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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/26

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figures. C’est sans doute la plus belle manière de composer, que celle qui n’employe que peu de figures, & grandes, dans le tableau ; mais cependant cela a des bornes, & il y a un milieu à tenir pour ne pas détruire l’illusion. »

C’est un mot fort juste que celui de Lépicié sur le Corrége : s’il n’a voulu, dit-il, imiter personne, personne n’a pu l’imiter.

Entre les tableaux du Corrége qui sont au cabinet du Roi, on distingue 1°. le mariage de Sainte Catherine. « Il seroit difficile, dit Lépicié, de trouver un tableau du Corrége en meilleur état, & plus digne de fixer les yeux des connoisseurs dans les différentes parties qui ont établi le mérite distinctif de ce peintre, soit du côté de la facilité & de l’agrément de son pinceau, soit du côté de la force & de la douceur de son coloris. » 2°. Antiope endormie, tableau de la plus belle couleur. « La figure d’Antiope & celle de l’amour font illusion par la rondeur, le relief & la fraîcheur des tons : c’est la nature avec toutes ses grâces. » Le Duc d’Orléans posséde douze tableaux du Corrége ; les plus célèbres sont l’Io & la Danaë. On regrettera toujours la Léda qui étoit au même cabinet & qui a été détruite par la dévotion scrupuleuse & timide du Duc d’Orléans fils du Régent.

L’Io, la Danaë, la Léda ont été gravées par Duchange, la Sainte Catherine du cabinet du Roi par Etienne Picard, la célèbre nuit par Surugue, la Vierge avec la Magdeleine & Saint Jérôme par Augustin Carrache, un ecce homo par le même.


(18) Jacques Carucci, dit le Pontorme, de l’école de Florence, naquit en cette ville en 1493. Les plus célèbres de ses maîtres furent Léonard de Vinci & André del Sarto. On dit que le dernier, jaloux de ses progrès, le chassa de son attelier. Michel-Ange vit quelques ouvrages du Pontorme & dit que ce jeune homme éleveroit la peinture jusqu’au ciel. Cette prédiction ne fut pas accomplie ; le Pontorme toujours indécis, toujours mécontent de lui-même, changea plusieurs fois de manière & ne put retrouver celle qui avoit commencé sa réputation. Il étoit de très bonnes mœurs, mais d’un caractère sauvage & bizarre ; il se fit construire une maison dans laquelle il montoit par une échelle & qu’il retiroit après lui. Il refusoit de travailler pour le grand Duc qui l’eût bien récompensé, & il faisoit des tableaux pour son maçon à qui il les donnoit en payement.

Il eut le malheur de voir quelques ouvrages d’Albert Durer ; il voulut les imiter & tomba dans un goût roide, sec & gothique. Il enleva au Salviai l’entreprise de la chapelle de Saint Laurent, & employa douze années à ce travail,


effaçant ce qu’il avoit commencé, léchant ce qu’il avoit ébauché, perdant un temps considérable à examiner ce qu’il avoit préparé sans pouvoir se déterminer à aucun parti pour le finir. On attendoit un chef-d’œuvre, & quand l’ouvrage fut découvert, il parut au dessous du médiocre. Le chagrin avança les jours du Pontorme qui mourut à Florence en 1556, âgé de soixante & trois ans.

Le Pontorme s’étoit distingué dans son bon temps par un grand caractère de dessin & par un ton vigoureux de couleur. Michel-Ange, en voyant un dessin de ce maître qui représentoit Jésus-Christ sous la figure d’un jardinier, avoit dit que le Pontorme étoit seul capable de l’exécuter en peinture.

On ne voit au cabinet du Roi qu’un seul tableau de ce peintre : c’est un portrait, genre dans lequel il avoit singulièrement réussi. La tête & la main sont d’un beau pinceau ; le dessin est précis & d’un bon caractère.

Jules Bonàsonne a gravé d’après ce peintre la nativité de Saint Jean Baptiste.


(19) Jean Da Udine, est placé dans l’école de Venise par sa naissance & sa premiére éducation : mais affilié dans la suite à l’école de Raphaël, il pourroit être compris dans l’école Romaine. Il naquit à Udine, ville du Frioul en 1494. Dans sa première jeunesse, conduit souvent à la chasse par son père qui se plaisoit à cet exercice, il fit connoître ses dispositions naturelles en dessinant des animaux, & fut placé dans l’ecole du Giorgion. La réputation de Raphaël le fit aller à Rome où ce grand maître le reçut entre ses élèves. Moins habile que ses émules dans la peinture de l’histoire, il les surpassa par la grande manière avec laquelle il traita le paysage, les ornemens, les quadrupedes, les oiseaux, les fruits & les fleurs. Ce fut lui sur-tout que Raphaël chargea de peindre les grottesques dans les loges du Vatican. Il se distingua par des travaux du même genre à Florence & à Rome après la mort de son maître.

Un jour que le Pape venoit visiter les travaux des luges, un domestique voulut lever un tapis qu’Udine venoit de peindre, croyant que ce tapis cachoit quelque tableau. Les anciens contoient un trait semblable d’un rideau peint qui trompa Zeuxis. De telles illusions sont possibles à l’art & n’en font pas le mérite. Jean da Udine se distingua par un grand goût de dessin dans les ornemens, par une grande légèreté dans les formes, & par un bon ton de couleur : il est maigre & incorrect dans le dessin de ses figures. Il mourut à Rome en 1564 âgé de soixante & dix ans.


(20) Lucas de Leyden, de l’école


Hollandoise