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teur, que la partie capitale de la composition doit seule intéresser, ne soient pas distraites par les parties subordonnées, il faut que celles-ci soient & le laissent dans un état de repos, & que la première ait seule le droit de l’appeller & de le fixer.

Pour que l’ouvrage soit harmonieux, il ne faut pas que des parties brillantes, dispersées çà & là, se disputent entr’elles & détruilent l’accord qui constitue un tout-ensemble.

« La vue trouve de la tranquillité & du repos dans un tableau, dit Mengs, quand il n’y règne point de confusion, & lorsqu’il y a une bonne entente & une juste dégradation de couleurs locales & de clair-obscur ; de manière que l’œil & l’esprit puissent saisir avec facilité l’idée de l’article. Un tableau dont le peintre aura épuisé tout le sujet, & qu’il aura chargé de trop d’objets, ou bien dont il aura mal disposé les couleurs locales, pour lui donner de la variété, fera un effet contraire au repos dont nous parlons, »

Mengs fait ici un seul vice de la confusion & du manque de repos : mais quoiqu’une ordonnance confuse puisse & doive même nuire au repos, on applique spécialement ce mot à l’effet. Ainsi dans la langue ordinaire de l’art, le repos consiste dans l’accord des tons & des couleurs, & dans la distribution intelligente des lumières & des ombres. Il pourroit donc y avoir du repos dans un ouvrage avec de la confusion dans l’ordonnance.

C’est dans le sens que nous donnons au mot repos, qu’il a été employé par le poëte législateur de la peinture :

Sintque ita discreti inter se ratione colorum,
Luminis, umbraumque anteorsum, ut corpora clara
Obscura umbrarum requies, spectanda relinquat.

Du Fresnoy, de art graph. v. 282.

« Après de grands clairs, dit de Piles en commentant ces vers, il faut de grandes ombres qu’on appelle des repos, parce que la vue seroit effectivement fatiguée, si elle étoit continuellement attirée par une continuité d’objets pétillans. Ces repos se font de deux manières, dont l’une est naturelle, & l’autre artificielle. La naturelle se fait par une étendue de clairs ou d’ombres qui suivent naturellement & nécessairement les corps solides, ou les masses de plusieurs figures grouppées, lorsque le jour vient à frapper : l’artificielle consiste dans les corps des couleurs que le peintre donne à de certaines choses telles qu’il lui plaît, les composant de telle sorte qu’elles ne fassent point de tort aux objets qui sont auprès d’elles. Une drapperie, par exemple, que l’on aura


fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra, être dans un autre de couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. On doit prendre occasion, autant qu’il est possible, de se servir de la première manière, & de trouver les repos dont nous parlons par le clair ou par l’ombre qui accompagnent naturellement les corps solides : mais comme les sujets que l’on traite ne sont pas toujours favorables pour disposer des figures ainsi qu’on le voudroit bien, on peut, en ce cas, prendre son avantage par le corps des couleurs, & mettre, dans les endroits qui doivent être obscurs, des drapperies ou d’autres objets que l’on peut supposer être naturellement bruns ou salis, lesquels vous feront le même effet, & vous donneront les mêmes repos que les ombres qui n’ont pu être causées par la disposition des objets. »

Ce seroit un grand vice, tant contre le repos que contre la vérité, d’employer deux jours égaux : c’en seroit un encore d’employer deux couleurs égales, soit qu’elles fussent tendres ou fiéres. Il doit toujours y avoir une couleur principale qui domine sensiblement toutes les autres. (L)


REPOUSSOIR (subst. masc.) On a vu longtemps les peintres affecter de placer sur le premier plan, & sur les bords de leurs tableaux, des masses d’ombres obscures qu’on appelloit des repoussoirs, comme si l’on eût voulu faire sentir, dit Dandré Bardon, qu’elles n’étoient que des ressources manièrées démenties par la nature. On leur avoit donné ce nom, qui commençoit à faire partie de la langue de l’art, parce qu’on les croyoit nécessaires pour repousser les objets des aunes plans. Sans doute la peinture a ses illusions ; mais elles ne doivent pas aller jusqu’à contrarier la nature, & elles ne sont permises que pour rendre le mensonge de l’art plus ressemblant à la vérité. Dans le temps de cette mode, les connoisseurs, c’est-à-dire, les hommes qui tâchent d’écouter ce que disent les artistes, pour se faire un jargon qui annonce des connoissances, ne manquoient pas d’approuver les repoussoirs, & se moquaient des bonnes gens qui demandoient pourquoi les peintres mettoient des figures de Nègres dans les coins de leurs tableaux. C’étoit cependant ces bonnes gens qui avaient raison, les artistes étoient égarés par une fausse pratique, & les connoisseurs égarés par les artistes, ne savoient ce qu’ils disoient ; ce qui n’est pas rare aux connoisseurs dans tous les genres.

Tout homme peut s’assurer par ses propres yeux que les ombres ne sont pas tout à fait obscures : elles sont éclairées par des parti-