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AVERTISSEMENT.

Sous ce triple point de vue, le Dictionnaire des Finances devient très-étendu. Il ne doit plus être borné, comma dans la premiere édition de l’Encyclopédie, à un petit nombre d’articles propres à expliquer quelques opérations publiques, à faire connoître la forme & l’effet de certaines impositions, ou enfin à définir

    millions de revenus établis sur les droits de traite ; elle se seroit vue forcée de les sacrifier, & alors de diminuer sa puissance de tous les efforts que solde ce revenu, ou de voir fuir en France presque tout le commerce sur lequel ce revenu même est fondé ; car, de deux Etats aussi voisins l’un de l’autre, celui qui voudroit s’obstiner à lever soixante-douze millions sur le commerce, tandis que l’autre ne lui demanderoit rien, doit s’attendre à voir le commerce presque entier passer du côté de la franchise. »

    Il est difficile de concevoir comment s’opéreroit cette insigne révolution. Dans l’état actuel des choses, où la prohibition absolue & le danger de l’enfreindre, s’opposent à l’introduction des draperies & étoffes angloises de laine ; il en entre en France une assez grande quantité pour nuire à nos manufactures, & pour exciter les plaintes des manufacturiers. Cependant leur valeur est renchérie de plus de dix pour cent par les frais d’assurance & d’un transport clandestin. Quel seroit le débordement de ces étoffes, si les portes du royaume leur étoient ouvertes ? que deviendroient nos fabriques d’étoffes, de bonneterie, & les millions de bras qu’elles emploient ? Cependant les matieres premieres dont elles se servent, ne paient aucun droits ; les objets de leur fabrique sont également francs à l’exportation ; &, malgré ces deux grands moyens pour que nos étoffes entrent en concurrence avec les étoffes angloises, celles-ci, par leur supériorité & par la modicité de leur prix, obtiennent non-seulement de plus grands débouchés, mais même la préférence en France sur les étoffes nationales. Les ouvrages d’acier & de cuir sont dans le même cas.

    D’un autre côté, nos vins de Bourgogne, de Champagne, de Bordeaux, & autres, de premiere qualité ; nos huiles s’enlevent malgré les droits qu’ils paient ; il n’en reste chaque année que la quantité nécessaire à notre consommation : que produiront de plus leur affranchissement absolu, sinon une perte pour les revenus de l’Etat, & un bénéfice pour le propriétaire, au profit duquel tourneroit la nullité des droits, car la valeur de la denrée n’en seroit pas diminuée ?

    Concluons de ces faits, que des circonstances locales, de bénignes influences du climat, des faveurs de la nature & du sol, attachent à certaines nations des avantages qu’on tenteroit en vain de leur enlever ; mais qu’il est prudent de se garantir à un certain point de cette supériorité, pour tâcher de faire valoir la concurrence qu’on peut espérer d’acquérir dans le même genre.

    Ce seroit assurément le trait le plus sublime d’une politique éclairée, que de sacrifier dix-neuf millions pour en faire perdre soixante-douze à une puissance rivale & souvent ennemie. Mais les spéculations & les raisonnemens des écrivains qui conseillent ce sacrifice, ne sont-ils pas démentis par l’évidence & par leurs propres allégations ?

    Si l’Angleterre, malgré les soixante-douze millions qu’elle leve sur le commerce, est la nation de l’Europe dont le commerce est le plus considérable & le plus animé ; comment se fait-il que la France, qui ne leve que dix-neuf millions sur son commerce ; où le sol & l’industrie varient davantage les objets d’un grand trafic ; dont la population est plus que le double, n’attire pas à elle le