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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/78

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employer souvent des tons frais & variés, aimables & vrais, son coloris cependant a quel que chose de trop fardé, & qui tient de l’éventail. Il admire, dans ce peintre, la grace & la souplesse de la composition ; mais il condamne l’affectation de ces draperies volantes, qu’on ne doit jamais se permettre d’employer, à moins qu’elles ne soient autorisées par la vivacité des mouvemens. Il convient que ses têtes de femmes sont trop semblables entr’elles, qu’elles semblent toutes appartenir à une même famille, que pour leur donner une agréable rondeur, on leur a donné trop de largeur ; mais il ajoute que si elles ne sont pas belles, elles sont au moins charmantes, & que ce sont de ces physionomies irrégulières qui font naître le desir.

On voit que Mengs pensoit à peu-près de même sur Pierre de Cortone, mais sans avoir la même indulgence pour les défauts de ce peintre, indulgence d’autant plus dangereuse, que les jeunes artistes sont plus naturellement portés à adopter des défauts aimables, qui ressemblent à des beautés. Il le condamne de s’être moins appliqué à trouver & à bien rendre ce que le sujet rend nécessaire, ce qui doit contribuer à le bien exprimer, que ce qui peut être agréable à la vue, & d’avoir seulement songé à charger ses tableaux d’un grand nombre de figures bien grouppées, sans examiner si elles étoient nécessaires eu convenables au sujet, & si elles faisoient bien en effet ce qu’elles devoient faire. Les Grecs qui, pour ménager l’attention, mettoient tout au plus à la fois trois personnages en scène dans leurs tragédies, tâchoient, par le même principe, d’épargner le nombre des figures dans leurs tableaux, & de leur donner toute la perfection dont ils étoient capables. Il semble, au contraire, que Pietre de Cortone & ses imitateurs aient cherché à cacher leurs imperfections en multipliant les objets. C’est le défaut des peintres qu’on appelle à grandes machines, & qui se sont jettés dans le style théatral. Rapha ? l avoit prouvé, longtemps auparavant, qu’un esprit sage & réfléchi peut éviter cet écueil, même en multipliant le nombre des figures. On voit que, dans ses plus grandes ordonnances, il s’est toujours renfermé dans le style vrai qui est l’opposé du style théatral.

M. Cochin accusé le comte de Caylus & les amateurs rigoristes d’avoir cherché à établir l’opinion que Pietre de Cortone a perdu la peinture. Mais Mengs qu’on ne confondra point avec les amateurs, & qu’on ne peut refuser de reconnoître au moins pounun artiste très-distingué, & pour un homme qui pensoit avec justesse & profondeur, dit que le Cortone a renversé toutes les idées de l’art en Italie, en négligeant


l’étude des grands principes fondés sur la raison ; principes qui, jusques à son temps, avoient servi de fondemens à la peinture, & en se bornant uniquement à composer pour séduire les yeux des spectateurs.

On avouera d’ailleurs que ce peintre avoit une manière large & facile ; que ses ordonnances ont quelque chose d’imposant, & que si elles ne parlent point à l’esprit, elles offrent aux yeux un grand & pompeux spectacle ; que dans les mouvemens mensongers de ses draperies, il a de beaux jets de plis, quoique souvent ces plis soient trop ronds ; que son pinceau est mo ? lleux & facile ; que sa couleur est du moins flatteuse, si elle n’est pas toujours vraie, & qu’elle offre cette union agréable que les Italiens appellent vaghezza. En général son dessin n’est ni fort correct, ni d’un beau choix. Ses têtes manquent de noblesse ; souvent celles de femmes sont ingénieusement coeffées. Ses détails ont le plus souvent peu de finesse, & ses expressions toujours peu de force. Il peignoit très-bien à fresque, & donnoit à ce genre une vigueur presqu’égale à celle de la peinture à l’huite.

Entre les cinq tableaux de ce maître qui sont au cabinet du Roi, on distingue celui qui représente la. Vierge, l’enfant Jésus & Sainte-Catherine. C’est la même composition, & presque les mêmes figures que dans un autre tableau du même cabinet qui représente Ste. Marine, au lieu de Sainte-Catherine. Un rideau, sur un fond de paysage, sert à faire valoir les figures. Les têtes sont très-agréables, les carnations d’une grande fraîcheur, & le faire d’une grande manière.

Ce tableau a été gravé par Rousselet, & l’autre par Spiere. Corn. Bloemaert a gravé, d’après les peintures du palais Pîtti, Vulcain dans sa forge, & Minerve présidant à la culture des orangers.


(120) Jacques Stella, de l’école françoise, né à Lyon en 1596, eut pour père un peintre qui fut son maître, mais qu’il perdit des l’âge de neuf-ans. Le jeune homme étoit déja assez avancé pour n’avoit plus besoin d’autres maîtres & pour se perfectionner de lui-même. On ne voit pas du moins qu’il ait fréquenté aucune école, jusqu’à ce qu’il partit pour l’Italie à l’age de vingt ans. Dès son arrivée à Florence, il fut choisi par le G and Duc pour faire les dessins des fêtes que le Prince préparoit pour les noces de son fils. Stella eut une pension semblable à celle que le Grand-Duc donnoit au célèbre Callot ; ses dessins & les gravures qu’il en faisoit avoient aussi beaucoup de ressemblance avec les ouvrages de cet habile graveur. Mais Stella faisoit en même temps des tableaux, & quand,