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A.


ACADÉMICIENS (Philosophie des anciens). Hist. de la philos.  anc.

Avant d’exposer, d’après les auteurs de l’antiquité les plus instruits sur ces matieres, les principaux dogmes de la morale & de la philosophie spéculative des anciens académiciens, nous croyons, pour rendre cet article plus instructif & d’une utilité plus générale, devoir faire précéder ce précis historique de quelques réflexions sur les moyens de juger du vrai, selon le sentiment de ces mêmes philosophes, qui tous sortis de l’école des anciens académiciens & formant depuis des sectes très-diverses, ont fait du criterium de l’évidence & de la vérité, l’objet le plus important de leurs recherches & de leurs disputes respectives.

Il y a déjà bien des siecles que toutes les nations font cas de l’étude de la philosophie, & on n’a jamais trouvé de peuple si barbare & si peu policé, qui n’ait eu & considéré des personnes qui en faisoient profession. Mais cette étude n’a pas eu une origine également ancienne chez tous les peuples ; les uns ont commencé plus tard que les autres à s’y attacher.

Les grecs qui, à cet égard, s’attribuent le premier rang, sont, si on les compare aux habitans de l’Asie, des enfans quant à l’ancienneté de la doctrine, comme un sage égyptien le reproche à Solon, à ce que dit Platon dans son Timée.

La raison en est, je pense, que cette sagesse qui est le fruit du travail & des efforts de l’esprit humain, ne se trouve que parmi les peuples tranquilles, qui jouissent de la paix & se livrent aux recherches philosophiques.

Les grecs ne purent se procurer de bonne heure le loisir, la paix, la domination & la sagesse. Comment des hommes forcés à s’occuper du soin de chercher leur nourriture, de repousser les attaques des ennemis, ou d’augmenter leur territoire, pouvoient-ils se livrer à l’étude de la sagesse & à la culture des arts qui ne fleurissent que dans le sein du loisir ?

Les premiers que les grecs honorèrent du nom de sages, furent ces docteurs de la superstition que cette nation appella théologiens & poëtes, qui chantèrent les généalogies des dieux, instituèrent les mystères, & inventèrent le culte des divinités.

Après les théologiens, vinrent ceux qui s’adonnèrent entiérement à la contemplation de la nature, & qui, par cette raison furent nommés physiciens.

De ce nombre fut Anaxagore, célèbre par lui-même, & plus encore par Socrate qui fut son disciple.

Anaxagore fut le dernier des physiciens ; car après Socrate, la philosophie changea de face.

La plupart des philosophes divisent la philosophie en trois parties, en logique, physique, & éthique ou morale. La premiere traite du discours & du raisonnement ; la seconde de la nature, & la troisieme des mœurs : une partie de la derniere est la politique, que les péripatéticiens regardent comme la quatrieme partie de la philosophie.

Les prédécesseurs de Socrate ne nomment pas même la logique & la morale. Il est vrai qu’on a d’eux plusieurs maximes & apophthegmes relatifs aux mœurs ; mais on n’y voit pas la moindre trace d’art, & ils ne forment pas un corps complet de morale. Il est aussi vrai que ces philosophes, dans leurs instructions & dans leurs discours, faisoient usage de raisonnemens & d’argumens, car tous les hommes raisonnent ; mais ils n’avoient jamais songé à l’art de former les argumens & de les apprécier, art que dans la suite on appella dialectique ou logique.

Socrate n’étoit pas homme à projetter & à conduire une entreprise sans art : s’étant donc proposé d’abandonner la contemplation subtile de la nature & des choses sublimes, de régler sa conduite sur la raison, & de former ses mœurs & celles des autres hommes, il inventa la logique & la morale.

Au moins est-il certain que Socrate fut fort versé dans ces sciences, & qu’il s’en servit merveilleusement. Mais Socrate même crut peut-être, comme les académiciens qui le suivirent, que la meilleure maniere d’enseigner étoit d’avancer le pour & le contre, & fit grand usage de cette méthode, n’affirmant avec assurance jamais rien, & déclarant qu’il ne faisoit que chercher & que toute sa science se réduisoit à savoir qu’il ne savoit rien.

L’effet de cet aveu, ou plutôt de cette dissimulation, fut que ses disciples ou sectateurs ne comprirent pas bien sa pensée, ou que, suivant chacun son tour d’esprit, ils se partagèrent en différentes opinions.

Tous ceux qui avoient vécu familiérement avec