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s eu de la république. Il avoit déjà fait le modèle du cheval, lorsqu'un sculpteur intrigant, nommé Vellano, cabala auprès de quelques sénateurs pour faire la figure du capitaine. André, justement irrité de ce qu'on vouloit lui ravir la gloire de faire tout le monument, brisa la tête de son modèle & prit la fuite. La seigneurie lui adressa de violens reproches & le menaça de lui faire couper la tête s'il retournoit dans les états. Il répondit qu'il se garderoit bien de s'y exposer, parce que leur seigneurie, toute puissante qu'elle étoit, ne fauroit jamais faire une tête comme la sienne, au lieu qu'il fauroit ben faire une tête de cheval encore meilleure que celle qu'il avoit détruite. Cette réponse ne déplut pas aux Vénitiens ; ils avoient eu apparemment le temps de reconnoître que l'intrigant Vellano n'étoit pas un émule digne de lui être associé : ils le rappellèrent avec des offres avantageuses : le Vérochio termina son modèle, mais il s'échauffa dans le temps de la fonte, & gagna une pleurésie dont il mourut. Ce fait prouve que les statuaires faisoient alors eux-mêmes la fonte de leurs ouvrages, & ne confioient pas à de simples artisans cette partie décisive du travail.

(5) JEAN-FRANÇOIS AUSTICI, né à Florence d'une famille noble, vers 1470, fut élève du Vérochio ; il se trouva dans cette école avec Léonard de Vinci devenu déjà le rival du maître dont il recevoit encore les leçons, & il se rendit son élève quand le Vérochio partit pour Venise. Léonard, savant dans tous les arts qui dépendent du dessin, lui enseigna la manière de modeler, celle de tailler le marbre, celle de couler en bronze, & lui démontra les principes de la perspective. Rustici, conduit par cet habile maître, devint l'un des plus habiles sculpteurs de son temps. Il fit en 1515 un Mercure en bronze, porté sur un globe & qui semble prêt à prendre son vol : cette figure couronne la fontaine qui est dans la grande cour du palais de Florence. Il fit aussi en bronze Saint-Jean Baptiste prêchant entre un lévite & un pharisien, ouvrage dont on estime les formes & l'expression. Mal récompensé de son travail, il ne s'occupa plus de son art que pour éviter l'ennui de l'oisiveté. On compte, entre ses ouvrages les plus remarquables, une Léda, une Europe, une Grace, un Vulcain, un Neptune, & un homme nud à cheval. Il fut appellé en France par François I, & travailla au modèle d'un cheval du double de grandeur naturelle qui devoit porter la statue de ce monarque : mais le prince mourut, & l'ouvrage ne fut pas terminé. Il retourna à Florence, trouva cette ville assiégée, vît son héritage


ravagé par les ennemis, & revint en France, où il mourut en 1550, âgé de quatre-vingts ans.

Il avoit trois maximes dont les deux premières surtout seroient bonnes à pratiquer : de réfléchir longtemps sur l'ouvrage qu'on veut entreprendre avant d'en faire l'esquisse ; de laisser reposer longtemps l'esquisse sans la regarder, avant de la mettre à exécution ; enfin de ne laisser voir son ouvrage que lorsqu'il est terminé.

(6) MICHEL-ANGE BUONARROTI, né en 1474, mort en 1564. Voyez ce que nous avons dit de ce grand artiste à l'article Ecole. Il mania le ciseau dès sa première enfance à l'imitation d'un tailleur de pierre, époux de sa nourrice. Très-jeune encore, il étonna Florence par la tête d'un vieux faune & bientôt après par une figure d'Hercule. Ayant fait le voyage de Bologne pour y étudier les plus beaux morceaux de peinture qui faisoient déjà l'ornement de cette ville, il y laissa deux figures qui manquoient à l'arcade de Saint-Dominique, celle de Sainte Pétronie & celle d'un ange. De retour à Florence, il y fit un Saint Jean & un amour fameux par une supercherie qu'il employa pour tromper les faux connoisseurs de l'antiquité. Il en cassa un bras, & fit enterrer la figure dans un endroit qu'on le préparoit à fouiller. Elle fut déterrée, on se récria sur la beauté de cette antique ; ce morceau fut envoyé à Rome & y excita la même admiration ; mais Michel-Ange montra le bras, & l'on critiqua l'ouvrage moderne. Un cardinal qui s'étoit hâté de l'acquérir, se hâta encore plus de s'en défaire. Ce fut vers ce temps qu'il fit son fameux Bacchus & le beau grouppe de la Notre Dame de pitié qui est dans la basilique Saint Pierre, à la chapelle de la Vierge. Il revint à Florence, où d'un marbre gâté par un sculpteur qui en avoit voulu faire un géant, il tira le jeune David armé d'une fronde. Nous avons parlé à l'article école, de sa fameuse statue collossale de Jules II, dont l'étonnante fierté étonna même le fier Pontife. Léon X le fit travailler aux tombeaux de Laurent & Julien de Médicis : l'artiste représenta ces deux princes eux-mêmes, & accompagna ces monumens des figures de l'aurore, du jour, du crépuscule & de la nuit, & il fit une Vierge assise dans le fond de la chapelle. Il finit ensuite à Rome le tombeau de Jules II qui lui avoit été autrefois commandé par ce pape lui-même. Suivant le premier dessin, ce monument devoit être composé de quarante figures : Michel-Ange obtint la permission d'en réduire le nombre. Lui-même en fit trois, entre lesquelles est ce célébre Moïse, en qui l'on peut bien reprendre