guerre & l’esclavage, ils ne savoient leur inspirer le respect pour eux-mêmes, & cet orgueil national donc ils faisoient un si puissant mobile qu’en leur inspirant le mépris pour les peuples voisins, leur humanité s’arrêtoit aux limites de leur patrie ; telles sont les vertus qu’on nous oppose aujoutd’hui pour confondre notre, foiblesse & pour détruire notre espoir.
Nos législateurs, bien loin d’associer des préjugés aux principes de notre régénération, bien loin de fonder l’empire des mœurs sur des préjugés que le temps combat chaque jour, ou rend chaque jour plus dangereux, ont voulu avant de nous donner des loix nous offrir des vérités simples & naturelles sur lesquelles elles doivent être fondées. Chaque jour le temps & l’impulsion donnés à notre génie nous conduisent à la découverte d’autres vérités qui, en simplifiant nos loix, réagiront puissamment sur nos mœurs. L’entreprise la plus vaine eût été de vouloir épurer ses mœurs par une impression subite, c’étoit assez de réparer avec sagesse tout ce que le despotisme y entretenoit de vicieux & d’y substituer tout ce que la liberté doit y produire de noble & de touchant.
Dès que l’intérêt commun est devenu la loi d’un grand empire, ce puissant mobile assure le perfectionnement des mœurs : n’avons nous pas vu d’ailleurs que ce tableau de notre corruption étoit exagéré, la révolution n’a t-elle pas développé quelque vertu, n’a t-elle pas développé l’heureuse émulation d’en avoir ? Quel présage pour nos mœurs que celui des sacrifices que chaque citoyen a fait à l’intérêt commun, que cette patience ferme & tranquille avec laquelle le peuple attend aujourd’hui les prix de ses sacrifices ! n’est ce pas se rapprocher des déclamations les plus viles & les plus injurieuses que de voir le fondement de la révolution ailleurs que dans cette puissance morale qui a fait voir à chaque citoyen un plus grand bonheur pour lui, & sur-tout pour sa postérité sous l’empire de l’égalité des loïx & des vertus qui la protègent ?
Je sais que la liberté développe elle-même d’autres passions, que le vice y trouve d’autres ressources, que l’hypocrisie du bien public est un voile qui peut couvrir l’ambition & les moyens les plus coupables. La Philosophie ne sera puissante pour combattre ces nouveaux excès que lorsque l’expérience les aura fait sentir d’une manière cruelle. La surveillance des nations, qui viennent de conquérir leur liberté ne se porte ordinairement que vers les tyrans qu’elles ont désarmés & qu’elles sont accoutumées de craindre ; mais il suffit que le principe de cette surveillance existe pour qu’elle se dirige naturellement vers tous les excès qui menacent la liberté, la paix & la morale publique. De grands philosophes n’ont voulu reconnoître les mœurs que dans cette pureté & cette simplicité primitive dont tout le mérite est dans une profonde ignorance ; on ne reporte pas les nations vers ce premier degré de la société, mais on peut leur imposer une tâche bien plus noble, on peut leur inspirer des vertus. Il n’est de vertu que dans la connoissance