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Page:Encyclopédie méthodique - Manufactures, T2, Sup.djvu/13

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iv*
NOTICE RAISONNÉE.

Le commerce, réduit aux denrées, sans les manufactures, perdroit sa très-grande extension & la plus grande partie de ses profits : il en dépend, à un tel point, qu’il n’est pas de commerçant qui ne doive considérer le manufacturier, le fabricant, comme un enfant sa mere nourrice. En traitant des manufactures, il m’étoit donc comme impossible de ne rien dire du commerce. J’ai dû considérer les entraves communes aux deux objets, & nuisant également à leurs progrès toujours mutuels : soit que ces entraves résultassent d’une jurisprudence fautive, soit qu’elles fissent partie les abus qu’entraînent les passions des hommes dans une situation donnée. J’ai quelquefois dépeint le commerçant, tel que me l’ont fait connoître l’observation & l’expérience de quarante années, tel que le rendent, parmi nous, l’esprit exclusif des corporations, l’amour du gain, essentiel à son état, & toujours égoïste, avilissant, quand il n’est balancé par aucune sorte d’esprit public.

Je dois une exception éclatante, & je la fais avec transport aux commerçants de Grenoble, qui, dans leur réponse imprimée, aux juges-consuls de Montauban, Clermont-Ferrand, Châlons, Orléans, Tours, Besançon, Dunkerque, Saint-Quentin, à la chambre de commerce de Picardie, de Saint-Malo & de Lille en Flandre, viennent de montrer toute la sagesse & tout le patriotisme qu’on peut attendre d’hommes éclairés & vertueux. Invités à se joindre aux commerçants des lieux dénommés, pour solliciter le privilege d’envoyer des députés particuliers aux états-généraux, ils s’y refusent, & donnent leurs raisons avec cette supériorité de lumieres, cette étendue de vues & ces sentiments généreux qui caractérisent le citoyen.

    suspendre absolument leur fabrique, d’interrompre entierement leur commerce, ont spéculé que rendant moins & moins cher, pour se conformer aux circonstances, peu gagner, moins perdre, ou ne se pas ruiner, ils devoient moins fabriquer, moins expédier, & faire ouvrer les matieres, comme ils les avoient achetées, à prix défendu. Il valoit beaucoup mieux, en effet, pour eux sans doute, mais aussi pour le public, & sur-tout pour les ouvriers, les faire travailler aussi, à un prix modique, que de ne les point faire travailler du tout.
    Le travail n’équivaut-il pas à de la marchandise ? Ne doit-il pas se mettre également à prix ? Et pourquoi, celui qui a le plus de facultés corporelles ou intellectuelles, ne gagneroit-il pas plus qu’un autre ; & tout homme, plutôt plus un jour qu’un autre jour ? Que diroient ces clabaudeurs, si on prétendoit leur prescrire de vendre leurs étoffes de soie, leurs toiles, leurs draps, tel ou tel prix, plutôt que tel autre ? L’alarme seroit dans la ville : le feu seroit aux quartiers des Terreaux & de St. Nizier.
    Il est donc clair comme le jour, 1°. que les marchands fabricants qui ont fait travailler à prix défendu, ont suivi le cours des choses ; qu’ils ont agi suivant le droit naturel & positif, & qu’on n’a aucun reproche à leur faire à cet égard : 2°. Que ceux qui se sont aheurtés à payer les façons à un taux déterminé, ont fait un très-grand mal, non en ce qu’ils ont donné, pour telles choses, plus d’argent que les circonstances ne permettoient à leurs confreres d’en donner pour les mêmes choses, mais parce qu’ils s’en sont vantés, parce qu’ils ont prétendu s’en faire un mérite, parce qu’ils s’en sont autorisés pour blâmer leurs confreres, pour jeter sur eux un ridicule infamant, parce qu’ils ont, en cela même, aliéné l’esprit des ouvriers, ce qui n’a pas peu contribué à les induire à la révolte.