ce j«ç roii-aVBic’ptis-poiiron sfpic esç «n- braçekrj mais il P L I ipf

le tableau appelle les noces Abdobrandines, & plufieurs autres chef-d’œuvres , qu’il fauu les juger & fixer fes opinions fur nos preuves. Le fyftême des maîtres qui ont paru depuis la renaiffance des arts eft féduilànt ; il porte fur les vues de la nature qui indique l’emploi de plufieurs fortes d’étoftes, & il flatte le goût des peintres & de leurs appréciateurs par la diverfité des plis larges & des plis fins & délicats. Mais aufh , convenons-en , plus les étoffes font fermes ou groffes , plus leurs plis font larges , & alors moins les corps qu’ils environnent découvrent de parties, & moins celles qu’ils laiffent appercevoir paroiffent grandes. Pour en donner une preuve très-fenfible fur la nature même , qu’on regarde le plus grand homme enveloppé d’un large manteau, de drap, à peine voit-on l’être que la draperie recouvre. On le devine feulement an mouvement de fa tête & de fes pieds. Au lieu que fous des plis délicats , le Pouflin , religieux imitateur de l’antique , lailfe fe defïïner le corps d’une femme que fon habit recouvre en entier. Voyez le facreraent de mariage. Mais fans nous écarter du point où nous fommes , nous avouons que dans les maîtres qui ont employé les plis des diverfes étoffes, ils y a des efprits excellens qui, en ménageant tout, ont ufé d’une fage proportion entre les plis les moins délicats & les membres de leurs figures. Par cet art précieux , fi le corps de l’homme n’a pas toute la grandeur que lui laiffent les vêtemens de l’antique , au moins, bien loin d’être éclipfé , il conferve encore une grande valeur. On fent ici que je veux parler de Raphaël & des autres grands peintres de l’école Romaine & de l’école Françoife.

Quant à Michel-Ange, il a fenti les principes de l’antique, il les a fuivis ; mais en fe fervant d’étoffes , dont lesplis Çont lourds & gros comme feroient des vêtemens de peaux ou du gros linge, il n’y a mis que peu de fineffe & de légèreté. Ajoutons que ce grand homme n’a pas connu la grâce, & que fes agencemens, tout vrais qu’ils font , ne font imprégnés d’aucun fentiment délicat.

Pour paffer au dernier des fyfl :êmes que nous avons propofés , celui d’Albert Durer & de fes imitateurs , les plis cajjes qu’ils ont adoptés n’ont pu leur êire iiiggérés qu’à la vue de certains camelots , qu’on appeloit chamelots dans le tteizième fiècle (i), ou d’autres étoffes d’un tiffu dur & peu flexible. Ils en ont fçu tirer un parti dégoût ; mais Albert lui-même, falloit défigner ici cette figure par le nom fous lequel elia est généralement connue. [ A’otê du RédaSeur. ] [i] J/ venait , dit Joinville , en parlant de St. Louis. au jardin di Tarif ^ uns cote de chamelot vêtu . i , , ,