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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/59

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plus vigoureuses. Pietre de Cortone en jugeoit ainsi toutes les fois qu’il considéroit les ouvrages du Rosselli dans le cloître de I’Annonciade à Florence, & entre autres le morceau où le pape Alexandre IV approuve, en plein consistoire, le nouvel institut des Servites. On peut bien s’en tenir à la décision de ce grand artiste, lui dont les belles fresques au palais Pitti firent, au premier coup-d’œil, une telle impression sur le Rosselli, que, dans son transport, il s’imaginoit, disoit-il, faire alors un beau rêve, tant ces peintures lui parurent supérieures à tout ce qu’il avoit fait & à tout ce qu’il avoit vu. »

« Homme vertueux, ses mœurs douces & insinuantes gagnoient aisément l’affection de ceux qui entroient en commerce avec lui. Bon ami, bon maître, bon parent, tous ceux qui, dans leurs besoins, avoient recours à lui, éprouvoient l’excellence de son cœur. Il en fut à la fin la victime. Etroitement uni à une famille dont il étoit adoré, il eut le chagrin de voir périr en peu de temps sous ses yeux plusieurs neveux qu’il avoit élevés dans la peinture & sur lesquels il fondoit de grandes espérances. Une fièvre lente s’empara de lui & le conduisit au tombeau au commencement de l’année 1560, à l’âge de quatre-vingt-deux ans. » « Le tableau du cloître de l’Annonciade, dont nous venons de parler, a été gravé à Augsbourg, & l’on ne peut s’empêcher, en le voyant, de prendre une grande idée du mérite de l’artiste. »

Le roi possède deux tableaux du Rosselli. L’un représente David tenant la tête & l’épée de Goliath. « La composition en est agréable, les têtes gracieuses, & la couleur, sans être vraie, a de l’accord & de l’harmonie dans les tons. » L’autre qui représente le triomphe de Judith est du même faire.


(91) Françoius Albani, que nous appellons l’Albane, de l’école Lombarde, naquit à Bologne en 1578. Fils d’un marchand de soie, il fut destiné par son père d’abord aux lettres, & ensuite au commerce ; mais un penchant invincible l’entraînoit vers la peinture. Privé bientôt de son père, il obtint de son oncle la permission de suivre ses inclinations, & fut placé chez ce Denys Calvart, qui a fait ou du moins commencé de si grands élèves. Là il trouva le Guide, élève déjà fort avancé, & que l’on peut regarder comme son maître. Tous deux quittèrent ensuite l’école de Calvart pour entrer dans celle des Carraches, & l’Albane s’y attacha principalement à Louis. Tous deux devenus eux-mêmes des maîtres, allèrent ensemble à Rome, & ils y furent souvent occupés ensemble. La jalousie rompit cette union : l’Albane ne put supporter de se voir préférer son compagnon d’études & son ami.

Déjà le Guide se distinguoit par une manière qui lui étoit propre ; l’Albane conservoit encore celle d’Annibal Carrache, & se contentoit de la gloire d’être un excellent imitateur. On ne doit donc pas être étonné qu’Annibal lui ait donné la préférence sur son émule, & ait employé son pinceau dans la galerie Farnese. Il le chargea aussi de décorer, d’après ses dessins, l’église de Saint-Jacques des Espagnols.

L’Albane eut peu de temps après les entreprises de deux grands plafonds : celui du palais Verospi à Rome, & celui du château de Bassano. Ces deux ouvrages, les plus grands qu’il ait faits, ont des beautés ; mais la réputation de l’Albane est bien moins fondée sur ces grandes machines, que sur les sujets agréables qui firent sa gloire & le placent au rang des grands maîtres. Il excelloit surtout dans les compositions où il pouvoit faire entrer des femmes & des enfans. Le grand, le terrible convenoient mal à son caractère : les beautés austères ne lui convenoient pas davantage : la nature gracieuse étoit le seul objet de son imitation.

Il sentoit que le peintre est un poëte, & que la lecture des poëtes doit être le principal aliment des peintres. Il regrettoit de ne s’être pas rendu familière la langue des poëtes de l’ancienne Rome, & se consoloit par une lecture assidue des poëtes de l’Italie moderne.

Il avoit une estime profonde pour le Correge ; mais son respect pour Raphaël tenoit de la vénération. Il ne prononçoit jamais, sans se découvrir, le nom de ce grand maître.

Il vouloit que le peintre pût rendre compte des moindres objets qu’il faisoit entrer dans ses ouvrages, & démontrer qu’il n’en avoit admis aucun sans une raison particulière.

Il disoit que la nature, dont le peintre doit être le fidèle imitateur, est très-finie, & n’offre ni touches ni manière : il n’estimoit pas les peintres dont les ouvrages empruntent leur mérite principal de la touche, quelque fine & spirituelle qu’elle pût être.

Les sujets bas lui déplaisoient ; il étoit indigné des sujets lascifs. Il s’étonnoit que des actions qui révolteroient ou causeroient le dégoût, si elles se passoient en public, pussent être admises en peinture dans les palais des grands.

Il avoit une pudeur bien rare, surtout parmi les artistes. C’étoit sa seconde épouse qui lui servoit de modèle pour les figures de femme, & elle lui vendoit cher ce service par ses hauteurs. Quand elle fut trop âgée pour devenir l’objet de ses imitations, & qu’il fut


Beaux-Arts. Tome II. G