nature du terrein lui suggèrent pour en tirer le plus grand produit possible. On ne doit point favoriser le monopole dans la culture des biens-fonds ; car il est préjudiciable au revenu général de la nation. Le préjugé qui porte à favoriser l’abondance des denrées de premier besoin, préférablement aux autres productions, au préjudice de la valeur vénale des unes ou des autres, est inspiré par des vues courtes qui ne s’étendent pas jusqu’aux effets du commerce extérieur réciproque, qui pourvoit à tout, & qui décide du prix des denrées que chaque nation peut cultiver avec le plus de profit. Après les richesses d’exploitation de la culture, ce sont les revenus et l’impôt qui sont les richesses de premier besoin dans un état, pour défendre les sujets contre la disctte & contre l’ennemi, & pour soutenir la gloire & la puissance du monarque & la prospérité de la nation.
Des vues particulières avoient fait croire pendant un temps qu’il falloit restreindre en France la culture des vignes pour augmenter la culture du bled, dans le temps même où le commerce extérieur du bled étoit prohibé, où la communication même du commerce des grains entre les provinces du royaume étoit empêchée, où la plus grande partie des terres étoit en friche, parce que la culture du bled y étoit limitée à la consommation de l’intérieur de chaque province du royaume ; & où la destruction des vignes augmentoit de plus en plus les friches. Des provinces éloignées de la capitale étoient d’ailleurs obligées de faire des représentations pour s’opposer à l’accroissement de la culture des grains, qui faute de débit tomboient dans leur pays en non-valeur ; ce qui causoit la ruine des propriétaires & des fermiers, & anéantissoit l’impôt dont les terres étoient chargées. Tout conspirait donc à la dégradation des deux principales cultures du royaume, & à détruire de plus en plus la valeur des biens fonds ; une partie des propriétaires des terres, au préjudice des autres, tendoit au privilège exclusif de la culture : funestes effets des prohibitions & des empêchemens du commerce des productions des biens fonds, dans un royaume où les provinces se communiquent par les rivières & les mers, où la capitale & toutes les autres villes peuvent être facilement approvisionnées des productions de toutes les parties du territoire, & où la facilité de l’exportation assure le débouché de l’excédent.
La culture des vignes est la plus riche culture du royaume de France, car le produit net d’un arpent de vignes, évalué du fort au foible, est environ le triple de celui du meilleur arpent de terre cultivé en grains. Encore doit on remarquer que les frais compris dans le produit total de l’une & de l’autre culture, sont plus avantageux dans la culture des vignes que dans la culture des grains ; parce que dans la culture des vignes, les frais fournissent, avec profit, beaucoup plus de salaires pour les hommes, & parce que la dépense pour les échalas & les tonneaux est à l’avantage du débit des bois, & que les hommes occupés à la culture des vignes, n’y sont pas employés dans le temps de la moisson, où ils sont alors d’une grande ressource aux laboureurs pour la récolte des grains. D’ailleurs cette classe d’hommes payés de leurs travaux par la terre, en devenant fort nombreuse, augmente le débit des bleds & des vins, & en soutient la valeur vénale à mesure que la culture s’étend & que l’accroissement de la culture augmente les richesses : car l’augmentation des richesses augmente la population dans toutes les classes d’hommes d’une nation, & cette augmentation de population soutient de toutes parts la valeur vénale des produits de la culture.
On doit faire attention que la facilité du commerce extérieur des denrées du crû délivrées d’impositions onéreuses, est un grand avantage pour une nation qui a un grand territoire, où elle peut varier la culture pour en obtenir différentes productions de bonne valeur ; sur-tout celles qui ne peuvent pas naître chez les nations voisines. La vente du vin & des eaux-de-vie à l’étranger étant pour nous un commerce privilégié, que nous devons à notre territoire & à notre climat, il doit spécialement être protégé par le gouvernement ; ainsi il ne doit pas être assujetti à des impositions multipliées en pure perte pour l’impôt, & trop préjudiciables au débit des productions qui sont l’objet d’un grand commerce extérieur, capable de soutenir l’opulence du royaume : l’impôt doit être pur & simple, assigné sur le sol qui produit ces richesses ; & dans la compensation de l’imposition générale, on doit avoir égard à celles dont il faut assurer, par un prix favorable, le débit chez l’étranger ; car alors l’état est bien dédommagé de la modération de l’impôt sur ces parties, par l’influence avantageuse de ce commerce sur toutes les autres sources de richesses du royaume.
En quoi consiste la prospérité d’une nation agricole ? En de grandes avances pour perpétuer et accroître les revenus et