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CARTÉSIANISME ou philosophie de Descartes, ainsi appellée du nom latin Cartesius de son auteur (histoire de la philosophie moderne).

Une note imprimée à la page 610, col. 1er. de ce volume renvoye l’analyse de la philosophie cartésienne à l’article DESCARTES (philosophie de) mais ayant examiné, de nouveau, les motifs qui nous avoient d’abord déterminés à préférer cette dernière dénomination, nous avons jugé qu’il seroit plus commode pour les lecteurs, subjugués, comme tous les hommes, par le pouvoir de l’habitude, de trouver à l’article CARTÉSIANISME, tout ce qui concerne DESCARTES considéré purement & simplement comme philosophe. À l’égard de l’ordre alphabétique qui par cette dernière considération se trouve incidemment interrompu, il sera facile de le rétablir, & de reporter cet article & celui de CARDAN, à leur vraie place, par le moyen d’une table que nous joindrons à la fin de ce volume, & dans laquelle les différens articles qui le composent seront rangés exactement sous la lettre à laquelle ils appartiennent.

Réné DESCARTES naquit le 31 mai 1596 à la Haye, petite ville de la Touraine, de Joachim Descartes, conseiller au parlement de Bretagne, & de Jeanne Brochard, fille du lieutenant-général de Poitiers. On lui donna le surnom de du Perron, petite seigneurie située dans le Poitou, qui entra ensuite dans son partage après la mort de son père.

La délicatesse de son tempérament, & les infirmités fréquentes qu’il eut à soutenir pendant son enfance, firent appréhender qu’il n’eût le sort de sa mère, qui étoit morte peu de tems après être accouchée de lui : mais il les surmonta, & vit sa santé se fortifier à mesure qu’il avança en âge.

Lorsqu’il eut huit ans, son père lui trouvant des dispositions heureuses pour l’étude, & une forte passion pour s’instruire, l’envoya au collège de la Flêche. Il s’y appliqua pendant 5 ans & demi aux humanités & durant ce tems il fit de grands progrès dans la connoissance des langues grecque & latine, & acquit un goût pour la poésie, qu’il conserva jusqu’à la fin de sa vie.

Il passa ensuite à la philosophie, à laquelle il donna toute son attention, mais qui étoit alors dans un état trop imparfait pour pouvoir lui plaire. Les mathématiques auxquelles il consacra la dernière année de son séjour à la Flèche, le dédommagèrent des dégoûts que lui avoit causés la philosophie. Elles eurent pour lui des charmes inconnus, & il profita avec empressement des moyens qu’on lui fournit pour s’enfoncer dans cette étude aussi profondément qu’il pouvoit le souhaiter. Le recteur du collège lui avoit permis de demeurer long-tems au lit, tant à cause de la délicatesse de sa santé, que parce qu’il remarquoit en lui un esprit porté naturellement à la méditation. Descartes qui, à son réveil, trouvoit toutes les forces de son esprit recueillies, & tous ses sens rassis par le repos de la nuit, profitoit de ces conjonctures favorables pour méditer. Cette pratique lui tourna tellement en habitude qu’il s’en fit une manière d’étudier pour toute sa vie ; & l’on peut dire que c’est aux matinées qu’il passoit dans son lit, que nous sommes redevables de ce que son génie a produit de plus important dans la philosophie & dans les mathématiques.

Son père qui avoit fait prendre à fon aîné le parti de la robe, sembloit destiner le jeune du Perron à celui de la guerre : mais la grande jeunesse & la foiblesse de son tempérament ne lui permettant pas de l’exposer si-tôt aux travaux de ce métier pénible, il l’envoya à Paris, après qu’il eut fini le cours de ses études.

Le jeune Descartes s’y livra d’abord aux plaisirs, & conçut une passion d’autant plus forte pour le jeu, qu’il y étoit heureux. Mais il s’en désabusa bientôt, tant par les bons avis du P. Mersenne, qu’il avoit connu à la Flèche, que par ses propres réflexions. Il songea alors à se remettre à l’étude, qu’il avoit abondonnée depuis sa sortie du collège & se retirant pour cet effet de tout commerce oisif, il se logea dans une maison écartée du fauxbourg S. Germain, sans avertir ses amis du lieu de sa retraite. Il y demeura une partie de l’année 1614, & les deux suivantes presque entières, sans en sortir, & sans voir personne.

Ayant ainsi repris le goût de l’étude, il se livra entièrement à celle des mathématiques, auxquels il voulut donner ce grand loisir qu’il s’étoit procuré ; il cultiva particulièrement la géométrie & l’analyse des anciens, qu’il avoit déjà approfondie dès le collège.

Lorsqu’il se vit âgé de 21 ans, il crut qu’il étoit tems de songer à se mettre dans le service, il se rendit pour cela en Hollande, afin d’y porter les armes sous le prince Maurice. Quoiqu’il choisit cette école, qui étoit la plus brillante qu’il y eût alors par le grand nombre de héros qui se formèrent sous ce grand capitaine, il n’avoit pas dessein de devenir grand guerrier ; il ne vouloit être que spectateur des rôles qui se jouent sur ce grand théâtre, & étudier seulement les mœurs des hommes qui y paroissent. Ce fut pour cette raison, qu’il ne voulut point d’emploi, & qu’il s’entretint toujours à ses dépens, quoique pour garder la forme, il eût reçu une fois la paie.