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C'étoit avec ces habits que les accusés se présentoient sentoient sur la place, pour exciter la pitié du peuple. (L.)

VIE (subst. fem.) Le premier dégré de l'expression consiste à donner de la vie aux figures, puisqu'il faut d'abord qu'elles paroissent animées pour sembler éprouver quelqu'affection de l'ame. Les peintres gothiques ne savoient pas donner à leurs figutes l'apparence de la vie, & depuis que l'art a fait de si grands progrès, il n'est encore accordé qu'à un petit nombre d'artistes d'imprimer cette apparence à leurs ouvrages. Des peintures fades & plates ne représentent rien qui ait de la vie. Deux parties de l'art contribuent surtout à la donner ; le dessin qui exprime avec justesse les mouvemens, le clair-obscur qui donne le relief aux objets. Une touche savante achève la création, & donne une ame à ce qui n'est que du papier, de la toile, du marbre, du bronze.

Dans la langue de l'art, on attribue la vie même à des représentations, d'objets inanimés. Ainsi l'on peut conseiller à un paysagiste de donner de la vie à ses ouvrages ; e'est-à-dire, de détruire ce qu'ils ont de morne, ce qui les empêche d'exprimer ce mouvement, cet esprit de vie qui semble répandu dans toute la nature. (L.)

VIERGE, teinte vierge. On voit par cette application du mot vierge dans l'art de peindre, qu'il n'est employé que comme attribut de certaines couleurs artificielles.

Lorsque le peintre à empâté une partie de son tableau à laquelle il veut donner la derniere main, il fond alors, ou noye les teintes les unes dans les autres pour en faire perdre à l'œil les différences, & en rendre les degrés insensibles. Ce travail, en arrondissant les corps, en ôtant la crudité des couleurs naturelles, fait perdre cependant aux teintes de leur fraîcheur. C'est alors que le peintre qui a la pratique du coloris, place de côté & d'autre des teintes, qu'on nomme Vierges, parce qu'il ne les mêlange plus sur son tableau. Il atteint à la perfection de cette pratique, si cette teinte, toute fraîche qu'elle est, n'est point dure, crûe, tranchante, & si elle est du ton convenable à son plan, & à l'effet de la partie qu'elle enrichit par sa fraîcheur & par sa pureté.

L'opposé des teintes Vierges, sont celles qu'on nomme sales. (Article de M. Robin.)

VIGNETTE (subst. fem.) On donne ce nom aux gravures qui décorent les livres. Mais ce mot a reçu une signification trop étendue. Il devroit, suivant son étymologie, signifier seulement les gravures qui décorent le haut des pages, parce que ces gravures ont remplacé l'ornement que les miniaturistes peignoient au-


trefois au haut des pages des manuscrits, & qu'on nommoit vignette, parce qu'il représentoit souvent des feuilles de vigne. Après l'invention de l'imprimerie, on a remplacé ces miniatures par des gravures en bois, & dans la suite, des éditeurs plus curieux ont préféré des gravures en taille-douce.

Les graveurs chargés de ces sortes d'ouvrages leur ont conservé le nom de vignettes, quoique ces ouvrages n'eussent plus rien de commun avec l'ornement nommé vignette, que d'occuper la même place : &, par extension, ils ont aussi donné le même nom aux gravures qui servent de frontispices aux livres, ou qui sont répandues dans le corps de l'ouvrage, quoi qu'elles ne soient pas destinées, comme les anciennes vignettes, à orner le haut d'une page, & qu'elles occupent une page entière. C'est ainsi que bien des mots ont perdu la signification qui peut rappeller leur origine, & que l'on ignore l'histoire des révolutions qu'ils ont éprouvées.

On nomme culs-de-lampe les ornemens en gravure qui décorent le bas des pages à la fin des livres ou des chapitres. Ce nom leur a été donné, parce qu'ils se terminent dans une forme à-peu-près semblable à celles de l'extrêmité inférieure des lampes qui sont suspendues dans nos églises. M. de Voltaire vouloit que ce mot fût retranché de la langue française ; mais son autorité n'a pu l'emporter sur l'usage. (L.)

VIGUEUR, VIGOUREUX, (subst. fem.), (adj.), Sont des expressions qui, comme bien d'autres, s'employent figurément dans la langue des beaux-arts. Comme la grace est de l'essence des femmes, & que la vigueur & la force forment la perfection de l'homme, on applique ces expressions à ces genres de beautés qu'elles rappelent dans les ouvrages de l'art : ainsi on dit la grace de l'Albane, & la vigueur de Ribera.

Bien que le mot vigueur serve souvent à caractériser celle des formes, & que l'on puisse dire le dessin vigoureux de Michel-Ange, les formes vigoureuses de l'Hercule Farnèse ou des figures d'Annibal Carrache, néanmoins les mots vigueur & vigoureux s'employent le plus communément en parlant du Coloris. C'est dans ce sens qu'on dit, « la première manière du Guide, fut mâle & vigoureuse, & sa seconde fut douce & aimable : Le Giorgion est un peintre vigoureux. »

Dans l'art de graver on entend par une estampe vigoureuse, celle qui est forte de brun & piquante d'effet, soit qu'on entende parler de la vigueur de l'épreuve, soit du talent em-