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BEAU, adj. (Métaphysique.) Avant que d’entrer dans la recherche difficile de l’origine du beau, je remarquerai d’abord, avec rous les auteurs qui en ont écrit, que par une sorte de fatalité, les choses dont on parle le plus parmi les hommes, sont assez ordinairement celles qu’on connoît le moins ; & que telle est entre beaucoup d’autres, la nature du beau. Tout le monde raisonne du beau : on l'admire dans les ouvrages de la nature : on l'exige dans les productions des arts : on accorde ou Ton refuse cette qualité à tout moment ; cependant si Ton demande aux hommes du goût le plus sûr Sc le plus exquis quelle est son origine, sa nature, sa notion précise, sa véritable idée, son exacte définition ; si c’est quelque chose d’absolu ou de relatif ; s’il y a un beau estentiel, éternel, immuable, règle 8e modèle du beau subalterne ; ou s’il en est de la beauté comme des modes, on voiti auffi-tôt les scntimens partagés ; les uns avouent leur ignorance’, les autres se jettent dans le scepticisme. Comment se fait-ilque presque tous ks hommes soient d’accord qu’il y a un beau ; qu’il y en ait, tant entr’eux qui le sentent vivement où il est, Sèquesi peu sachent ce que c’est ?
Pour parvenir, s’il est possible, à la solution de ces difficultés, nous commencerons par exposer les différens scntimens des auteurs qui ont écrit le mieux fur le beau, nous proposerons ensuite nos idées fur le même sujet, Se nous finirons cet article par des observations générales fur Tentendement humain Se ses opérations relatives à la question dont il s’agit. Platon a écrit deux dialogues du beau, k Phèdre Sc k grand Hippias : dans celui —ci, il enseigne plutôt ce que le beau n’est pas que ce qu’il est ; &, dans l’autre, il parle moins du beau que de Tamour naturel qu’on a pour lui. II ne s’agit, dans le grand Hippias que de confondre la vanité d’un sophiste ; Se, dans le Phèdre, que de passer quelques momens agréables avec un ami dans un lieu délicieux. S, Augustin avoit composé un traité sur le beau : mais cet ouvrage est perdu, Se il ne nous reste de S. Augustin, fur cet objet important, que quelques idées éparscs dans ses écrits, par lesquelles on voit que ce rappcrt exact des parties d’un tout entr’elles, qui le constitue un, étoit, selon lui, le caractère distinctifde la beauté. Si je demande à un architecte, dit ce grand homme, pourquoi ayant élevé une arcade à une des ailes de son bâtiment, il en fait autant à l’autre, il me répondra fana doute que c’est afin que les membres de son architecture symmétriscnt bien ensemble. Mais pourquoi cette symmétrie vous paraît-elle ;’ nécessaire ? Par la raison qu’elle plaît. Mais qui êtes-vous pour vous ériger en arbitre de ce qui doit plaire ou ne pas plaire aux hommes ? Se d’où savez-vous que lasymmétrie nous plaît ? J’en suis sûr, parce que les choses ainsi disposées ont : de la décence, de la justesse, de la grâce ; en un mot, parce que cela est beau. Fort bien : mais, dites moi, cela est — il beau parce qu’il plaît ? ou cela plaît il parce qu’il est beauì Sans difficulté cela plaît, parce qu’il est beau. Je le crois comme vous : maïs je vous demande encore pourquoi cela est-il beau ? Se si ma question vous embarrasse, parce qu’en effet les maîtres de votre art ne vont guères jusques là, vous conviendrez du moins sons peine que la simili-’tude, , Tégalité, la convenance des parties de votre bâtiment, réduit tout à une espèce d’unité qui contente la raison. C’est ce que je voulois dire. Oui, prenez-y garde, il n’y a point de vraieunité dans les corps, puisqu’ils sont tous composés d’un nombre innombrable de parties, dont chacune est encore composée d’une infinité d’autres. Où la voyez-vous donc cette unité qui vous dirige dans la construction de votre dessein ; cette Unité que vous regardez dans votre art comme une loi inviolable ; cette unité que votre édifice doit imiter pour être beau, mais que rien fur la terre ne peut imiter parfaitement, puisque rien sur la terre ne peut être parfaitement un ? Ordelà que s’ensuit-il ? ne faut-il pas reconnoître qu’il y a au-dessus de nos esprits une certaine unité originale, souveraine, éternelle, parfaite, qui est la règle essentielle du beau, tk que vous cher » chez dans la pratique de votre art ? D’où saint Augustin conclut, dans un autre ouvrage, que c’est Tunité qui constitue , pour ainsi dire, la forme 8e l’essence du beau en tout genre. Omnis porrò pulchrhudinis forma, unitas est. M. Wolf dit, dans sa Pfycologìe, qu’il y a des choses qui nous plaisent, d’autres qui nous déplaisent ; Se que cette différence est ce qui constitue le beau tk le laid : que ce qui nous plaît s’appelle beau, Se que ce qui nous déplaît est laid/ _ II ajoute, que la beauté consiste dans la perfection, de manière que par la force de cette perfection, la chosc qui en est revêtue est propre à produire en nous du plaisir. II distingue ensuite deux sortes de beautés, la vraie Se Tapparente : la vraie est celle qui naît d’une perfection réelle ; Se Tapparente, celle qui naît d’une perfection apparente.