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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/80

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la vérité de son style, & par un air de simplicité qui séduit.

Mengs le met à peu-près au même rang que Pietre de Cortone ; ce n’est pas le compter au nombre des princes de l’art, mais c’est lui donner au moins un rang distingué. Il lui reproche de n’avoir pour ainsi dire, fait que des ébauches, en indiquant seulement les choses, sans leur donner un caractère décidé.

Un artiste d’un goût délicat, M. Cochin, le croit capable de donner aux peintres une utile leçon, & de leur apprendre l’art d’accorder & de rompre les ombres, pour donner au tableau le charme intéressant de l’harmonie. « On voit, dit-il, dans ses ouvrages, & dans ceux de Luc Giordano, un ton général d’ombre, qui est en quelque sorte toujours le même, mais plus ou moins visible, selon le degré de force de ces ombres. On y voit que le ton qui fait les ombres fortes, d’une draperie blanche, est le même que celui qui fait les ombres d’une draperie bleue ou rouge, &c. je ne parle pas, ajoute-t-il, de la partie ombrée qui reçoit des reflets ; car, dès qu’il peut y arriver des lumières, quoiqu’elles ne soient que de reflet ces ombres reflétées reprennent en partie leur couleur propre ; mais les enfoncemens entièrement privés sont les mêmes, quelles que soient les couleurs des objets. »

« Cette magie, clairement expliquée par les ouvrages de ces maîtres, se fait reconnoître, quoique moins sensiblement, dans les tableaux des autres dont l’accord paroît agréable & harmonieux. On apperçoit de là que ce principe a été connu de presque tous les peintres qu’on peut appeller peintres ; car je ne parle pas de ceux qui ne sont que dessinateurs. » « Cet examen conduit à remarquer combien d’autres peintres se sont peu doutés de cet effet de la nature, qui, bien connu, ajoute tout à l’art. Mais ce systême d’harmonie a été habilement employé par tous ceux qui se sont rendu célèbres comme coloristes, & particulièrement par les Vénitiens. »

Sacchi fit le voyage de Lombardie pour voir les ouvrages du Correge, mais il étoit alors trop avancé en âge pour pouvoir en profiter : il craignoit à son retour de ne plus revoir avec la même estime les ouvrages de Raphaël ; mais quand, dans les salles du Vatican, il revit le miracle de la messe, ouvrage de ce peintre : « je retrouve ici, dit-il, le Titien, le Correge, & de plus Rapha ? l. »

On regarde comme le chef-d’œuvre du Sacchi le tableau de Saint Romualde qu’il a peint dans l’église qui porte le nom de ce Saint. On admire comment il a détaché & dégradé six figures de camaldules toutes vêtues de blanc.


Ce peintre mourut à Rome en 1661, âgé de soixante & deux ans.

On voit deux de ses tableaux au Palais-Royal. L’un est un portement de croix ; l’autre représente Adam qui regarde expirer son fils Abel.

Le tableau de Saint Romualde a été gravé par Frey : Celui de la mort d’Abel par Fred. Hortemels.


(124) Antoine Van-Dyck, de l’école Flamande, naquit à Anvers en 1599. Son père, qui étoit peintre sur verre, lui donna les premiers principes du dessin, & le plaça ensuite chez Henri Van Balen qui avoit vu l’Italie & avoit étudié l’antique. Van-Dyck avoit déjà fait de grands progrès sous ce maître, quand il sollicita & obtint l’honneur d’être admis dans l’école de Rubens.

On raconte qu’en l’absence de ce maître, les élèves obtenoient d’un domestique de confiance la permission d’entrer dans le cabinet. Leur objet étoit d’étudier dans ses tableaux différemment avancés, sa manière d’ébaucher & de conduire ses ouvrages jusqu’au fini. Mais les jeux se mêlent toujours aux études de la jeunesse ; un jour, dans leur badinage, ces élèves se poussant mutuellement, l’un d’eux, on dit que c’étoit Diepenpeke, tomba sur un tableau dont Rubens venoit de finir des parties de chair : il effaça le bras d’une Magdeleine, la joue & le menton d’une Vierge. La consternation est dans l’école, chacun se croit déjà chassé & Rubens n’étoit pas un maître qu’on pût remplacer par un autre. Il restoit encore trois heures de jour : une voix s’eleve, & propose que le plus habile d’entr’eux tâche de réparer le dommage : tous applaudissent, tous choisissent unanimement Van-Dyck. Plus il craint la colère du maître, plus il fait d’efforts pour se montrer, s’il se peut, son égal. Le lendemain Rubens entre dans son cabinet accompagné de ses élèves : il regarde l’ouvrage qu’il croit avoir fait la veille, & s’arrêtant sur les parties réparées par Van-Dyck ; « ce n’est pas là, dit-il, ce que j’ai fait hier de moins bien. » Cependant en y regardant de plus près, il reconnoît sur son tableau le travail d’une main étrangère, & l’aveu qu’il obtient ajoute encore à l’idée qu’il s’étoit faite du talent de Van-Dyck.

On prétend qu’il devint jaloux de ce jeune peintre & lui conseilla d’abandonner l’histoire pour le portrait : d’autres disent que, pour l’éloigner, il lui conseilla de faire le voyage d’Italie. Mais on sait qu’il donnoit ce conseil à tous ses élèves d’une grande espérance : on sait aussi que Van-Dyck continua de peindre l’histoire long-temps après avoir quitté l’école de Rubens ; on sait que lorsqu’il partit pour l’Italie, il crut ne pouvoir mieux acquitter sa reconnoissance qu’en donnant à Rubens trois tableaux