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LANGAGE, s. m. Du langage i’a0ion. Les "gestes, lès mouvemens du visage 8c lies accens inarticulés,, voilà lés premiers moyens que les hommes ont eus pour se communiquer leurs pensées. Le langage qUj se forme avec ces signes se nomme langage d’action. Par le ? gestes, j’entends les mouvemens du bras, de la tête , du corps entier, qui s’éloigne ou s’approche d’un objet, «Sctoutes les attitudes que nous prenonsj’suivant les impressions qui passent jusqu’à Faîne. Le defir, le refus, le dégoût, Faversion, Sec. font exprimés parles mouvemens du bras, de la - têteôc par ceux de tout le corps ; mouvemens plus ou moins vifs, suivant Ia vivacité avec laquelle nous nous portons vers un objet, ou nous nous en éloignons
Tofs les sentimens de l’ame peuvent être exprimés par les attitudes-du corps. Elles peignent d’une manière sensible Tindifférence, Tincertitude , I’irrésolution , Tattention , la crainte ôc le désir confondus ensemble, le combat des passions tour-à-tour supérieures les unes aux autres, la confiance , la jouissance tranqui’.leôc la jouissance inquiette . le plaisir ôc la douleur , le chagrin ôc la joie , l’espérance Ôc le désespoir, la haine , Famour, la :olère, &c. Mais Télégance de ce langage est dans les mouvemens du visage, «Scprincipalement dans ceux des yeux Ces mouvemens finissent un tablesu que les attitudes n’ont fait que dégrossir ; ôc ils expriment les passions avec toutes les modifications dont elles sont susceptibles. Ce langage ne parle qu’aux yeux. II seroit donc souvent inutile ; si , par des cris, on n’appclloit pas les regards de ceux à qui Ton veut fiire connoîtrefa pensée. Ces cris sont les accens de la nature : ils varient suivant les sentimens dont nous sommes affectés ; «Sc on les nomme inarticulés , parce qu’ils se forment dans la bouche , fans être frappés ni avec la langue ni avec les lèpres. Quoique capables’de faire une vive impression sur ceux qtii les entendent , ils n’ex’ riment ceperdant nos sentimens que d’une marière impa«fyitc ; car ils n’en font connoître ni la csuse, ni ! objet, ni les modifications ; mais il* invitent à remarquer lés gestes &les.mouvemens du visage ; ôc le concours 3é ces signes achève d’expliquer ce qui n’étoit «qu’indiqué par ces accens inarticulés -Si vous réfléchissez fur les signes dont se forme le langage d’aclun ., vous rec’onnpitrez q’i'i ! ’est uneTuitéde la conformation des OTganes ; 8c vous conclurez qùeplusil y a de différence xteris la conformation des animaux, plusilyenadans leur langage d’action ; 8c que-par conséquent ils ont auffiplus de peine à s’entendre. Ceux dont la conformation est tout-à -fait différente, sont dans í’impuissance de se communiquer leurs sentimens. Le plus grand commerce d’idées est entre ceux qui étant d’une même espèce, sont conformés de Ia même manière.
Ce langage est naturel à tous les individus d’une même espèce ; cependant tous ont besoin de Tapprendre. II leur est naturel, parce que si un homme qui n’a pas l’ufage de la paro’e , montre d’un geste l’objet dont il a besoin, «Scexprime par d’autres mouvemens le désir que cet objet fait naître en lui , c’est , comme nous venons de le remarquer, en conséquence de la conformation. Mais si cet homme n’avoit pas observé ce. que son corps fait en pareil cas, il n’auroit pas appris à reconnoître le désir dans les mouvemens d’un autre. Il ne comprendroit donc pas le sens des mouvemens qu’on seroit devant lui : il ne seroit donc pas capable d’en fuire à dessein de semblables , pour se faire entendre lui même. Ce langage n’est donc pas si naturel qu’on se s.chc sms Ta voir appris. L’erreut où vous pouviez-tomber àce sujet, vient de ce qu’on est poité à croire qu’on n’a appris que ce dont on se souvient d’avoir fait une étude. IVL .is a«’oir appris n’est autre chose que savoir dans un temps ce qu’on ne íavoit pas auparavant. En effet, qu’en conséquence de votre confotmation , les circonstance, seules vous aient instruit de ce que vous ne saviez pas , ou que vous vous soyez instruit vous même , parce que vous avez étudié à dessein , c’est toujours apprendre. Puisque le Lngage d’action est une suite de îa conformation de nos organes, nous n’en avons pas choisi ses premiers signes. C’est la nature qui nous les a donnés : mais en nous ses donnant, elle nous a mis fur la voie pour en imaginer nous - mêmes. Nous pourrions par conséquent rendre toutes nos pensées avec des gestes , comme nous-les rendons avec des mots ; ôc ce langage seroit formé de signes naturels ôc de lignes artificiels. " Remarquez bien que je dis des signes artisir ciels , & que je ne dis pas des signes arbirraires ; rar il ne scudroit pas confondre ces deux choses. En effet-, qu’est-ce q’ie des signes arbitraires ? Des signes choies fans raison ôt par caprice. Ils ne seroient donc pas entendus.- Au contraire,des signes artificiels sont des signes dont le choix efê fondé en raison : ils doivent être imaginés avec