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DISCOURS

roi son père, lui succéda en 1364. Tous les anciens impôts furent continués ; on y ajouta même encore le fouage ou la taille, fixée à raison de quatre livres par feu, dans les villes, & d’un franc & demi dans les campagnes. Ce mot de feu servoit à désigner chaque partie d’une étendue quelconque, de façon que chaque feu sujet à une certaine imposition fixée, pouvoit embrasser une ou deux lieues dans certains cantons, & trois ou quatre lieues dans un autre, suivant leurs produits respectifs.

On rapporte que le monarque laissa à sa mort, arrivée le 16 septembre 1380, des trésors évalués à dix-sept millions de livres. L’argent ne valoit plus que cinq livres neuf sols le marc, & l’or, soixante-deux livres cinq sols ; & l’on prétend que le jour même de sa mort, il signa une ordonnance qui supprimoit une grande partie des impôts qu’il avoit un peu forcés.

Sous le nouveau règne de Charles VI, dont l’esprit aliéné permettoit tout à ses oncles & à son épouse, les maximes anciennes furent anéanties ; les États-généraux ne furent plus consultés ; la taille fut imposée à discrétion dans tout le royaume ; la confusion s’introduisit dans toutes les affaires. La taille, qui jusques-là avoit porté différens noms, reçut celui de taille, par la déclaration donnée à Avignon le 28 janvier 1389.

Les commencemens de ce règne furent marqués par deux séditions violentes, causées par les impôts. Ceux qui portoient sur les comestibles, & qui auroient dû finir avec la guerre, furent continués, sous le prétexte de chasser les Anglois de l’Anjou & de la Touraine.

Le duc d’Anjou, régent du royaume, avoit arrêté le tarif de l’imposition sur les menues denrées vendues dans les marchés ; c’est-à-dire, les fruits, les herbages, les légumes, les œufs, le beurre, les fromages, & en avoit donné la perception moyennant une somme considérable. Un percepteur fondé sur ce tarif, demande un denier à une herbiere qui entroit à Paris. Cette femme refuse & conteste. On veut confisquer sa marchandise. Elle jette des cris qui sonnent le tocsin parmi le peuple. Dans un instant tout Paris est en émeute, & le peuple entre en fureur. Dans leur premier mouvement, les séditieux marchent à l’hôtel-de-ville, & en enfoncent les portes. Il s’y trouve trois à quatre mille maillets de fer destinés pour les gens de guerre. Ces furieux s’en saisissent, poursuivent les fermiers, receveurs & préposés à la perception de l’impôt, jusqu’au pied des autels, pillent leurs maisons, & les abattent ; se portent aux prisons, en brisent les portes, & font sortir les criminels. C’est de là que cette sédition reçut le nom des Maillotins.

On parvint à appaiser les révoltés par la douceur, & en promettant une amnistie. Le régent en fit excepter ceux qui avoient forcé les prisons. Sous ce prétexte, le prévôt de Paris en fit arrêter un grand nombre, qui fut jeté la nuit dans la rivière à diverses fois, parce qu’on n’osoit pas faire exécuter publiquement tant de coupables.

Malgré cette rigueur, à laquelle on ajouta celle de faire occuper la ville par des gens de guerre mis à discrétion, les Parisiens ne voulurent pas consentir au rétablissement de l’impôt qui les avoit révoltés. Cette affaire se termina par la voie des négociations, & la ville paya cent mille livres pour toutes choses.

La sédition de la Harelle à Rouen eut le même principe, & prit sa source dans le marché. La populace furieuse se créa un roi qu’elle promena en triomphe par la ville, & le contraignit de prononcer l’abolition de l’impôt sur les menues denrées. Le roi s’étant rendu à Rouen, en fit abattre une porte, pour entrer par la brèche. Le peuple fut désarmé. Des séditieux, les uns furent punis de mort, les autres assujettis à des taxes considérables, & l’impôt fut rétabli. Selon Pline, liv. 19, ch. 14, un semblable impôt sur les petites denrées dont le trafic occupe le menu peuple, avoit de même causé à Rome une émeute si violente, qu’on ne l’avoit