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ne fut-ce que d’avoir l’air très-naturel & sans artifice. »

Mengs a comparé par les contraires le coloris du Baroche à celui de Rembrandt. « Les deux extrêmes, dit-il, savoir le blanc & le noir, s’employent l’un & l’autre de la même manière, vu qu’ils dégradent & annihilent, pour ainsi dire, toutes les couleurs, sans en avoir eux-mêmes aucune qui leur soit propre ; de sorte qu’ils peuvent servir, entre les mains d’un artiste judicieux, à marier les couleurs les plus disparates. Je pourrois en citer plusieurs exemples ; mais je me contenterai de ceux que j’ai trouvé les plus frappans. Rembrandt a obtenu de l’harmonie dans ses ouvrages, en mariant les couleurs les plus incompatibles par le moyen des ombres ; en ne laissant éclairée qu’une patrie de ces coulèurs, & en les séparant les unes des autres. Mais lorsque la disposition des sujets l’obligeoit à les rapprocher, il éclairoit alors les unes avec art, & rendoit les autres obscures. Le Baroche, au contraire, a mis dans ses tableaux une agréable harmonie, en éclairant toutes ses couleurs avec le blanc, par lequel il les a privées de toute leur vigueur ; &, par cette méthode, il a su marier les couleurs les moins amies, & a donné à ses tableaux un clair-obscur d’un grand effet & bien raisonné. Pour donner, en un mot, une idée du goût de ces deux maîtres, je dirai que Rembrandt a peint tous ses objets comme s’il les eût vus dans une cave, où il n’auroit pénétré qu’un foible rayon solaire, pour animer son harmonie, sans y porter plus de lumière qu’il ne falloit pour pouvoir distinguer de près une couleur de l’autre ; tandis que le Baroche semble, au contraire, avoir peint ses ouvrages en plein air, ou dans les nues même, & comme si, entourés de toutes parts de lumière & de reflets, ils n’eussent, pour ainsi dire, point du tout reçu d’ombres : de sorte que par cette abondance de clarté, il a fait des tableaux brillans, & l’on pourroit même dire resplendissans. »

« Si je ne me trompe, le peintre judicieux & sage, doit le servir de ces deux goûts différens, lorsque le sujet le demande, & non pas autrement : mais il me parôit que, de ces deux extrêmes, c’est la manière de Rembrandt qu’on doit préférer à celle du Baroche, vu que le goût du premier s’accorde avec la nature, tandis que celui du dernier ne subsiste que dans l’imagination, & tout ce que l’esprit invente doit du moins s’appuyer sur la vérité. »

Le Baroche mourut à Urbin, ville de sa naissance, en 1612, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Une si longue vie, & le grand


nombre de ses ouvrages peuvent étonner, quand on sait que, depuis sa jeunesse, il étoit d’une santé si délicate, qu’il pouvoit à peine travailler deux ou trois heures par jour, & qu’il étoit obligé de prendre quelquefois plusieurs mois de repos. On prétend qu’il avoit été empoisonné, dans sa jeunesse, par des artistes jaloux.

Le Roi n’a aucun ouvrage du Baroche. On voit de ce peintre, dans le cabinet du Duc d’Orléans, Enée enlevant son père, deux saintes familles, une tête de Saint-Pierre, & une fuite en Égypte.

Augustin Carrache a gravé, d’après Baroche, Enée sauvant son père ; Corn. Cort, la Vierge à la fontaine ; Sadeler, une sainte famille, &c.


(39) Jèrome Mutiano, de l’école de Venise, né en 1528, d’une famille noble, dans la terre d’Aquafredda, territoire de Bresse. Il étudia à Venise les ouvrages du Titien, & passa à Rome pour y faire une étude plus savante du dessin. Pendant qu’il s’appliquoit à copier l’antique, il se réserva une partie de son temps qu’il consacroit à peindre des portraits, afin de concilier les vérités de la nature avec les beautés des artistes de l’ancienne Grèce. Il continua les dessins de la colonne trajane commencés par Jules-Romain, & ce fut par ses soins que ces dessins furent gravés.

Son dessin a de la pureté, ses têtes de l’expression, son coloris de la vigueur ; ses draperies sont larges & étudiées d’après nature. Ses portraits étoient bien ajustés. Il aimoit à se délasser du genre de l’histoire par celui du paysage. Sa manière tenoit beaucoup de celle des Flamands dans la touche des arbres : il en accompagnoit les tiges de tout ce qui pouvoit y jetter de la variété. Il peignoit par préférence des châtaigniers, & regardoit cette espèce d’arbres, comme la plus favorable à l’imitation. Il acquit de la fortune, & la douceur de son caractère le rendit heureux.

On doit à ce peintre l’invention d’un nouveau stuc pour appliquer la mosaïque. Il mourut à Rome en 1570, à l’âge de soixante-deux ans.

Le Roi possède de ce peintre l’incrédulité de Saint-Thomas. Tout indique dans ce tableau, au jugement de Lépicié, que le Mutian étoit grand dessinateur, bon coloriste, & qu’il entendoit la partie de l’expresssion.

Villamene a gravé, d’après ce peintre, l’Annonciation : Corn. Cort, Sainte-Marie Egyptienne, St. Jérôme, &c., & sept paysages d’une grande beauté : Desplaces, le lavement de pieds.


(40) Louis de Vargas, de l’école Espagnole, naquit à Séville en 1528. Il fit deux


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