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ADM

à ce nouvel ordre d’administration, il en est beaucoup d’autres que j’omets ; c’en seroit un que de multiplier les moyens en crédit en procurant à d’autres provinces la faculté d’emprunter ; c’en seroit un plus grand que d’attacher davantage les propriétaires dans leurs provinces, en leur y ménageant quelqu’occupation publique dont ils se crussent honorés : cette petite part à l’administration, releveroit le patriotisme abattu & porteroit vers le bien de l’état une réunion de lumieres & d’activité dont on éprouveroit le plus grand effet ; c’en seroit un essentiel encore que d’inspirer à chaque ordre de la société une confiance plus directe dans la justice & la bonté du monarque ; c’est ce qu’on éprouve dans les pays d’état : au lieu que dans une généralité d’élection où un intendant paroît bien plus un vice-roi qu’un lien entre le souverain & les sujets, on est entraîné à porter ses regards & ses espérances vers les parlemens, qui deviennent ainsi dans l’opinion les protecteur du peuple.

Enfin, comme il est généralement connu que l’administration des pays d’élection & la forme actuelle des impositions inspirent aux étrangers une sorte du frayeur plus ou moins fondée, tout projet d’amélioration attireroit en France de nouveaux habitans, & deviendroit sous ce rapport seul une nouvelle source de richesses.

Il est tems d’examiner les raisonnemens qu’on peut opposer aux opinions que nous venons de développer. Ne dira-t-on point d’abord que c’est diminuer l’autorité que de confier la répartition des impôts à une administration municipale ? Il est aisé, ce me semble, de lever un pareil doute.

L’autorité royale repose sur des bases inaltérables, & ne consiste point à se montrer dans tous les détails ; elle existe également & même dans un plus grand éclat, lorsque par un arrangement sage, & par une premiere impulsion dont elle fait maintenir les effets, elle se dispense d’agir sans cesse.

C’est le pouvoir d’imposer qui constitue essentiellement la grandeur souveraine ; mais la répartition des impôts & tant d’autres parties d’exécution ne sont que des émanations de la confiance du monarque : n’importe en quelles mains il ait déposé cette confiance ; seulement ceux de ses sujets qui peuvent le mieux y répondre, rappellent davantage aux peuples la surveillance d’un bon roi.

Cette confusion continuelle entre l’exercice journalier & l’autorité même, est une source d’inconvéniens ; & le grand art de tous les administrateurs subalternes est d’entretenir cette confusion : car ils voudroient que le respect à leurs commandemens les plus arbitraires, fût un des plus grands intérêts de la royauté : mais à combien d’embarras ce systême n’entraîne-t-il pas l’administration ? Un ministre surchargé de détails, auxquels il ne peut faire une longue attention sans arrêter la marche des affaires, doit nécessairement être entraîné rapidement par les rapports qui lui sont faits ; il ordonne, il permet, il approuve sans un examen suffisant ; l’autorité engagée, on veut la soutenir, & on le fait d’autant plus facilement, que dans les premiers momens d’opposition on espere qu’avec un arrêt du conseil on terminera tout : mais la résistance, la réunion des corps se forment & entraînent à des difficultés sérieuses. On trouve alors que les dispositions que l’on vouloit maintenir, ne sont plus d’une importance proportionnée à la peine & au bruit qu’occasionnent des actes répétés d’autorité ; on temporise, on hésite, on foiblit, & le ministre lui-même, qui peut avoir passé le but en commençant, mais qui craint d’exposer sa propre stabilité, est le premier à conseiller la condescendance.

Je ne dis pas qu’il faille tout soutenir, puisque ce seroit prendre des engagemens, & causer bien des méprises ; mais pour éviter de compromettre si souvent l’autorité, il ne faudroit pas être jaloux de l’exercer sans cesse : on s’épuise à la déployer inutilement, & l’on manque de force dans les occasions où il est important de la maintenir.

Toutes les discussions avec les parlemens & les cours des aides pour les vingtiemes & la capitation, la taille & les corvées, cesseroient par l’effet d’une administration différente. Eh, que fait au roi, que fait à sa grandeur, qu’un commissaire départi, qu’un subdélégué ou un collecteur répartissent en son nom les diverses contributions ? Dès qu’une fois la quantité en est déterminée, quand les impôts sont au comble, les meilleurs ministres des finances, secondés des intendans les plus habiles & les mieux intentionnés, ne sauroient prévenir les plaintes & les murmures. Comment peut-on aimer la gloire du roi, &, s’il m’est permis de le dire, comment peut-on jouir de son bonheur & desirer qu’il soit par-tout ordonnateur & garant des détails les plus durs & les plus rigoureux ? comment peut-on se plaire à faire bruit de ses ordres pour mettre garnison chez un contribuable, pour vendre ses meubles & même son grabat ? Si de tristes contraintes ne peuvent être évitées sous aucune espece d’administration, ne seroit-il pas trop heureux qu’elles se fissent sur le commandement des représentans de la province, & que le nom de votre majesté toujours chéri, ne fût entendu que pour la commisération & la clémence ; qu’intermédiaire entre ses états & ses peuples, son autorité ne parût que pour marquer les limites entre la rigueur & la justice ?

Ce n’est pas seulement au cœur sensible de votre majesté que je présente ces considérations, c’est encore au maître du royaume, c’est au souverain d’une nation vive & éclairée, où l’amour & la confiance rendront toujours l’exercice de l’autorité plus facile.

On prétendra peut-être encore qu’en établissant une administration provinciale, sous quelque forme que ce fût, ce seroit diminuer les ressources de la finance & mettre des bornes à la faculté d’imposer. On établiroit pour premiere condition, que le nouveau pays d’administration paieroit précisément