Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p1, A-B.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

204 ARI ARI

est toujours d’une égale force dans tous ses raisonnemens, & dans toutes ses réflexions. La raison, toute univerfelle qu’elle est, a ses bornes en de certains fujets, & l’on ne peut aller au-delà de ces bornes, qu’on n’aille trop loin ».

Un des plus excellens esprits que l’on puisse citer dans rhiftoire des faences& dont les ouvrages mieux apréciés dans ce siècle, qu’à l’époque où ils ont paru, ont fort accéléré les progrès de la raison, a fait à la Physique d’Aristote des reproches beaucoup plus graves, & a même indiqué la source la plus féconde des erreurs de ce philosophe. On, peut même dire à la louange de l’habile moderne dont je parle, que le côté particulier par lequel il attaque cette ancienne Physique est un de ceux dont la foiblesse ne pouvoit etre sentie que par un esprit aussi pénétrant que le sien.

« Il y a, dit-il, dans la Physique d’Aristote, plusieurs questions très-sublimes, qu’il pousse & qu’il éclaircit en grand maître ; mais enfin, le gros, le total de cet ouvrage, ne vaut rien, infelix operis summa. La principale source de ce défaut est qu’Aristote abandonna le chemin des plus excellens physiciens qui eussent philosophé avant lui. Ils avoient cru que les changemens qui arrivent dans la nature ne sont qu’un nouvel arrangement des particules de la matière : ils n’avoient point admis de gênération proprement dite. Ce fut un dogme qu’il rejetta ; & par cette rejection il fut dérouté. Il fallut qu’il enseignât, qu’il se produit de nouveaux êtres, & qu’il s’en perd : il les distingua de la matière, il leur donna des noms inconnus ; il affirma ou il supposa des choses dont il n’avoit aucune idée distincte. Or il est aussi impossible de bien philosopher sans l’évidence des idèes, que de bien naviguer sans voir l’étoile polaire, ou sans avoir une boussole. C’est perdre la tramontane que d’abandonner cette évidence ; c’en imiter un voyageur, qui dans un pays inconnu se déferoit de son guide ; c’est vouloir rôder de nuit sans chandelle dans une maison dont on ignore les êtres. Chacun fait le nombre infini. de formes & de facultés distinctes de la substance, que les sectateurs d’Aristote ont introduites : il leur avoit ouvert ce chemin d’égarement ; & si dans le dix-septième siècle la Physique a reparu avec quelque lustre, ce n’a été que par la restauration des anciens principes qu’il avoit quittés ; ce n’a été que par la culture de l’évidence ; c’est enfin parce que l’on a exclu de la doctrine des générations ce grand nombre d’entités dont notre esprit n’a aucune idée, & que l’on s’est attaché à la figure, au mouvement & à la situation, des particules de la matière, toutes choses que l’on conçoit clairement & distinctement.

Je ne dirai rien ici du livre des couleurs, du traité de la physionomie, des questions méchaniques, de ses problêmes, du livre des plantes, des deux livres de la génération & de la corruption, du livre du monde qu’il composa pour Alexandre, & de plusieurs autres traités qui n’ont ni la même importance, ni la même utilité : je laisse à part ces divers opuscules, dont plusieurs même ne paroissent pas être d’Aristote, pour parler avec quelque étendue du meilleur de ses ouvrages, c’est-à-dire de son histoire des animaux.

De l’histoire des animaux d’Aristote.

Parmi les livres d’Aristote sur l’histoire naturelle, on peut en distinguer de deux classes ; les uns où il se contente d’écrire ce qu’il avoit vu ou appris, de dire ce qui est ; les autres où il éxplique les faits qu’il a constatés. Les premiers de ces ouvrages ne contiennent que les faits ; les autres en contiennent les causes ; c’est la partie sytématique de l’histoire naturelle. Les neuf livres auxquels Aristote a donné le titre d’histoire, sont entiérement du premier genre ; ceux des parties des animaux, de leur genération, &c, sont de la seconde classe. Les livres de l’histoire sont donc ceux qu’il faut lire. les premiers, ainsi que Gesner le conseille : non-seulement parce qu’ils ont été composés les premiers, parmi ceux qui nous restent, mais de plus parce que la raison demande que les faits soient parfaitement connus avant d’entreprendre d’en expliquer les causes.

Le plan de l’histoire des animaux est grand & vaste. Ce sont tous les animaux, hommes, quadrupèdes, poissons, amphibies, oiseaux, insectes qu’Aristote rassemble sous les yeux de son lecteur. Il ne considère point chacun de ses animaux ou séparément ou dans des classes dans lesquelles il les ait rangés ; le règne animal entier n’est pour lui qu’un point unique. C’est l’animal en général dont il fait l’histoire ; & s’il rapporte telle observation particuliére à tel. ou tel animal, ce n’est que, ou pour servir de preuve à une proposition générale qu’il a avancée, ou pour justifier une exception dont il avertit. Ainsi Aristote voulant faire connoitre la nature des animaux, se propose d’abord l’examen des parties de leur corps, comme le premier objet qui frappe la vue ; & après avoir donné des définitions générales de ces parties, après avoir distingué différentes espèces parmi les animaux à raison de la variété de leurs formes extérieures, il expose dans les quatre premiers livres tous les détails des parties de leur corps.