Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/786

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
776 TER TER

TERRE d’ombre. La terre qu’on vend à Paris sous ce nom, est pesante, brune, ou d’un jaune noirâtre : c’est une argile ferrugineuse ; le fer y est enfermé sous la forme d’un safran de mars, semblable à celui qui est préparé à la rosée. Cette terre, exposée au feu dans un creuset, ne répand aucune odeur bitumineuse ; elle perd la quatriéme partie de son poids, & prend une couleur plus foncée. On l’appelle quelquefois brun de montagne & ochre brune. Dans la peinture à l’huile, elle s’écaille, elle change, & attire même les teintes voisines. Des artistes ont cru pouvoir prononcer qu’elle n’est bonne en ce genre de peinture, ni dans son état naturel, ni brulée. Leur sentiment est capable d’inspirer quelque défiance pour l’opinion de l’auteur du Traité de la peinture au pastel. En parlant des inconvéniens attribués à la terre d’ombre & à celle de Cologne, il prétend qu’ils doivent cesser lorsque ces terres ont passé par le feu. « Quel changement peuvent éprouver, dit-il, des substances échappées à la voracité de cet étément, si l’on excepte quelques chaux métalliques, promptes à se revivifier aux émanations du principe inflammable ?… Quand, ajoute-t’il, on aura soin, dans la peinture à l’huile, de bien purifier les couleurs, soit par l’eau, soit par le feu, suivant la nature des différentes substances, on n’éprouvera pas ces sortes d’inconvéniens. » Nous avons grand soin de recueillir les observations & les conseils de cet écrivain, qui paroît savant en chymie : mais nous croyons qu’ils doivent être soumis à l’expérience des artistes.

TERRE de Sienne, ou de Venise. Elle est de la classe des ochres brunes. « Elle est très-compacte, semblable dans sa cassure à la terre d’ombre, ou plutôt à la gomme-gutte, c’est-à-dire, luisante. Elle est de couleur canelle mordorée. Cette matiere a de l’apparence, & l’on en fait beaucoup d’usage dans la peinture à l’huile ; mais elle ne vaut rien, quoique fort chere. C’est du fer dissout par les acides minéraux, tel qu’en produisent les fabriques de vitriol. On croiroit, à la voir, qu’elle a beaucoup plus d’intensité que l’ochre brune : mais, outre qu’elle est bien moins solide, elle prend le même ton sous la molette, &, calcinée, elle devient beaucoup plus orangée. » Traité de la peinture au pastel.

TERRE de Vérone. C’est une chaux de cuivre. Sa couleur est verte. Elle ne doit, comme toutes les autres chaux de cuivre, être employée que par les peintres de bâtimens pour les ouvrages les plus grossiers.

TERRE d’Uzès ou de Cornillon. « Entre les minéraux propres à fournir le jaune, indépen-


damment des ochres, il se trouve dans le diecèse d’Uzès en Languedoc, tout près d’un endroit appellé Cornillon, une terre très-fine, d’un jaune citron, dont la couleur résiste au feu. Comment n’en-a-t’on pas mis dans le commerce ? Est-il si difficile de s’en procurer ? Peut-être n’auroit-elle pas de corps à l’huile ; mais au moins ce seroit une importante acquisition pour la fresque, le pastel, la détrempe, & la fayencerie. » Traité de la peinture au pastel.

TIRE-LIGNE. (subst. comp. masc.) Instrument utile pour tirer des lignes à la regle. Il est plus commode que la plume, & n’est pas sujet de même à faire à la regle des taches d’encre qui se communiquent au papier. Il est formé de deux platines de cuivre, minces, terminées en pointe, & qui s’appliquent l’une sur l’autre au moyen d’une vis. Vous le verrez représenté à la planche II. de la gravure en bois, fig. 33.

TOILE. (subst. fém.) De grands maîtres ont peint sur des toiles grossieres & lâches ; d’autres ont préféré des toiles fines & serrées. Chacun d’eux auroit donné de bonnes raisons de son choix, qui tenoit à sa maniere d’opérer. La toile, avant de recevoir le sujet dont elle sera couverte, doit être imprimée, c’est-à-dire, qu’elle doit être couverte de plusieurs couches de couleur. Voyez l’article Impression.

Toile. Maniere de transporter un vieux tableau sur une toile neuve. Lorsqu’un tableau peint sur toile s’écaille, se gerse ; lorsque cette toile est moisie & déchirée tellement que les bords ne peuvent plus tenir au chassis ; lorsqu’enfin le tableau est détendu, qu’il fait des bosses, qu’il a des trous & menace ruine, il est très-urgent de le remettre sur toile.

Quelques personnes, pour rendre la vieille toile & la couleur plus douces & moins rebelles, exposent pendant plusieurs jours le tableau à l’humidité d’une cave. Voici d’ailleurs la méthode qu’on suit le plus ordinairement. On colle sur le côté peint du tableau, du papier blanc avec un empois léger. Cette premiere opération est nécessaire pour que le tableau ne s’écaille pas dans les mouvemens & les frottemens qu’il doit éprouver. D’un autre côté, on a tendu sur un fort chassis à clef, une bonne toile neuve sur laquelle on couche très-également, avec une grosse brosse, de la colle bien cuite & faite avec de la farine de seigle & une gousse d’ail. On met une semblable couche de cette colle sur le derriere du tableau. Cela étant fait promptement, on pose le revers du tableau sur cette toile neuve. On le frotte avec un tampon de linge, que l’on appuie assez fortement, en partant toujours du centre & en faisant soutenir les coins du tableau.


Par