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CAUSE, s. f. (Métaphysiq.) En voyant -tous les jours changer, les choses, 8e en considérant qu’elles ont eu un commencement, nous acquérons Tidée de ce qu’on nomme cause Se effet. La cause est tout ce par Tefficace de quoi une chose est ; Se effet, tout çe qui est par Tefficace d’une cause. Toute cause, par cela même qu’elle produit un effet, peut être appellée efficiente : mais , comme il y a différentes manières de produire un effet’,

on distingue diverses sortes de causes. II y

a des causes physiques , des causes morales «8e des causes instrumentales, J’appelle causes physiques , toutes celles qui produisent immédiatement par elles-mêmes leur effet. Je nomme causes morales , celles qui ne* le produisent que dépendammeJit d’une cause physique, de laquelle il émane immédiatement. Les causes instrumentales ont cela deicommun avec les causes morales , qu’elles ne 1 produisent pas par elfes-mêmes leur effet , mais seulement par Tinterventioi ? d’une cause physique ; 8e c’est pourquoi on donne aux unes Se aux autres le nom de causes occasionnelles : mais ce qui met entr’elles beaucoup de différence , c’est que si les premières ne sont que causes morales dans les effets qu’elles produisent occasionnellement, du moins elles sont causes physiques de Teffet par lequel elles deviennent causes occasionnelles d’un autre effet ; au lieu que les causes purement instrumentales , n’étant douées, d’aucune force ni d’aucune activiré , demeurent toujours renfermées dans la sphère des causes purement occasionnelles : telle est, par exemple , la matière qui d^elle-mêrae est brute , insensible 8c inactive. II n’en est pas de même des esprits, dont la nature est d’être actifs, tk par conséquent d’être causes physiques- : si mon ame n’est que cause occasionnelle des divers mouvemens qu’elle fait naître dans Tame de ceux avec qui je m’entretiens, du moins elle est cause physique de ses déterminations par- ticulières.

’C'est ici le lieu d’examiner de quelle manière l’ame agit fur le corps : est-elle cause physique , ou n est-elle que cause occasionnelle de divers mouvemens qu’elle lui imprime ? Ici les scntimens des philosophes sont partagés ; 8c Ton peut dire que , dans cette question , les derniers efforts de la philosophie pourraient bien s’épuiser inutilement pour la résoudre. Le système de L’H A-RMONIE 2RÉÉTABUE , dont M. Léibnitz est auteur, tranche tout d’un coup la difficulté : ; c’est dommage que ce système détruise la liberté , 8e qu’il rende douteuse Texistence ,du monde corporel. Lé système ancien de Tinstuence réelle de Tame sur le corps , détruit par Descartes 8e par Mallebranche son fidèle disciple , se trouve remis en honneur par le puissant appui’que lui prêtent aujourd’hui les philosophes anglois. Dieu, selon ce système, a renfermé Tefficace qu’il communique à Tame en la créant, dans les bornes du corps organisé auquel il Tunit ; ion pouvoir est limité à cette petite portion de matière, 8e même elle n’en jouit qu’avec certaines restrictions qui sont. les loix de Tunion. Ce système moins subtil , moins raffiné que celui des causes occasionnelles , plaît d’autant plus à la plupart des esprits, qu’il s’accorde assez bien avec le sentiment naturel , qui admet dans Tame une efficace réelle pour mouvoir la matière : mais ce fystême qu’on nous donne ici , sous le nom radouci de sentiment naturel, ne scroit-il point plutôt Teffet du préjugé ? En effet, ce pouvoir d’un esprit fini sur la matière , certe influence qu’on lui suppose sur une substance si dissemblable à la sienne , Se qui natutellement est indépendanre de lui, est quelque chose de bien obscur. Les esprits étant des substances actives , 8e ayant incontestablement le pouvoir de sc mouvoir ou de sc modifier eux-mêmes, il est fans-doute plus raisonnable de leur attribuer une pareille influence sur la matière , que d’attribuer à la matière , être passif 8c incapable d’agir sur lui-même , un vrai pouvoir d’agir sur Tesprit, 8c de la modifier. Mais cela même que je viens d’observer, est un fâcheux inconvénient pour ce fystême ; il ne peut dès-lors être vrai qu’à moitié. S’il explique en’ quelque sorte comment le corps obéit aux volontés de Tame par ses mouvemens, il .n’explique point comment Tame obéit fidèlement à son tour aux impressions du corps : il rend raison de faction ; il n’en rend aucune de la sensation. Sur ce dernier point, on est réduit à recourir aux causes occasionnelles , & à Topération immédiate de Dieu’sur Tame. Qu’en coûte-t-il d’y avoir aussi recours pour expliquer Tefficace des désirs de Tame ? le fystême entier n’en sera que plus simple tk mieux assorti-Ce fystême, dit-on, n’est nullement philosophique , parce qu’il remonte droit à la première cauje ; Se que, fans apporter de raisons naturelles des phénomènes qui nous embarrassent, il donne d’abord la volonté de Dieu pour tout dénoùeirrent. Autant nous en apprendra , dit-on , Thomme le plus ignorant, s’il est consulté ; car qui ne sait que la volonté divine est la première cause de tout ? Mais c’est une cause universelle : or ce n’est pas de cette cause qu’il s’agit. On demande d’un philosophe qu’il assigne la cause particulière de chaque effet. Jamais objection ne fut plus méprisable.