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peut être un manque d’égards, une marque de mépris, un outrage même, s’il n’est appuyé de bonnes raisons, mais ce n’est pas une infraction du droit des gens.

Les causes qui font recuser un ambassadeur ou autre envoyé, peuvent se rapporter 1o. à celui qui envoie ; 2o. à la personne de l’envoyé ; 3o. à l’objet de sa mission. On refuse quelquefois d’admettre un ministre qui vient de la part d’un ennemi ou d’un prince dont on a sujet de se plaindre. Le sénat romain renvoya les ambassadeurs de Tarquin, après que ce prince eut été chassé de Rome ; les hollandois ne voulurent recevoir aucun ministre du roi d’Espagne, avant qu’il eût reconnu leur état pour une république libre & indépendante. Un homme noté publiquement d’infamie, un aventurier, un fourbe célèbre par des impostures publiques, un ministre qui vient protester contre les droits & les entreprises du souverain vers lequel il est envoyé, ou qui est chargé de lui faire quelque proposition odieuse, tendant à le brouiller avec ses alliés, ou de fomenter quelque sédition dans l’état, comme le marquis de Bedmar, ambassadeur d’Espagne à Venise, mérite de n’être pas admis, ou d’être renvoyé dès son arrivée sur les frontières.

Du reste, comme le refus d’admettre un ministre est une sorte d’outrage à celui qui l’envoie, le prince qui le refuse a besoin d’une cause grave & légitime, pour n’être pas accusé de violer, sinon le droit des gens, au moins les bienséances & les égards que les souverains & les peuples se doivent les uns aux autres.

Un souverain peut-il refuser de reconnoître le caractère d’un ministre public après l’avoir admis ? Les contradictions ne sont pas plus rares entre les souverains dans les affaires politiques, qu’entre les particuliers dans les évenemens ordinaires de la vie. Vers la fin du dernier siècle, dom Bernardo de Quiros fut envoyé par la cour de Madrid auprès des États-Généraux, en qualité d’ambassadeur extraordinaire. Son admission fut privée, parce que le pensionnaire à qui il montra ses lettres de créance, lui dit honnêtement que son caractère étant assez connu des États-Généraux par les dépêches reçues des ministres d’Espagne, il n’avoit pas besoin de délivrer publiquement ses lettres de créance. Dom Bernardo de Quiros les garda donc sans les présenter ; mais il communiqua, en sa qualité d’ambassadeur, avec les ministres des États-Généraux. Quelques mois après, les procédés de la cour de Madrid contre le sieur Schonenberg, ministre des hollandois, déterminèrent les États-Généraux à prononcer une interdiction contre dom Bernardo de Quiros, c’est-à-dire, à lui déclarer qu’on ne recevroit aucun mémoire de lui, jusqu’à ce que sa cour eût réparé sa faute. Malgré cette déclaration, il continua à négocier toutes les affaires qui se présentèrent ; il fournis des mémoires non signés, il est vrai, auxquels on fit réponse ; il conféra souvent avec le pensionnaire & le président, &c. En 1699, époque où l’on s’occupa du traité de partage de la succession d’Espagne, le roi ayant écrit à dom Bernardo de Quiros de présenter à ce sujet un mémoire aux États-généraux, il alla trouver le président de semaine, qui avoit ordre des États-Généraux de refuser le mémoire, sous prétexte des procédés violens de la cour de Madrid contre le sieur Schonenberg. Les États-Généraux autorisèrent la conduite du président de semaine, & M. de Quiros se plaignit avec justice de ce que, par l’énoncé de leur résolution, ils sembloient le regarder comme n’ayant point encore été admis ni reconnu en qualité de ministre du roi catholique ; il prouva très-bien que son admission avoit eu une notoriété suffisante. Les lecteurs curieux trouveront les détails de cette dispute dans le Dictionnaire de M. Robinet, article Admission.

Voyez, pour ce qui regarde le cérémonial de l’admission publique & solemnelle, les mots Audience, Entrée, Lettres de créance.

ADOPTION, s. f. c’est un acte autorisé par la loi, & qui donne le droit de choisir quelqu’un d’une famille étrangère pour le traiter comme son propre enfant. Le Dictionnaire de Jurispr. traite cette matière ; mais comme il ne parle pas de l’adoption dans les familles souveraines, nous en dirons ici quelques mots.

Les souverains ont donné dans les derniers siècles des exemples d’une adoption plus ou moins ressemblante à l’ancienne.

Jeanne première, reine de Sicile & de Naples, comtesse de Provence, adopta en 1382 Louis de France, duc d’Anjou, fils du roi Jean I & frère de Charles V, au détriment de son neveu Alphonse, roi d’Arragon, qu’elle avoit auparavant adopté, & qu’elle rejetta alors pour cause d’ingratitude.

Louis d’Anjou, petit-fils de celui dont nous venons de parler, fut adopté en 1425 par Jeanne II, reine de Sicile ; ce prince étant mort, Jeanne II fit, dix ans après, un autre testament en faveur de René, duc d’Anjou, pour lors prisonnier de Philippe, duc de Bourgogne. Le même René d’Anjou, devenu comte de Guise, eut le duché de Bar & le marquisat de Pont-à-Mousson, parce que Louis, cardinal & duc de Bar, l’adopta & l’institua son héritier, à charge de porter son nom & ses armes.

Henri ou Éric, duc de Poméranie, fut adopté par Marguerite, reine de Danemarck, de Suéde & de Norwege. Cette adoption est célèbre dans le nord. Voyez Union de Calmar.

On lit dans Guichardin que François-Marie de la Rovere, duc d’Urbin, fils de Jean, frère du pape Jules III, ne succéda à ce duché, en 1508, que parce qu’il fut adopté par Gui-Balde son on-