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PRÉLIMINAIRE

poétique & très-exaltée du disciple de Socrate. Pour moi, moins prévenu en faveur de la physique de ce philosophe, & sur-tout moins disposé à lui attribuer légèrement une des plus belles inventions du siècle dernier, j’ai examiné avec la plus sévère attention l’original du passage sur lequel on fonde cet étrange paradoxe, j’en ai cherché le vrai sens dans ce qui le précède & ce qui le suit ; & je crois pouvoir assurer que Platon n’a pas dit un mot de ce qu’on lui fait dire ; il est même presque aussi ridicule de supposer que cette théorie des forces centripetes & centrifuges est renfermée dans le texte qu’on cite, que de la voir dans tout autre passage du Timée. Avouons la vérité ; une idée aussi lumineuse, aussi féconde ne se trouve pas isolée, solitaire dans la tête de l’inventeur ; elle n’y est pas arrivée brusquement, & pour ainsi dire, à son insçu ; il a au moins une partie de celles auxquelles cette idée correspond, & qui ont pu l’y conduire. Si Platon avoit eu celle des deux forces qui composent le mouvement curviligne des planètes, il en auroit nécessairement eu beaucoup d’autres plus ou moins liées à cette idée mère, & qui sont, pour ainsi dire, de son département. Mais ce n’est pas ici le lieu de traiter ce[1] sujet. Ce que nous venons de dire pour réfuter l’assertion précédente, & particulièrement celles de M. Dutens, qu’on peut regarder comme un ennemi secret de la raison[2], suffit dans un discours préliminaire, où il s’agit moins d’approfondir les matières que de donner un apperçu général de son travail, & de celui des savans qui ont parcouru la même carrière.

Une autre conséquence qu’on peut tirer de ces réflexions, c’est qu’une histoire critique de

  1. Voyez Mémoires historiques & philosophiques, pour servir à la vie & aux ouvrages de Diderot : j’examine & je réfute dans un des paragraphes de ces mémoires l’opinion de ceux qui prétendent que les plus grandes découvertes dans les sciences & dans les arts sont dues au hasard.
  2. J’ai fait voir dans une note sur les questions naturelles de Sénèque (L. 2, c. 33, note 2), que M. Dutens s’étoit trompé en prétendant que les anciens avoient eu la connoissance des barres électriques pour soutirer le tonnerre ; j’aurois pu prouver avec la même évidence qu’il n’entendoit rien à cette question de physique ; mais voulant seulement l’avertir que son zèle pour les anciens n’étoit pas selon la science, & l’avoit même emporté fort au-delà de la juste limite, je me contentai de faire imprimer en italiques une expression peu exacte dont M. Dutens s’étoit servi, d’où l’on pouvoit conclure qu’en écrivant sur ces matières, il parloit une langue qui lui étoit étrangère. J’ai appris depuis, qu’un philosophe célèbre n’avoit pas jugé plus favorablement du travail de cet auteur, & qu’il lui faisoit même à ce sujet des reproches très-graves.

    « Je ne sais pas, dit-il, s’il y a beaucoup d’érudition dans l’ouvrage de M. Dutens, contre les modernes ; mais je sais qu’on y trouve bien peu de philosophie, & sur-tout une grande ignorance des sciences naturelles ; apparemment que l’idée de n’avoir à admirer que des gens morts il y a long-tems, humilie moins M. Dutens, que s’il lui falloit admirer ses contemporains. Si Pythagore a deviné le véritable systême du monde, Képler & Galilée l’ont établi sur des faits qu’ils ont observés les premiers. Pythagore a dit que les astres suivoient dans leurs mouvemens des loix mathématiques ; Képler a déterminé cette loi ; Newton a trouvé en vertu de quelle force ils y étoient assujettis ; les successeurs de Newton ont démontré que cette même force pouvoit expliquer les inégalités des planètes, & même le mouvement que les modernes ont remarqué dans l’axe de la terre & dans celui de la lune. Est-ce là n’avoir rien ajouté à ce qu’a fait Pythagore » ?