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en rappelle d'autres avec lesquels il a quelque rapport ; ces derniers rappellent les idées auxquelles ils sont liés ; ces idées retracent d'autres signes ou d'autres idées, & ainsi successivement.

Je suppose que quelqu'un me fait une difficulté à laquelle je ne sais dans le moment de quelle manière satisfaire. Il est certain que, si elle n'est pas solide, elle doit elle-même m'indiquer ma réponse. Je m'applique donc à en considérer toutes les parties, & j'en trouve qui étant liées avec quelques-unes des idées qui entrent dans la solution que je cherche, ne manquent pas de les réveiller. Celles-ci, par l'étroite liaison qu'elles ont avec les autres, les retracent successivement, & je vois enfin tout ce que j'ai à répondre.

D'autres exemples se présentent en quantité à ceux qui voudront remarquer ce qui arrive dans les cercles. Avec quelque rapidité que la conversation change de sujet, celui qui conserve son sang-froid, & qui connoît un peu le caractère de ceux qui parlent, voit toujours par quelle liaison d'idées on passe d'une matière à une autre. J'ai donc droit de conclure que le pouvoir de réveiller nos perceptions, leurs noms & leurs circonstances, vient uniquement de la liaison que l'attention à mise entre ces choses & les besoins auxquels elles se rapportent. Détruisez cette liaison, vous détruisez l'imagination & la mémoire.

Le pouvoir de lier nos idées a ses inconvéniens


comme ses avantages. Pour les faire apperçevoîr sensiblement, je suppose deux hommes ; l'un chez qui les idées n'ont jamais pu se lier ; l'autre chez qui elles se lient avec tant de facilité & tant de force, qu'il n'est plus le maître de les séparer. Le premier seroit sans imagination & sans mémoire, il seroit absolument incapable de réflexion, ce seroit un imbécile. Le second auroit trop de mémoire & trop d'imagination ; il auroit à peine l'exercice de la réflexion, ce seroit un fou. Entre ces deux excès on pourroit supposer un milieu où le trop d'imagination & de mémoire ne nuirait pas à la solidité de l'esprit, & le trop peu ne nuirait pas à ses agrémens. Peut-être ce milieu est-il si difficile, que les plus grands génies ne s'y sont encore trouvés qu'à peu près. Selon que différens esprits s'en écartent, & tendent vers les extrémités opposées, ils ont des qualités plus ou moins incompatibles, puisqu'elles doivent plus ou moins participer aux extrémités qui s'excluent tout-à-fait. Ainsi ceux qui se rapprochent de l'extrémité où l'imagination & la mémoire perdent à proportion des qualités qui rendent un esprit juste, conséquent & méthodique ; & ceux qui se rapprochent de l'autre extrémité, perdent dans la même proportion des qualités qui concourent à l'agrément. Les premiers écrivent avec plus de grâce, les autres avec plus de suite & de profondeur. Lisez l'essai sur l'origine des connoissances humaines, d'où ces réflexions sont tirées.




FIN du premier Volume.







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