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étoient formés de nouveau par un principe insensible & semblable à celui qui est dans les plantes, & qui les fait vivre & croître. (V. Stoïcisme).

ATO

ATOMISME. Doctrine des anciens atomistes. (hist. de la philosophie ancienne). Afin de ne point multiplier les renvois dont on doit user sobrement dans un ouvrage de cette nature, & seulement dans les cas où ils sont absolument nécessaires, nous ne ferons ici qu’un seul article de l’hypothèse des anciens atomistes & de la philosophie corpusculaire en général, parce que ces deux doctrines, bien comprises, sont les mêmes sous deux noms différens. À l’égard du systême d’Epicure qui n’est au fond que celui des anciens atomistes renouvellé, réformé, corrigé, augmenté dans plusieurs de ses parties mais sur-tout entièrement dégagé de ces notions plus théologiques que philosophiques qui déparent l’ancienne philosophie corpusculaire, nous nous proposons de l’exposer au long, à l’article Epicuréisme. Nous nous bornons ici à faire connoitre les principes généraux de la physique & de la théologie des anciens philosophes atomistes, tels qu’on les trouve dans Platon, Aristote, Plutarque, & les autres sources les plus pures de l’antiquité.

Sans avoir égard au témoignage de Posidonius que nous rapporterons ci-dessous, nous croyons devoir assurer avec la plupart des auteurs les plus instruits sur ces matieres, que Leucippe doit être regardé comme l’inventeur du systême des atomes, & l’on doit blamer Epicure de ce que bien loin d’avouer qu’il eut profité des inventions de ce philosophe, il nioit qu’il eût existé. Voyez Gassendi in vit. Epicur. l. 5. c. 1. C’est le propre des grands esprits, dit à ce sujet un excellent critique, ils avouent difficilement qu’ils soient redevables de leur science aux lumières de leur prochain ; ils veulent qu’on sache qu’ils ont tiré tout de leur propre fonds ; qu’ils n’ont point eu d’autre maitre que leur génie. On a fait ce reproche à Epicure, lui qui n’avoit fait que réformer en certains endroits le systême de Démocrite, dont Leucippe étoit le premier auteur. Cicéron ne parle en effet d’Epicure que comme d’un restaurateur de l’hypothèse de Démocrite.


Quid est in physicis Epicuri non à Democrito ? Nam etsi quaedam commutavit, ut quod paulo antè de inclinatione atomorum dixi ; tamen pleraque dicit eadem, atomos, inane, imagines, infinitatem locorum innumerabilitatemque mundorum, eorum ortus, interitus, omnia ferè, quibus naturae ratio continetur. (de nat. deor. l. 1. c. 26).

Nous reviendrons sur tout ceci à l’article Epicuréisme ; nous devons nous occuper ici particulièrement de donner un précis exact du systême théologico-philofophique des anciens <i<atomistes.

Ceux qui croient que toutes les actions des hommes & : tous les événemens sont nécessaires, s’appuient sur l’un ou l’autre de ces fondemens. Ou ils croient que tous les agens agissent, comme ils le font, par une nécessité intérieure de leur nature, & que la liberté, ou la contingence est une chose absurde : ou, s’ils reconnoissent de la liberté en Dieu, ils conçoivent que toutes choses sont nécessairement déterminées par ses décrets ; en sorte qu’elles ne peuvent pas n’être point à nôtre égard.

On peut appuyer le premier de ces sentimens, sur deux différens fondemens. Ou l’on suppose qu’il n’y a rien dans le monde que des corps, & du mouvement local, & qu’aucun corps ne se mouvant de soi-même, il est mû par quelque agent extérieur ; en sorte que tout est soumis à une nécessité méchanique ou, qu’encore qu’il y ait des êtres intelligens qui ont un principe d’activité en eux-mêmes, néanmoins il n’y a point de liberté, ou de contingence dans leurs actions, parce que leurs volontés sont nécessairement déterminées par une intelligence supérieure.

Pour ne parler que de la nécessité méchanique, ceux qui la soutenoient étoient de véritables athées comme Démocrite, & ceux qui ont renouvellé ses sentimens, au moins en partie, comme Hobbes & Spinoza.

Leur doctrine étoit fondée sur cette pensée, que tout est composé de corpuscules qu’ils nomment aussi atomes. Sans s’attacher aux menues circonstances de leurs opinions & aux différends qu’ils pouvoient avoir entre eux, la physique corpusculaire ou des atomes suppose que le corps n’est autre chose qu’une masse étendue, & n’y reconnoit rien que ce qui est renfermé en cette idée ; c’est-à-dire, une certaine grandeur, jointe à la divisibilité des parties où l’on remarque une figure, une certaine situation, du mouvement & du repos, qui sont des modes de la substance étendue. Par là on prétend pouvoir rendre raison des propriétés de tous les corps, sans avoir recours à aucune forme substantielle, ni à aucune qualité qui soit distincte de ce qui réfsulte de l’étendue, de la divisibilité de la figure, de la situation, du mouvement & du repos. Cette physique ne reconnoît aucunes espèces intentionnelles, ni aucuns écoulemens[1], par le moyen de quoi

  1. L’écoulement dont il s’agit ici, est un écoulement d’images, & non pas de particules qui agissent sur nos yeux, selon les loix du mouvement, comme il paroît par ce qui suit immédiatement, & qui contient une opposition manifeste.