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DISCOURS

règle de vérité, de tout écouter, de tout examiner dans lui-même, & surtout de ne rien ajouter à ce que son sens intime lui révéloit. Par-là il fit sentir le vide de toutes les assertions présomptueuses ; il donna aux notions les plus abstraites la certitude des choses senties ; il fit connoître les bornes nécessaires de notre compréhension, & en même-temps il nous apprit l’art de la conduire dans les études les plus difficiles. Enfin, l’un par la Philosophie expérimentale, l’autre, par la méthode analytique, ont rectifié & assuré la marche des sciences, donné à l’esprit humain une plus grande aptitude aux découvertes, & une sauve-garde contre les erreurs.

Il est naturel aux écoles publiques de résister à tout ce qui est nouveau. Si par-là elles arrêtent le cours de certaines erreurs, elles retardent aussi bien des vérités. Au moment où ces deux grands hommes parurent, Aristote étoit détrôné dans nos Universités ; mais Descartes s’étoit établi à sa place, & il s’y maintenoit avec toute la vigueur d’une conquête récente. Mais si Newton & Loke ne purent pénétrer de long-temps dans les écoles, ils partagèrent d’abord les Académies, & ils gagnèrent bientôt les esprits du premier ordre, ceux qui étoient faits pour entraîner leur siècle, après eux. On vit s’élever tout-à-la-fois, en Angleterre & en France, une nombreuse génération de grands écrivains dignes de recevoir & d’accroître l’heureuse lumière qui venoit de se répandre sur les sciences. Je ne puis m’arrêter ici qu’aux métaphysiciens, & je nomme avec joie, à la tête de ceux-ci, un écrivain de notre nation, & avec d’autant plus de zèle, qu’il n’a pas encore toute l’estime qu’il mérite ; soit que, toujours frivoles au milieu de nos connoissances, nous sachions peu admirer des talens tout fondés sur la raison, soit qu’il faille en chaque genre avoir ouvert une carrière, pour recevoir toute la gloire de nos travaux. Telle est cependant déja la réputation de M. l’abbé de Condillac, que tout le monde entend que c’est de lui que je parle. Dans ses nombreux ouvrages, il a encore uni plus intimément l’art d’observer l’entendement à celui de le diriger ; en reprenant tous les principes de Loke, il les a corrigés, éclaircis, étendus ; il y a ajouté un grand nombre de vérités non moins utiles ; toujours fidèle à ce grand principe qu’il a porté jusqu’à la dernière évidence, que toutes nos pensées ont commencé par une sensation, il en a tiré une méthode avec laquelle il ne peut rien entrer dans notre esprit que nous ne puissions démêler avec la plus grande netteté ; la perfection avec laquelle il pratique cette excellente méthode, dont il doit être regardé comme l’in-