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£84 S C U V ; son mérite naissant fut accueilli pst des récompenses, & les récompenses l'excitèrent à de nouveaux efforts. Apres avoir fait les bustes du cardinal Bellarmin, du neveu de Paul V, & de ce Pontife lui-même, il surprit même ceux qui attendoient de lui de grandes choses, en mettant au jour, à l'âge de quinze ans, deux Statues de grandeur naturelle : l'une représentoit Saint Laurent, l'autre Énée qui enleve son père. A peine étoit-il sorti de l'enfance, & déja aucun Statuaire n'égaloit sa réputation : aussitôt après il l'augmenta par son David qui est compté entre ses meilleurs ouvrages. Il l'a saisi au moment où le jeune heros lance la pierre contre Goliath. On admira l'expression dans les sourcils froncés qui peignent l'indignation, dans le mouvement de la lèvre supérieure qui couvre l'inférieure : mais, dans la suite, des juges sévères, éclairés par les conceptions les plus judicieuses des anciens Grecs, ont blamé justement la bassesse de cette expression, qui conviendroit mieux à la figure d'un soldat, qu'à celle d'un héros. Le Bernin n'employa que six mois à cet ouvrage, & lui même disoit qu'il dévoroit le marbre. Quarante ans après, jettant les yeux sur les productions de sa première jeunesse, il s'écria tristement : « Combien j'ai fait peu de progrès dans la Sculpture en un si grand nombre d'années ! »

Il n'avoit pas encore dix-huit ans, quand il fit pour le cardinal Borghese, à qui appartenoit son Enée & son David, le grouppe d'Apollon & Daphné qu'il tailla dans un seul bloc de marbre. Le Dieu est près de saisir son amante ; il n'en est éloigné que d'un demi-pied ; mais déja il l'a perdue & la métamorphose est commene Ce grouppe fut regardé comme le chefd'œuvre de la Sculpture moderne. C'étoit au moins, peut-être, le morçeau le plus agréable qu'elle eût encore produit.

Le protecteur du Bernin, le cardinal Maffei, devint pape sous le nom d'Urbain VIII, & le chargea de décorer cette parti de la basilique de Saint Pierre qu'on nomme la confession, entreprise que l'artiste avoit désirée dès son enfance. Il eut le plus grand succès, & pendant qu'on le comblot d'éloges, lui-même avouoit qu'il en devoit une grande au partie hasard, puisque, dans un si grand espace, il n'étoit guere possible de prendre des mesures assez justes pour s'assurer d'avance de produire l'effet qu'on désiroit.

Le génie du Bernin le portoit surtout aux compositions riches & magnifiques ; il échouoit dans celles qui exigent de la sagesse. Il put suivre son impulsion dans le mausolée d'Urbain VIII placé dans l'église de Saint Pierre. « Dans une niche, dit M. D… paroît un dais de marbre à quatre faces, ayant trois ordres d'Architecture ; au dessus est une urne cinéraire. De là s'élève un grand piédestal qui


soutient la Statue en bronze du Pape, assis sur son trône, & en action de donner la bénédiction. A gauche paroît la justice, accompagnée de deux petits enfans : elle a les yeux fixés sur le Pape & semble plongée dans une douleur profonde. A droite est la charité tenant un jeune enfant qu'elle allaite : un autre est à côté, mais plus grand, qui paroit déplorer la perte d'un aussi bon Pape. Au dessus de l'urne, on voit la mort en bronze ; elle tient un grand livre, dans lequel elle a coutume d'inscrire avec sa faulx les noms des Papes morts. Elle semble écrire en lettres d'or ces mots : URBANUS VIII, BARBERINUS PONT. MAX. Et pour augmenter l'illusion, l'Artiste a mis sur le feuillet précédent une partie du nom de Grégoire V, prédécesseur d'Urbain. »

Peu de temps avant la mort de ce Pontife, Louis XIII avoir fait offrir au Bernin une pension de douze mille écus pour l'attirer en France ; l'Artiste fut retenu par les bienfaits d'Urbain, & par son goût pour le sejour de Rome. Mais il ne résista point en 1665 à l'invitation de Louis XIV, qui, trop peu sensible aux talens de Perrault, crut que le Bernin seul étoit capable de donner au château du Louvre une noblesse digne de la majesté du Monarque. « L'artiste fut conduit, à Paris, dit Voltaire, en homme qui venoit honorer la France. Il reçut, outre cinq louis par jour pendant huit mois qu'il y resta, un présent de cinquante mille écus, avec une pension de deux mille écus, & une de cinq cent pour son fils. » Le fruit que le Monarque recueillit de tant de dépenses fut un dessin pour la façade du Louvre ; projet plus brillant par les écarts de l'imagination que par « des beautés solides, qui auroit exigé des dépenses excessives, & qui ne fut pas exécuté. »

Mais le Bernin, pendant son séjour en France, étonna les Sculpteurs par sa hard esse ; il exécuta le buste de Louis XIV sur le marbre, sans avoir fait aucun modèle, & sans autres préparatifs que quelques légers dessins qu'il avoit relevés de pastels. De retour en Italie, t empressé de témoigner au Roi sa reconnoissance, il tailla dans un seul bloc de marbre, le plus grand qui soit connu jusqu'à ce jour, la Statue équestre de ce Prince. Ce morçeau n'a guere de remarquable que sa grandeur colossale. Carle Maratte qui le vit à Rome, dit : « Voilà une figure qui ne fera pas d'enfans, » voulant faire entendre qu'on ne s'empresseroit pas de l'imiter. Tous les autres Italiens admirerent, car le Bernin avoit du crédit. Comme il n'en avoit point en France, elle fut généralement trouvée fort médiocre. Louis XIV chargea Girardon de changer les traits de la tête, & de réprésenter des flâmmes sous les pieds du cheval, pour faire de ce morçeau le dévouement de Curtius.

Le Bernin continua d'être plus heureux en