Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
248 RAP RAP


ils en sont plus aimables. La ragoût est du nombre des moyens de plaire, mais il ne doit être rangé qu’entre les ressources inférieures de l’art. (L.)

RAPPEL, RAPPELLER (subst. masc.), (v act.) Lorsque dans un tableau, on s’occupe des effets de la lumière & des ombres, il est bon de ne pas se borner à y faire voir une seule masse lumineuse, opposée à une seule masse ombrée. On sent qu’une telle pratique rendroit une composition froide & de petit intérêt. Il faut user du principe indiqué par la nature, en observant 1°. une grande masse lumineuse principale, sous laquelle se placent aussi les figures principales ; & 2°. en rappellant la lumière comme par échos, sur des figures ou objets épisodiques ou accessoires, mais d’une manière moins vive, moins large que sur la principale masse. Dans une vaste composition ces rappels doivent être multipliés & toujours placés sur les grouppes intéressans.

Les exemples du principe du rappel de la lumière sont écrits dans les compositions des peintres qui ont connu le pittoresque, & les effets du clair-obscur. Ainsi les Bassano, le Tintoret, Paul Véronèse, Solimeni, Lucas Giordano, Pierre de Cortone & son école, Rubens, Rembrandt, la Hire, Jouvenet, de Troyes fils, sont des artistes dont les ouvrages donnent autant de leçons des bons effets du rappel de la lumière : là on verra toujours cette subordination à la masse principale ; on verra que ces rappels ne sont jamais placés vis à-vis des autres lumières, soit en ligne horizontale, soit dans le sens perpendiculaire ; on y observera que ces rappels sont quelquefois placés sur les parties essentielles du fonds, quelquefois sur les terreins, ou planchers, suivant que les peintres auront voulu rappeller les divers ([1]) plans de leurs compositions. Ces échos ou rappels servent encore à détacher certaines figures du devant de la scène : mais, quelqu’en soit l’emploi, ils donnent de l’espace & de l’enfoncement à la scène, & égayent l’œil du spectateur, qu’une lumière unique fixeroit d’une manière déterminée.

On ne doit jamais rappeller la lumière qu’avec l’intention d’ajouter à l’expression de la scène. Ainsi dans les sujets de nuit, ou dans œux qui seront susceptibles de mystère, les rappels seront rares, de petite valeur, & fort éloignés de la principale lumière.

Le Corrège dans son fameux tableau qu’on nomme la nuit, répand une grande expression sur ce sujet mystérieux, en ne mettant point de rappels de lumière : la lumière est toute


entière sur la Vierge & l’enfant Jésus, & par-là le spectateur est forcé de s’y attacher sans distraction. Mais ces objets sont rendus avec tant de charmes, & présentent tant de beautés, qu’on seroit fâché d’être détourné un instant d’un spectacle si respectable, & que l’art a rendu si précieux : ajoutons qu’un effet de ce genre est fort rare dans la nature, & que celui du Corrège, produit par la lumière émanée du corps de l’enfant Jésus, est la suite d’une pensée poëtique & produit un effet divin & surnaturel. En général les effets d’une lumière sans rappel, ne peuvent avoir lieu que dans des scènes fort circonscrites & propres à de petits tableaux.

On remarquera que nous citons rarement les ouvrages des premiers maîtres des écoles Romaine & Florentine, pour les effets du clair-obscur, dans lesquels ils ne paroissent pas avoir eu de grandes connoissances : cependant le Saint-Pierre délivré de la prison, par Raphaël, au Vatican, n’est pas dénué de ce mérite, & montre que ce grand homme a été au moins entraîné par son sujet à y rappeller la lumière dans les masses ombrées.

(Article de M. ROBIN).

RAPPORT mutuel des clairs, des demi-teintes & des ombres. L’art de donner du brillant aux couleurs de toutes les masses, consiste à associer au premier ton de chaque objet, une nuance de demi-teinte plus cansidérable, c’est-à dire plus étendue que ce premier ton ne l’est lui-même, & à celle-ci une masse de teintes inférieures en beauté & superieures en volume. Plus les masses subordonnées seront larges, plus les effets seront piquans. Il faut que ces variétés de tons dans les masses ne soient sensiblement prononcées que dans les parties lumineuses de la machine pittoresque ; dans les autres endroits, elles seront menagées relativement au ton & à la nature des masses, ensorte qu’elles ne les altèrent point par des contrastes trop expliqués.

Quel doit être le rapport mutuel de ces trois principales nuances ? Quelles doivent être leurs proportions relatives ?

Pour réduire cette idée à la valeur d’une maxime précise, dont néanmoins l’observation ne doit pas être faite dans une exactitude arithmétique, parce que les opérations du génie ne sont point des affaires de calcul, divisons en trois degrés les trois tons ; clair, demi-teinte & obscur.

Dans l’essai de ce systême, dont l’objet est de rechercher s’il n’y auroit point de règle invariable pour tirer d’un tableau des effets brillans, nous estimons que si l’on donne, par exemple, six portions de lumière & de couleur à la asse principale, il faut l’envi-

  1. (1) Voyez le mot fond, plan, &c.