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culture des terres : les empereurs Valens & Valentinien, instruits de ces désordres, les arrêtèrent par une loi qui condamne à un exil perpétuel & à la confiscation des biens, ceux qui oseront à l’avenir exercer cette tyrannie.

Henri III, Charles IX, Henri IV, se plurent à favoriser par des reglemens les habitans de la campagne, ils défendirent de saisir les meubles, les harnois, les instrumens & les bestiaux du laboureur. Louis XIII & Louis XIV ont confirmés ces reglemens.

Section troisième.


Des progrès de l’agriculture dans ces derniers temps.

C’est aux Anglois que nous devons les premiers progrès de la bonne agriculture. Les disettes, autrefois si fréquentes en Angleterre, montrèrent à ce peuple négociant & guerrier, que pour exécuter ses grands desseins de commerce, il falloit se procurer une subsistance indépendante de ses voisins. Après la longue guerre civile entre Charles I, & son parlement, l’Angleterre se trouvant épuisée, on travailla avec ardeur à réparer ces pertes par un commerce étendu ; & pour établir ce commerce, on le fonda sur une bonne culture. Les savans détruisirent des préjugés en introduisant de meilleurs méthodes. Le gouvernement établit une police favorable au cultivateur. C’est à cette époque que commencent la grandeur, la richesse & la puissance de l’Angleterre.

On sait qu’une récolte médiocre de ce pays fournit pour trois ans, & une bonne pour cinq, les productions nécessaires à ses habitans. L’Angleterre peut employer ainsi une infinité de bras dans les arts, dans les manufactures, dans ses armées & dans sa marine, sans crainte de manquer des choses de première nécessité. Cette crainte, si on en croit un écrivain moderne, arrête depuis un siècle la France au milieu de ses conquêtes : une disette actuelle ou prochaine la force à la paix. On sait quelle quantité immense de bled les Anglois fournissent depuis bien longtemps, à quelques-unes de nos provinces. Nous ne jouissons de cette ressource que durant la paix. Les disettes affoiblissent & dépeuplent l’Espagne : ces disettes sont produites par le découragement & la paresse du cultivateur.

Les Anglois creusoient dans cette mine féconde, & en tiroient des trésors depuis près d’un siècle, sans que les autres nations songeassent à les imiter. Il paroît que la dernière guerre pour la succession de la maison d’Autriche éveilla l’attention de l’Europe. Dans le cours de cette guerre on s’apperçut, que la force & la puissance d’un état ne dépendent point de cette vaine politique, qui, par des négociations frivoles, forme des alliances inutiles, peu sûres, & souvent rompues aussitôt que formées. On reconnut que pour se faire respecter de ses voisins, il falloit de l’argent & une bonne armée ; par conséquent un peuple riche & nombreux ; que les guerres, au lieu de porter sur le fondement fragile de la balance imaginaire de l’Europe, se combinent par les intérêts du commerce ; que si les états voisins défendent l’importation des produits de l’industrie d’un autre état, ce dernier se trouve réduit à rien, lorsque sa force n’est fondée que sur l’industrie, & sur le commerce d’économie.

La paix d’Aix-la-Chapelle fut à peine conclue, qu’on vit en Europe une fermentation générale. De bons esprits s’occuperent de l’histoire naturelle, afin de perfectionner les arts & l’agriculture. Le gouvernement les favorisa. Les Suédois qui habitent un pays stérile & ingrat, borné & gêné dans son commerce, font des efforts heureux pour corriger les défauts du climat du nord. Les mémoires de Stockholm seront un monument éternel de l’esprit patriotique des hommes les plus illustres de cette nation. Le Dannemarck imite la Suède. L’Allemagne retentit de projets économiques. Plusieurs de ses souverains établissent une police favorable à l’accroissement de la véritable richesse des états.

En France, on multiplie les expériences sur la culture ; & presque tout le monde s’y intéresse. Que ne doit-on pas attendre d’une nation industrieuse qui réussit dans tout ce qu’elle entreprend sur les arts ? L’Espagne malgré les préjugés de la religion, a appellé un savant, pour le mettre à la tête d’une nouvelle académie, destinée à cultiver l’histoire naturelle. Le roi de Sardaigne a envoyé des jeunes gens de famille noble pour s’instruire au fond de l’Allemagne. Le roi de Naples a chargé un Allemand du soin d’examiner les ressources naturelles de ses états. On a établi à Florence une académie d’agriculture, présidée par l’archevêque, & dont les membres sont les premiers nobles de la Toscane.

Les académies proposent pour sujet de leur prix des questions d’une utilité reconnue. Elles couronnent des pièces qui nous instruisent sur la culture des vignes, sur la nature de la laine, de la tourbe, sur les maladies du bled, &c.

En Allemagne, en Suède, on enseigne l’économie politique & rurale dans les universités ; & la jeunesse y jouit de l’avantage de rapporter, avec le fatras de l’érudition scolastique, au moins quelques connoissances utiles à la vie. Des officiers du roi de Suède ne croient point s’abbaisser en remplissant ces chaires.

L’Angleterre doit à ses écrivains, (& plusieurs de ces écrivains sont des hommes illustres par leurs emplois & par leur naissance,) le progrès des arts, de son industrie, de son commerce, & le prodigieux succès de son agriculture. Ses peuples lisent les écrits sérieux, les ouvrages qui n’ont que l’utilité publique pour objet, avec le même empressement, avec la même avidité qu’on