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Page:Encyclopédie méthodique - Economie politique, T01.djvu/44

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En donnant au commerce des réglemens qui l’embarrassent, l’administration contrarie les loix naturelles, & provoque les justes peines qui suivent leur infraction. Les prohibitions qu’elle porte contre le commerce des denrées, par exemple, ont un double effet également funeste ; car, d’un côté, le défaut de circulation éloigne les acheteurs, arrête l’émulation & le travail du laboureur découragé, jette les campagnes dans la langueur, & de l’autre éveille la cupidité du monopoleur avide & opulent, qui, trouvant le moyen d’éluder ces défenses & de les tourner même à son avantage, profite des entraves où elles font gémir le commerce pour accaparer les denrées qui en sont l’objet & pour les vendre ensuite à un prix excessif.

L’inégalité prodigieuse des fortunes contribue beaucoup aussi à faire naître les abus, dont l’accaparement n’est pas le moindre. Les fortunes excessives sont rares sous un gouvernement juste & modéré ; mais dans un pays dont le gouvernement aveugle respecte peu les propriétés, l’extrême opulence paroît souvent à côté de la plus grande misère ; car toutes deux se suivent & sont inséparables, & toutes deux sont enfans du désordre, quoique la richesse & la pauvreté, soient selon l’ordre de la nature. L’opulence seule peut tenter de mettre un pays sous les filets de l’accaparement, & ils ne réussissent bien qu’à la faveur de la misère.

Les effets de l’accaparement ne seroient pas si funestes, s’ils n’étoient augmentés & propagés par l’ignorance & les préjugés populaires, qui, tenant les esprits ouverts à tous les faux bruits répandus par le monopole, communiquent au loin l’émotion & l’épouvante, & rendent les manœuvres de l’accapareur plus fréquentes & plus sûres.

D’après ce que nous venons de dire, il est évident que, dans tout pays où les loix de l’ordre naturel sont respectées, on ne connoît point l’accaparement ; qu’il ne se montre que là où des loix positives erronées combattent les loix de la nature, & ou les gênes & les prohibitions arrêtant le commerce, donnent au monopole la facilité de s’introduire & de s’établir.

Voilà d’où vient cet abus dangereux qui paroît si redoutable, contre lequel on se récrie souvent, sans le bien connaître, & qu’on cherche à proscrire avec plus de chaleur que de précaution. L’accaparement mérite l’improbation de tout honnête homme & la haine du gouvernement ; mais, pour venir à bout de le détruire, il faut procéder autrement qu’on n’a fait jusqu’ici ; il faut l’attaquer avec plus de prudence, de crainte qu’averti des projets de destruction qu’on forme contre lui, il ne prenne des mesures & ne nous échappe.

On ne doit attaquer directement aucun abus, parce que, dans ce cas, il n’en est aucun qui n’intrigue & ne se replie pour esquiver le coup fatal, ou du moins pour l’affoiblir. Tant de gens tiennent de l’abus leurs richesses & leur crédit, que les abus trouvent un million de gens qui les protègent & les soutiennent. S’ils ne peuvent se garantir entiérement des poursuites de leurs ennemis, ils tentent de les séduire & de se rédimer ; enfin, fascinant quelquefois l’administration elle-même, ils soulèvent, ils fomentent le plus grand de tous les abus le monopole jurisdictionnel, & sa sœur la prévarication, sous la banière & l’autorité desquels ils se sauvent. C’est l’hidre de Lerne, dont les têtes coupées ne cessent de repousser.

Les causes de l’accaparement, connues & développées, nous indiquent suffisamment ce qu’il faut faire pour en opérer l’extirpation. Le mal venoit du renversement de l’ordre, des gênes dont on enveloppoit la propriété, des prohibitions portées contre le commerce ; le remède à cet abus, comme à tous les autres, est aussi simple qu’efficace. C’est la liberté, la pleine & entière liberté. (G)

ACCÉDER. Voyez le mot suivant.

ACCESSION, s. f. L’accession, dans le droit des gens, est un acte par lequel une puissance entre dans des engagemens contractés par d’autres puissances.

Après avoir conclu un traité de paix ou d’alliance, on s’apperçoit qu’il seroit avantageux pour les contractans d’y admettre encore telle ou telle puissance, & que cette puissance doit le desirer. On convient alors, par un des articles du traité même, qu’on invitera cette puissance à accéder au traité, & l’on fait les démarches nécessaires pour lui en faire agréer la proposition. Quelquefois l’un des contractants s’engage d’une manière formelle & par un article spécial, à faire accéder au traité telle puissance qu’il nomme, & c’est à lui de prendre les mesures nécessaires pour remplir cet engagement. D’autrefois on comprend purement & simplement, dans le traité, un prince, ou une république dont la conservation nous intéresse, qui est foible, qui court risque d’être opprimé par une force majeure, & qui sollicite notre secours. Aussi, lors des conférences pour une paix générale, voit-on beaucoup de princes & d’états agir auprès des principales puissances, de celles sur-tout qu’ils croient leur être favorables, & présenter des mémoires aux plénipotentiaires assemblés, afin d’être compris dans le traité.

Les accessions aux traités se négocient avec la même adresse que les traités. Les contractans ont soin de présenter le côté avantageux de l’accession à celui qu’ils veulent porter à entrer dans leurs engagemens ; celui-ci balance les avantages & les inconvéniens, & souvent, pour accorder son accession avec ses intérêts particuliers, il y joint des réserves, des protestations, des conditions, telles qu’il les juge convenables à ses vues. Le bien général de la paix & l’équilibre des forces exigent des sacrifices ; le bien particulier veut des dédommagemens.