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10°. Il est plus difficile de supporter ce qui cause de la douleur, que de s’abstenir de ce qui donne du plaisir.

11°. Le caractère distinctif de l’injure & des actions innocentes, c’est le volontaire & l’involontaire. Lorsque l’on fait du mal à autrui contre toute attente, c’est un malheur : si l’on a pu le prévoir en quelque manière, en sorte pourtant que l’on agisse sans mauvais dessein, c’est alorsbune faute.

12°. L’amitié est une bienveillance mutuelle par laquelle on se veut du bien l’un à l’autre, & l’on se le témoigne réciproquement. Elle a pour fondement ou l’utilité ou le plaisir ou la vertu. Mais la dernière est ce qui forme une solide & parfaite amitié, laquelle ne se trouve qu’entre les gens de bien, au lieu que l’intérêt & le plaisir peuvent produire quelque union entre les méchans.

13°. La bienveillance n’est pas, à proprement parler, l’amitié mais elle y conduit, & en quelque façone elle l’ébauche, &c. &c.

De la méthode d’Aristote.

Il ne faut pas s’étonner si la méthode de Platon est si diverse & si peu certaine : parce que sa première maxime étant de ne rien assurer & de douter de tout il ne doit pas avoir de principes, n’ayant rien à établir.

Aristote fut le premier des disciples de Platon, avec Xénocrate, qui abandonna cette manière de douter pour s’éclaircir des choses en les approfondissant il se fit une méthode plus simple, & tout ensemble plus certaine que n’étoit celle de Platon parce qu’il établit des principes. Le premier de ses principes est qu’il y a une science contre le sentiment de Platon qui n’en admet point[1], n’estimant rien de certain dans la nature : ce dernier suppose en effet que l’esprit de l’homme s’obscurcit dans le corps en y entrant, comme une lumière s’eteint dans la boue ; que cette connoissance qu’a l’esprit de toutes choses par la noblesse de son extraction divine & immortelle, se perd tout-à-fait par le commerce de la matière : qu’ainsi la science qui lui vient par l’usage & l’expérience des choses n’est pas une véritable science, ce n’est qu’une réminiscence toute pure, comme l’explique Plotin. (Voyez l’art. Académiciens.)

Aristote est d’un sentiment contraire ; il croit que l’âme n’a d’elle-même aucun principe de connoissance quand elle s’unit au corps : qu’elle n’acquiert de connoissance que par les sens, qui sont comme autant de méssagers établis pour lui rendre compte de ce qui se passe hors d’elle ; que de ces connoissances particulières, qui lui viennentpar le ministère des sens, elle se forme d’elle-même par l’opération de son entendement, des connoissances universelles, certaines évidentes qui sont la science.

Ainsi la première méthode d’Aristote est tout-à-fait opposée à celle de Platon. Car Platon prétend que pour parvenir à la connoissance des choses il faut commencer par les universelles, & puis descendre aux particulières & Aristote veut que de[2] la connoissance des choses particulières & sensibles, on monte a la connoissance des choses générales & immatérielles : étant persuadé de ce principe, qu’il tient pour indubitable[3] que rien ne peut entrer dans l’esprit que par les sens : car l’homme étant fait comme il est, il ne peut juger des choses sensibles avec quelque certitude, autrement que par les sens.

La maxime de Platon est de faire connoître les choses par les idées qui en sont comme les premiers originaux ; celle d’Aristote est de les taire connoître par les effets qui sont les expressions & les copies de ces idées. L’ordre que Platon établit, est celui de la nature qui se suit elle-même, procédant de la cause aux effets : celui d’Aristote est l’ordre de la connoissance de l’esprit, qui ne va à la cause que par l’effet.

Voilà sa première méthode, qu’il avoit prise de cet Archytas qui fut disciple de Pythagore, & qu’Archytas avoit prise de Dexippus. Ce Dexippus dans l’ordre des catégories dont il avott dressé le premier plan, mettoit la substance à la tête des autres catégories comme la plus matérielle & la plus sensible. Mais parce que cette connoissance des choses univertelles, formée par la connoissance des particulières a un principe fautif & sujet à l’erreur, qui est le sens : Aristote cherche le moyen de rectifier ce principe, en le rendant infaillible, par le moyen de son organe universel.

B b 2
  1. In Platonis nihil affirmatur : quaeritur de omnibus, nihil certi dicitur. Cic. acad. quaest. lib. I. Utrique Platonis ubertate pleni certam disciplinae formulam composuerant ; illam autem Socraticam de omnibus rebus, nulla affirmatione adhibita consuetudinem diffrendi reliquerunt. Cic. acad. quaest.
  2. Aristoteles ad sensibilia traduxit, quae Pythagorici de numeris & substantiis intelligibilibus dixere. Bessar. Card. in calum. lib. 2. cap. 4.
  3. Nihil est in intellectu quod non fuerit prius in sensu. Ex Aver. text. in Arist. lib. I. post anal. cap. 13.