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SUR L’OBJET DE LA MORALE.


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L’OBJET de la Morale est l’étude de nos devoirs, nous avons deux guides dans cette étude, le sentiment & la réflexion, ils ne peuvent être séparés, ils se servent d'appui l'un à l’autre.

Nos devoirs ont pour objet notre bonheur uni à celui de nos semblables, le sentiment nous inspire des dispositions qui nous portent naturellement à ce but, la réflexion nous les fait connoitre & nous apprend à les déveloper.

Mais nous avons également en nous-mêmes des dispositions contraires à ce but, la réflexion nous apprend à les combattre.

Les penchans qui nous portent à remplir nos devoirs ont avec eux des délices pures & une paix constante qui nous les font aisément distinguer. Ils paroissent plus naturels à notre ame, parce que ce sont eux qu'elle aime le plus à se rappeller & dont elle conserve le plus volontiers le sentiment.

Les penchans contraires sont presque tous accompagnés ou suivis d'un trouble qui nous les rend insupportables, & qui nous porte à les repousser. Nos penchans sont donc plus puissants pour nous conduire à nos devoirs que pour nous en écarter, voilà pourquoi il nous est avantageux & nécessaire de consulter le sentiment dans cette étude.

La réunion du sentiment & de la réflexion dévelope en nous de nouvelles facultés.

L'expérience est fondée sur l’un & l'autre, puisqu'elle consiste à nous rendre compte avec ordre & méthode de ce que nous avons senti.


La conscience est également fondée sur ces deux appuis, elle est le dépôt des vérités que nous avons recueillies par le secours de l'une & de l'autre ; tels font les moyens qui sont en nous-mêmes pour l'étude de nos devoirs, mais nous ne connoîtrions que tard toutes les vérités morales, si nous ne joignions à notre expérience celle des autres. Ce moyen doubie nos facultés. La seule conduite des hommes nous offre des faits sur lesquels notre raison peut s'exercer, mais presque toujours ils nous font connoitre eux-mêmes les réflexions qu'ils en ont tirées» & alors ce secours facilite encore plus notre jugement ; quelquefois ils nous les donnent comme préceptes & quelquefois comme instruction, suivant l'importance qu'ils y attachent & l'autorité qu'ils ont sur nous.

Ces préceptes & ces instructions n'ont d'utilité qu'autant qu'ils se rapportent à notre propre sentiment & à nos propres réflexions.

La considération & les motifs les moins purs nous les donnent souvent. Il y a un égal danger soit à s'y soumettre aveuglément, soit à les contredire, si on ne le fait pas en rentrant dans son cœur, & en consultant sa raison. Ils peuvent donc être de nouveaux obstacles à la connoissance de nos devoirs, ils peuvent nous en imposer de faux ou troubler l'ordre de ceux qui nous sont réellement imposés.

Il nous est plus difficile de combattre nos préjugés que nos penchants, nous pouvons toujours opposer à des penchants funestes, d'autres plus heureux, que la nature a gravés en nous avec plus de force. Mais à des préceptes qui asservissent notre volonté avant d'éclairer notre jugement, à des instructions